Il n’a donc plus de retenue ni aucun égard pour la souveraineté de l’Etat malien, ni aucune considération pour un peuple déjà humilié, meurtri et déshonoré à cause de l’extrême irresponsabilité et l’insouciance de certains de ses fils.
A la faveur d’une intervention militaire pour chasser les terroristes et autres jihadistes confortablement installés sur 2/3 de son territoire, le Mali est en train de devenir un protectorat français. Toutes les décisions importantes concernant la vie de la nation ainsi que son avenir sont prises ou annoncées par Paris. Les autorités de la transition jouent le rôle de marionnette en faisant semblant d’exister.
Pouvait-il en être autrement, dès lors que tout le peuple semble encore sous anesthésie ? L’humiliante débâcle de son armée, jusqu’alors creuset de sa fierté nationale, face à des groupuscules de narcotrafiquants armés, la fulgurante progression de ces bandits pour soumettre ensuite les populations de sa partie septentrionale aux affres de la violence et à la barbarie moyenâgeuse ajoutés à l’incapacité de son élite à agir ou à réagir pour écourter sa souffrance, ont fini de convaincre le peuple malien que son salut ne viendra que d’ailleurs.
C’est ainsi qu’il a accueilli les soldats français en libérateurs ce 11 janvier 2013. Une intervention saluée et acclamée à juste raison par l’ensemble de la communauté internationale pour stopper net la menace djihadiste sur l’Afrique de l’Ouest. Malheureusement, il apparait de plus en plus évident que d’autres agendas s’y sont greffés entre-temps. D’où l’ambiguïté de la position française par rapport à l’organisation des élections présidentielles bien avant la libération de Kidal.
Au lieu de faire une bonne et lucide appréciation de la situation et des menaces graves qui pèsent désormais sur l’intégrité et l’unité du territoire, la classe politique malienne s’empresse de s’adonner à son jeu favori, c’est-à-dire la course effrénée aux postes et/ou au pouvoir. Pour des élections encore incertaines, les candidatures fusent comme des fourmis en vue de conquérir le palais présidentiel de Koulouba.
Le peuple, c’est le dernier souci de la plupart des postulants. Ne pouvant s’empêcher d’étaler leur incurie et leur insouciance par rapport aux aspirations et autres quotidiens de leurs compatriotes certains des candidats n’ont pu trouver mieux que de nous ramener dans des débats malsains et d’égouts.
En effet, récemment il faisait rage dans certains milieux politiques, le « débat » entre « Maliens » et « Soudanais ». Les premiers demandaient, sinon exigeaient ni plus ni moins que les seconds se mettent en retrait de la gestion des affaires publiques pour avoir échoué dans toutes leurs entreprises depuis l’indépendance du pays en 1960. L’interpellation est passée presque inaperçue.
Mais, elle exprime la profonde crise de confiance qui s’est installée entre la « jeunesse » (nouvelle génération) et les anciens (ceux aux affaires de l’Etat jusqu’ici). Présenter la grave crise que connaît le pays actuellement sous cet angle peut, à la limite, paraître un peu irresponsable. Car, jamais une société ne s’est débarrassée de tous ses anciens et prétendre ensuite au développement ou au progrès social. C’est faire une grave injure à tous ces valeureux compatriotes (hommes et femmes) de cette ancienne génération à avoir renoncé à tout même au strict minimum pour que le Mali d’aujourd’hui soit.
Les exemples les plus illustratifs sont la famille paternelle de Modibo Kéita, le père de la nation malienne, qui vit jusqu’à présent en marge de l’insolent développement exponentiel de la ville de Bamako, capitale politique et économique du Mali. En effet, ceux qui ont été témoins de l’évolution de cette ville peuvent attester de la probité et de l’intégrité morale qui caractérisaient tous les actes de Modibo Kéita. Il aurait pu faire comme d’autres de sa génération en bâtissant des buildings et de luxueux châteaux pour sa famille.
Mais, bien que Soudanais, il a placé le Mali au-dessus de l’aisance et de l’opulence personnelle. En plus, celui dont le régime a été renversé par la révolte populaire de mars 1991 après une dictature de 23 ans, Moussa Traoré, nul ne lui connait jusqu’à ce jour une seule résidence personnelle à l’exception de celle à lui affectée par l’Etat. Mais depuis mars 1991, combien de fonctionnaires milliardaires enregistre-t-on au Mali ? Ils sont nombreux.
C’est pour toutes ces raisons que le peuple doit sévir par la seule véritable arme qu’il détient : son bulletin de vote. Il faut sanctionner tous ceux-là qui ont détourné à leurs seuls avantages les retombées du 26 mars ; ceux-là qui ont pillé les maigres ressources de l’Etat pour se construire des châteaux, entretenir des parcs auto entier, offrir des vacances de luxe à leurs copines au détriment de l’intérêt collectif et les meilleures études à leurs progénitures dans les meilleures universités au monde pendant que l’école malienne se morfond dans la médiocrité absolue.
De qui veut-on se moquer ?
Sans la libération de Kidal, il ne doit point avoir d’élection. Que la France avance d’autres arguments pour nous convaincre de la sincérité de son schéma de sortie de crise solennellement affirmée à Addis-Abeba en marge des travaux du 21e sommet des chefs d’Etat du continent et du 50e anniversaire de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) devenue aujourd’hui Union africaine (UA).
A impossible nul n’étant tenu, si d’aventure il devrait y avoir, malgré tout, des élections dans cette confusion autour du statut de Kidal, alors, la sanction doit être sans appel pour tous ces vendeurs d’illusions et autres marchands de rêves.
Bréhima Sidibé
L’ Indicateur Du Renouveau 2013-05-28 17:39:10