La rareté de pièces de monnaie communément appelées ‘’jetons’’ perdure au Mali voire dans la sous-région, apprend-on. Ce phénomène cause des désagréments aux petits commerces et tous les utilisateurs de la petite monnaie. Chauffeurs de Sotrama, Taximen, boutiquiers du quartier, pharmaciens, parents d’élèves, chacun se démène pour disposer des précieuses pièces de monnaie de 5 à 500fcfa. Un vrai casse-tête.
Cependant, cette situation fait le bonheur de certains installés confortablement au marché sis au centre ville.
En ces temps de récession économique presque mondiale, une difficulté nouvelle est venue s’ajouter au lot des obstacles que doivent braver les maliens chaque jour. En effet, ces derniers font face à un problème inhabituel : celui de la rareté des pièces de monnaie.
« warimisin té ! » « pas de monnaie! » c’est là une expression que les maliens entendent couramment. Ils entendent couramment cette expression dans les pharmacies et boulangeries, dans les taxis ou minibus de transport urbain, chez les boutiquiers du coin ou la vendeuse de galettes chaudes ou de beignets, aux guichets dans les agences des sociétés d’eau ou d’électricité, bref, dans tous les commerces.
Ô poisse, quand tu nous tiens ! Au Mali, nos braves concitoyens ont toujours fait « contre mauvaise fortune bon cœur » en matière des transactions commerciales quotidiennes. Ils ne se lassent point de demander, leur billet de banque ou pièce de monnaie en main, à qui voudra bien leur faire la monnaie. Quand ça leur arrive d’en chercher, bien sûr. Face au refus voulu ou forcé, certains, par habitude, sourient et se tournent vers une deuxième, troisième, voire énième personne, avant de se résigner à dépenser une part dans le montant de la pièce ou du billet et obtenir, ainsi, la monnaie tant recherchée. Qui n’a pas eu ce déplaisir d’une dépense inopportune juste pour avoir de la petite monnaie ?
En effet, sauf cas d’exception, il est rare de trouver la monnaie d’une pièce ou d’un billet de banque sans pour autant acheter quelque article auprès de n’importe quel commerçant de la place, tellement, c’est devenu difficile.
Baro, brave mère de famille, est habitante de Kalabancoro, un quartier de Kati. A côté d’elle, deux garçons gringalets et turbulents qui, visiblement, viennent de l’école parce qu’ils portent encore la tenue caractéristique de leur établissement. Tout en les couvant de regard, elle raconte : « quand mes deux enfants partaient à l’école primaire. Chaque matin je donnais à chacun une pièce de 100 F pour la recréation. Mais, avoir de la monnaie est devenue si difficile que chaque soir je prends soin d’en trouver afin que mes enfants ne soient pas en retard à l’école le lendemain. »
Mais, le retard de ses enfants à l’école n’est pas moins agaçant que trouver les pièces de monnaie à leur donner. Irritée, la brave dame ajoute : « Souvent, avoir les deux pièces de 100 F devient une vraie gymnastique. Pour ça, il faut obligatoirement acheter chez le boutiquier des articles que généralement je n’en ai vraiment pas besoin ».
A une dizaine de mètres du centre de la mairie de kalabancoro, Hamadou, un homme d’une quarantaine d’années a en mains un gros sachet bleu en plastique qu’il agite à la descente d’un minibus de transport urbain plus connu sous le nom de « SOTRAMA ». Il gronde, les yeux rouges de colère : « Pour une course de 125 F je viens de payer 200 F faute de monnaie ! J’ai donné 500 F à l’apprenti mais il m’a remis seulement 300 F, la voiture a démarré et m’a laissé planté là ! »
Cette petite mésaventure que vient de connaître Hamadou, est familière aux usagers des « SOMATRA ». Mais, un jeune chauffeur, assis tranquillement dans la cabine de son minibus en attente de chargement, les deux mains au volant, nous confie sans hésitation aucune : « Faute de monnaie, il nous arrive de remettre au client son argent sans le faire descendre et nous le conduisons jusqu’à destination. Il nous arrive aussi de conduire des passagers à 100 F quand les pièces de 25 F venaient à nous manquer ».
Cette rareté de pièces de monnaie a ceci de gênant qu’elle ralentit les élans des hommes et des femmes dans la recherche de leur pain quotidien, aussi minime soit-il.
Moustapha est chauffeur de taxi. Il vient de prendre une petite pause avec sa famille. Disponible pour le travail du soir, la tête sous le capot du taxi, il dit d’un air résigné : « Certains clients montent dans nos taxis mais ne se rendent pas compte du désagrément qu’ils nous causent en ne nous informant pas qu’il faut qu’on leur rende de la monnaie au bout de leur course. Ce qui, en général, devient du temps perdu pour eux et pour nous aussi ».
Seydou est le tenancier de la boutique que les gens de son quartier appellent « Maiiga ka bitigui ». Debout derrière le comptoir, il parle, tout en faisant attention aux clients venus faire des achats dans sa boutique : « Pour 200F, 100 F, 50 F, 25 F ou toute autre pièce de monnaie, il m’arrive de refuser des clients et, en ceci, perdre de l’argent. Je me demande ce qui est à la base de cette situation de manque de pièces de monnaie ! »
Cette rareté est-elle significative d’un enrichissement ou d’une vie devenue de plus en plus chère ? La classe moyenne est-elle devenue d’un seul coup si nombreuse à Bamako que les pièces de monnaie ont fuit la ville pour remplir les poches des paysans ou quelques petits commerçants de nos villes et villages de l’intérieur ?
Mahamadou YATTARA