Périmètres irrigués de Sélingué:Les bras valides manquent à l’appel


Comme Fodé Traoré, Président de l’Union des sociétés coopératives de la zone ODRS, ils sont de plus en plus nombreux à se plaindre de la «désertification» des rizières.

Sélingué, lundi 12 mars. Il est environ 11 heures. Le Directeur Général de l’ODRS, Ousmane Maïga, et ses collaborateurs se préparent à lancer la campagne de contre-saison. Non sans un grand pincement au cœur. C’est Fodé Traoré qui, dans sa courte intervention, exprime cette «amertume»: «nous sommes ici au lancement de la campagne de contre-saison. Mais nous avons un problème, un sérieux problème, de ressources humaines. Tous nos bras valides sont partis dans la mine d’or et, cette année, nous devons puiser au plus profond de nos ressources pour produire le riz. Nous en appelons aux chefs des villages et aux élus communaux, afin qu’ils sensibilisent les jeunes et les femmes. Sans eux, nous allons vers une catastrophe».

Le Sous-Préfet de la localité lui emboîte le pas. «Depuis le mois de décembre, nous ne cessons de lancer des appels aux bras valides qui ont abandonné les périmètres irrigués. Cela nous inquiète, et nous sommes tous interpellés par le retard observé par rapport au calendrier. Nous continuerons à organiser des rencontres de sensibilisation, pour que les gens comprennent que nous allons à la mort de la production rizicole».

Plus radical, le chef du village des pêcheurs demandera aux dirigeants de l’ODRS de «retirer les parcelles à ceux qui les ont abandonnées et de fermer la mine, afin que les gens reviennent la terre». Le manque criard de ressources humaines à Sélingué,  Nfa Boubakar Dravé le vit au jour le jour. «J’exploite une parcelle de 0,50 ha. Dans une saison normale, je récolte 40 sacs. Mais la dernière campagne ne m’a permis d’en avoir que 37. Aujourd’hui, notre plus grand problème est celui des travailleurs. Nous n’en avons pas, car la mine d’or a tout raflé. Souvent nous sommes obligés d’aller chercher des gens ailleurs» affirme-t-il. M. Dravé ajoute «avant, pour repiquer 0,50 ha, on payait 20 000 FCFA. De nos jours, les prix oscillent entre 25 et 30 000 FCFA. Cela nous oblige à faire recours à nos enfants qui, du coup, ne peuvent plus aller normalement à l’école». M. Dravé en a 6 et 3 sont pleinement engagés dans les travaux champêtres.

Association Benkadi: l’espoir

Dans la période sombre que traversent les périmètres irrigués de Sélingué, l’Association Benkadi, dirigée par Sata Kéïta, fait montre de bravoure et d’objectivité.

De bravoure, car les femmes qui composent cette association ont décidé, contre vents et marées, de parcourir plus de 6 km par jour et de travailler d’abord la terre avant de se consacrer à  toute autre activité.

D’objectivité, car ces femmes, que nous avons rencontrées, estiment «qu’avant la ruée vers l’or, il y avait le riz. Et c’est ce riz qui a donné à la localité  sa valeur». «Je demande à toutes les femmes, et surtout à nos enfants, de venir nous rejoindre. Si nous cessons de cultiver, même ceux qui cherchent de l’or n’auront pas à manger. Je voudrais aussi ajouter que cet or, que certaines personnes croient très important, ne nous rapporte de l’argent que pour un court laps de temps. Alors que nos périmètres, nos rizières, sont là pour la vie» a lancé Sata Kéïta.

Plus techniquement, le DG Ousmane Maïga a expliqué que la campagne de contre-saison 2012 procède de la volonté de l’ODRS «d’organiser au mieux la production agricole, de manière à renfoncer la sécurité alimentaire des ménages à revenus faibles».

En effet, selon les chiffres, malgré les bons résultats de la campagne d’hivernage 2010-2011 en production de riz, les spéculations complémentaires, telles que le maïs, le sorgho et le petit mil, n’ont pas été satisfaisantes. Toutes choses qui pourraient causer une pénurie alimentaire dans les zones de production. C’est pourquoi l’ODRS s’est attelé à lancer un programme spécial maraichage, il y a deux mois. Le DG a, en outre,  insisté sur «la bonne organisation de la contre saison du riz dans la zone de Sélingué». Une saison qui porte sur 1000 hectares environ, pour une production attendue de 6 000 tonnes, soit 6 tonnes à l’hectare, en moyenne.

Paul Mben

Le 22 Septembre 14/03/2012