Multiplication des événements extrêmes, fonte des glaces, montée des océans, le nouveau rapport des experts du climat met en relief, si besoin en était encore, les désordres à grande échelle occasionnés par le réchauffement et propose des mesures pour renverser la tendance dangereuse.
Dévoilé le lundi 9 août à Genève (Suisse), le nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) doit être analysé comme la dernière alerte avant le chaos climatique.
Et des sommités comme son Altesse le Prince Charles du Royaume uni en sont conscientes et ne cessent d’interpeller les décideurs à toutes les échelles.
«Où que vous soyez, aucun pays n’est à l’abri». L’alerte est sonnée ici par le Prince Charles qui a récemment signé dans la presse une tribune (sur le site du Daily Mail du 20 août 2021) où il a exhorté les chefs d’Etat à agir pour le climat.
Et il ne reste pas en marge de la synergie d’action souhaitée puisque l’héritier du trône britannique y explique ses actions pour lutter contre le réchauffement climatique et dans laquelle.
La menace est réelle car elle se manifeste ces dernières années par des épisodes de canicules et de pluies torrentielles.
Et cela à l’image de la vague de chaleur qui a occasionné de gigantesques incendies en Europe (France, Grèce), en Afrique (Algérie, Maroc) et en Turquie entre les mois de juillet et août 2021.
Le Mali n’échappe pas malheureusement aux conséquences désastreuses de ce dérèglement climatique.
Même si nous ne connaissons pas encore ces gigantesques incendies, notre pays est confronté à de fortes pluies torrentielles accompagnées de grêles et de vents violents comme celles qui ont causé d’énormes dégâts dans des exploitations agricoles de la commune rurale de Bolo-Fouta, il y a quelques jours.
«209 hectares de coton et 42 hectares de maïs totalement dévastés.
Il devient impératif pour le gouvernement malien de déclarer l’état de catastrophe naturelle pour ces paysans sinistrés afin de procéder à leur indemnisation d’urgence», a déploré M. Yaya Sangaré, ancien ministre et ancien député de Yanfolila.
Que Dieu nous assiste !
«De nouvelles études approfondies et des nouvelles données sont venues étayer nos connaissances sur les liens entre émissions de CO2 liées aux activités humaines, dérèglements climatiques, phénomènes météorologiques extrêmes et impacts, notamment à l’échelle régionale», a signalé le GIEC. Dans son rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C, publié en 2018, l’organisme onusien estimait que cette limite serait dépassée entre 2030 et 2052, si l’on ne corrigeait pas la trajectoire actuelle. Des études plus récentes démontrent que les délais sont en fait plus serrés alors que des actions concrètes et audacieuses sont bloquées à l’échelle mondiale pour des considérations géopolitiques et géostratégiques.
«Notre planète est en crise», écrit sans détour le Prince Charles. Pour choquer et éveiller les consciences, il n’hésite pas à employer des mots forts comme «cauchemardesque» pour qualifier les feux qui ont ravagé la Grèce ou encore l’Italie pendant presque tout le mois d’août. Le Prince de Galles évoque également dans sa tribune les «souvenirs déprimants» qu’il garde des Caraïbes après qu’elles aient été frappées par deux ouragans en 2017 et multiplie les exemples de catastrophes naturelles à travers le monde. D’où l’urgence d’une prise de conscience générale. «Si nous ne nous confrontons pas à ce défi monumental, et rapidement, nous et le monde tel que nous le connaissons seront fichus», a-t-il assuré.
Quelle parallèle peut-on faire entre les résultats du rapport du GIEC à l’échelle globale et la situation au Mali ? «Nous connaîtrons des saisons chaudes plus longues et des saisons froides plus courtes», a prévenu M. Sékou N’Faly Sissoko, de la direction nationale de Mali-météo et point focal du GIEC au Mali, interrogé par L’Essor. «Il y aura une intensification du cycle de l’eau, des inondations et des sècheresses dans certaines régions. On enregistrera une mauvaise répartition des pluies», a-t-il ajouté. Et de poursuivre, «des pluies intenses sont prévues sur les hautes altitudes et des baisses projetées dans une grande partie des régions subtropicales. Ceci pourrait sérieusement impacter le Mali, à cause de l’extrême vulnérabilité du pays et la dépendance des systèmes de production des facteurs naturels».
Et comme nous le savons tous, les populations rurales tirent leurs subsistances du secteur agricole (agriculture, élevage et pêche) qui est fortement tributaire des caprices climatiques. Avec une économie à vocation agro-sylvo-pastorale, une baisse de la pluviométrie avec ou sans une mauvaise répartition des pluies aura des impacts sur la production agricole entraînant la pauvreté et la famine dans le pays.
«Ces aléas climatiques joueront sur la disponibilité de fourrage et la santé animale. L’eau et le sol sont les premiers supports de la chaîne alimentaire des écosystèmes qui, en retour par leur biomasse, alimentent le sol. La dégradation de ces ressources, aggravée par un rythme de succession des extrêmes climatiques entraîne la diminution des rendements agricoles, entraînant la famine et la pauvreté», a indiqué à L’Essor M. Sékou N’Faly Sissoko.
Il a aussi souligné que les différentes études menées sur le changement climatique au Mali confirment les prévisions du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ces études mettent en relief des défis climatiques auxquels le pays est exposé comme les sécheresses, les inondations, les vents forts, les fortes variations de températures…
Tout comme les secteurs clefs de l’économie du pays comme la santé, les ressources en eau, les infrastructures, l’industrie et les mines sont aussi exposées au changement climatique. Le secteur primaire occupe plus de 80 % de la population active et représente plus de 38,5 % du produit intérieur brut (Pib).
Ces phénomènes climatiques extrêmes ont déjà entraîné un épuisement de la fertilité du sol et la couverture des forêts, provoquant du coup une forte dégradation des terres.
Pour l’expert malien, «l’approche territoriale est indispensable» pour réussir la mise en œuvre de la Contribution nationale déterminée au niveau national (CDN) qui est le document de référence pour chaque pays signataire de l’Accord de Paris sur le changement climatique, auquel a souscrit notre pays. Ils y sont consignés les secteurs économiques dans lesquels chaque pays s’engage à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre. Ainsi au Mali, au cours des deux décennies, le gouvernement du Mali a défini un certain nombre de politiques et stratégies en matière de gestion des ressources naturelles qui prônent «une gestion participative et décentralisée et une équité dans l’utilisation des ressources naturelles».
Quant à la Politique nationale de changement climatique, elle propose des actions qui visent, entre autres, à veiller à l’augmentation du portefeuille de projets d’adaptation/atténuation par région. Il est également indispensable de mener des actions de sensibilisation et d’information sur les effets climatiques dans chaque région. Et cela en fonction des spécificités climatiques, écologiques et socio-économiques.
La mise en œuvre de ces activités nécessite leur prise en compte dans les programmes de développement communaux. Il est absolument vital que les gouvernements s’alignent sur un objectif à 1,5°C et revoient leurs plans en conséquence, notamment à l’occasion de la COP26 qui se tiendra à Glasgow (Ecosse) en novembre prochain.
«A l’approche de la COP26, ce constat devrait nous rappeler que le changement climatique est en marche», a rappelle le Prince Charles dans sa tribune.
Moussa Bolly