Après le coup de force des mutins, ce qui a causé le départ de l’ancien chef d’Etat IBK, la Cedeao a mis un embargo sur le Mali. Les sanctions économiques et commerciales et l’activation de sa force en attente sont entre autres les mesures préconisées. Oumar Berthé, Politologue, nous donne sa vision sur les évènements récents qu’a vécus la capitale malienne et en tant que Docteur en Droit public, il fournit des réponses concrètes concernant les mesures prévues dans la législation de l’organisation ouest-africaine.
Kati, une fois de plus a effrayé Bamako. De l’arrestation du l’ex-président de la République Ibrahim Boubacar Keita et son ancien premier ministre Dr. Boubou Cissé à la démission d’IBK, quelle est votre vision par rapport à cet évènement M. Berthé ?
OB : Ce coup d’Etat s’est fait d’une manière totalement déconcertée, avec une facilité incroyable. Il est différent de celui de 2012, il a été bien organisé avec une parfaite communication. Même si le président de la République a démissionné, cela ne change rien à l’acte posé. Il met les putschistes à l’abri de certaines choses, notamment le rétablissement d’IBK au pouvoir, de mettre le président de l’Assemblée nationale au pouvoir. La prudence des chancelleries internationales, voire leur silence en dit beaucoup. Le président de la République qui démissionne vraisemblablement par contraintes, mais qu’est-ce qui fait ambiguïté ? Est-ce un coup d’État ou pas ? La communauté internationale cherche une solution à ce problème.
A partir du communiqué de la Cedeao, à savoir les sanctions contre le Mali, qu’en pensez-vous ?
Cela était prévisible. La Cedeao nie sa crédibilité face à cette crise. Depuis bien longtemps, elle œuvre contre les changements anticonstitutionnels du pouvoir. Il n’y a rien à dire dans la forme par contre dans le fond, si. Le président de la commission est sorti de son périmètre de compétences en même tant que celui de la Cedeao elle-même. Le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance sur lequel le président de la commission s’est positionné pour prendre les sanctions contre le Mali, dit clairement que c’est la conférence des chefs d’Etat et des gouvernements qui peut établir les sanctions contre un Etat, lorsqu’un changement anticonstitutionnel du pourvoir intervient dans un Etat membre. Au-delà de cela, le conseil de médiation de sécurité peut proposer à la conférence des chefs d’État et du gouvernement d’établir ces sanctions. Par contre ce conseil ne peut pas lui-même prendre directement ces sanctions.
L’acte additionnel portant régime de sanction à l’encontre des Etats membres qui n’honore pas leurs obligations vis-à-vis de la Cedeao, précise aussi que c’est la conférence des Etats et du gouvernement qui peut établir les sanctions contre un Etat, lorsqu’il y a une interruption de leur démocratie. Le président de la commission en agissant ainsi, il est sorti de son rôle encore plus en décidant de recourir à la force. Pour rétablir l’ordre démocratique, il n’y a que les conférences des chefs d’Etat et du gouvernement, conformément aux lois de la Cedeao, pour établir une sanction qui autorise le recours à la force.
Et enfin, on note de même les sanctions prévues dans ce communiqué, qui n’étaient pas prévues par le droit de la Cedeao. Notamment quand le président de la commission invite les partenaires du Mali d’arrêter tous les flux de transitions économiques, commerciales et financières avec le Mali. La Cedeao n’est plus dans le droit, mais elle est vraisemblablement mal-arbitraire.
La Cedeao a-t-elle la capacité d’envoyer au Mali sa force en attente pour rétablir l’ordre constitutionnel ?
En réalité, elle n’a pas cette capacité. Cette sanction prise par la Cedeao est un moyen de pression supplémentaire contre ceux qui ont pris le pouvoir par la force ou par tout autre moyen antidémocratique ou anticonstitutionnel. Dans tous les pays, grands fournisseurs de contingents à la force en attente de la Cedeao, tous ces Etats sont confrontés à des problèmes sécuritaires. Notamment le Nigéria qui fournit le plus grand nombre de contingents, il est confronté à une crise sécuritaire contre le Boko Haram, le Niger, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée Conakry, à l’exception du Sénégal qui, on peut dire qu’il est politiquement stable. En somme, la Cedeao n’a pas aujourd’hui la capacité d’intervenir militairement au Mali et rétablir l’ordre économique.
Et en ce qui concerne l’application économique de ces sanctions contre le Mali, comment voyez-vous la tournure des choses ?
Là encore, on se rend compte que la Cedeao met en exergue sa faiblesse. Les sanctions économiques qu’elle a établi travers ce communiqué, je trouve qu’elle n’a ni les moyens ni la capacité de trouver la solution pour rétablir l’ordre constitutionnel au Mali. Ces sanctions sortent complètement du cadre l’égale de la Cedeao encore plus, elle a établi des sanctions dont elle n’a pas les moyens réels de les appliquer. Elle compte sur la coopération d’autres entités voire même d’autres Etats pour appliquer ces sanctions. Rappelez-vous en 2012, lorsqu’elle avait établi des sanctions économiques sur le Mali, elle a eu recourt à une coopération avec l’Union Economique et Monétaire à travers la Banque Centrale des Etas de l’Afrique de l’Ouest pour appliquer les sanctions financières et économiques, que la Cedeao avait adopté sur le Mali. Là encore, les sanctions économiques qu’elle a établi, elle n’a pas les moyens juridiques ni les moyens matériels pour les appliquer. Elle compte sur la coopération d’autres organisations et entités internationales.
Le Politologue et Docteur en Droit public Oumar Berthé, s’est t’exprimé en fonction de ses qualités. Les sanctions prévues par la Cedeao ne peuvent se réaliser par ce que, elle seule n’a pas la capacité d’exécuter ses sanctions sans l’implication d’autres Etats.
Emma F. NOUNAWON