Depuis le mois de juillet dernier, le patron de « Sodigaz » et président de l’Association des opérateurs gaziers, Oudiari Diawara faisait une sortie médiatique pour, indiquait-il, dénoncer des vols de bouteilles vides de gaz et trafics illicites en tout genre et aussi la vente des bonbonnes de gaz dans des quincailleries. Par la même occasion et au nom de ses pairs, il revendiquait à l’Etat des arriérés de plus de 2 milliards F CFA. Il expliquait aussi que « l’exportation de bouteilles vides est totalement interdite au Sénégal et au Burkina Faso dont on ne retrouve aucune bonbonne sur le marché malien ». Oudiari Diawara expliquait, au tout début, la pénurie de gaz au Mali par un mouvement de grève qu’aurait observé la douane ivoirienne et la faiblesse de la capacité de stockage de notre pays. Ironie du sort, quelques mois plus tard, des bouteilles de « Sodigaz Mali » dont M. Diawara est le patron provoque l’ire des revendeurs burkinabé qui dénoncent l’envahissement de leur marché des produits étrangers.
Cela se passe en un moment où la cour de Sodigaz à Sogoniko est remplie de bonbonnes vides et le personnel presque désœuvré. Ce qui tranche vraisemblablement avec la position qu’avait affichée l’opérateur Diawara. L’exportation de bouteilles Sodigaz au Burkina pourrait s’interpréter comme une totale indifférence de Sodigaz Mali à ce que vivent les Maliens en ce temps de rareté de gaz butane dans les dépôts habituels.
Interpellés par leurs clients, les décideurs de Sodigaz Burkina rétorquent : « Ces bouteilles n’ont jamais été importées par notre société. Même si elles ont la même couleur et la même forme que nos bouteilles, nous n’avions aucun accord avec ladite société (Sodigaz Mali) pour les utiliser au Burkina, d’où la circulaire du 18 janvier pour demander à nos revendeurs de ne plus les accepter dans leur point de vente ». Toutes choses qu’ils déplorent car, selon eux, cela crée la confusion au sein des consommateurs et pourrait décrédibiliser leur société qui est dépositaire de la marque. Il rejette l’accusation faite par les revendeurs agréés. « Nous n’avons jamais accepté de manière formelle ces bouteilles. Elles sont arrivées à notre niveau par manque de vigilance ».
Alayé Bonkoungou, responsable commercial est catégorique : « Nous n’avons pas le droit d’accepter ces bouteilles ou de les utiliser car nous ne les importons pas ». Il affirme qu’à ce jour, sa société possède plus de 2000 bouteilles « SODIGAZ MALI ». Et d’ajouter que dans cette affaire, tout le monde est perdant, qu’il s’agisse des clients, des revendeurs ou de Sodigaz Burkina.
En effet, la vulgarisation du gaz butane a une histoire. La lutte contre la sécheresse et plus précisément contre la déforestation passe, selon le CILSS, par une utilisation massive des énergies de substitution. Dans la grande famille des combustibles, le gaz butane est le produit le plus adapté à nos besoins. C’est pourquoi l’organisation sous-régionale a lancé dans les années 1980, avec l’appui de l’Union européenne, un vaste programme de promotion du gaz butane qui prévoit une subvention substantielle du produit au bénéfice des populations.
Le marché de gaz malien est partagé entre les privés Sodigaz, Coumbagaz, Sigaz et Fasogaz. Mais puisque le ridicule ne tue plus, c’est cette première société dont le gérant préside aux destinées de l’Association des opérateurs gaziers qui se livrerait à cette sale besogne dont nos compatriotes ne cessent de souffrir. Certainement, il dira que l’exportation lui échappe. Ce qui n’est pas un argument quand on sait que l’Etat malien subventionne le gaz à hauteur de 60%. Autant dire qu’aucune négligence n’est permise.
Aussi, les douanes maliennes sont interpellées pour veiller à ce que cette exportation illicite soit circonscrite pour le bonheur des Maliens qui sont loin de profiter des subventions accordées par l’Etat dans la commercialisation du gaz butane.
Abdoul Karim Maïga
L’ Indicateur Renouveau 10/02/2011