Il faut tout d’abord rappeler que depuis la reprise des hostilités par le désormais feu Ibrahim Ag Bahanga (I.A.B.), malgré l’Accord d’Alger, le nord du Mali en général, et la région de Kidal, en particulier, sont entrés dans une spirale de violence qui a fait beaucoup de dégâts matériels et des pertes de vies humaines. Une situation d’insécurité très inconfortable, accompagnée d’un changement de stratégie de guerre de la part des bandits armés, avec l’introduction des mines.
Malgré les efforts consentis par le gouvernement malien et plusieurs partenaires au développement dans la résolution de la crise, I.A.B. et ses éléments, dont Rhissa Ag Bounounou, n’ont pas bougé d’un iota de leurs convictions.
Après la signature de l’Accord d’Alger, le 4 juillet 2006, qui engageait les deux parties contre tout recours à la violence, Bahanga et ses hommes se sont installés entre Boghassa et Tinzawatene, avec des revendications inconcevables, notamment le repli de l’armée de Tinzawatene.
C’est ainsi que, le 11 mai 2007, leur première attaque sur le poste militaire de Tinzawatene a été lancée, déclenchant, du coup, les hostilités entre le groupe de Ibrahim Ag Bahanga dénommé ATMNC (Alliance Touareg Mali Niger pour le Changement) – un groupe armé jamais reconnu par les autorités maliennes – et les forces armées et de sécurité du Mali.
Les forces armées et de sécurité découvrent alors une nouvelle méthode de guerre, jamais utilisée auparavant par une rébellion au Mali: la pose de mines anti personnelles.
Les militaires aussi bien que la population civile sont pris de panique par ces mines, qui non seulement font des victimes parmi les hommes en uniformes, mais aussi parmi la population travailleuse. Les transporteurs fréquentant l’axe Tamanrasset (Algérie), Kidal, Gao, eux, ne savaient plus où donner de la tête.
Selon le Coordinateur du PAGRK-PNUD à Kidal, Djibril Koné, avec qui nous avons échangé, la pose de mines par les rebelles avait plusieurs objectifs, dont celui de protéger leurs positions des différents renforts militaires qui montaient, isoler le poste de Tinzawatene et le couper de tout ravitaillement possible, pousser l’Etat à négocier et à accepter le repli de l’armée de Tinzawatene, qui est un passage des narco trafiquants et de certains éléments d’Al-Qaïda au Maghreb, et obliger l’Etat à reconnaître ce nouveau mouvement dirigé par I.A.B.
Selon les explications de M. Koné, «les populations de Tinzawatene se sont retrouvées entre deux feux croisés. D’un côté, les rebelles et, de l’autre, l’armée et les mines qui faisaient des victimes tout les jours. Ces populations n’avaient pas d’autres choix que de partir en abandonnant tout sur place.
«C’était la débandade totale. Les uns se sont retrouvés en Algérie et les autres sur la ligne de la frontière avec des écoliers, contraints à une année blanche. La population de Tinzawatene, meurtrie pour avoir tout perdu, a lancé des appels de détresse un peu partout. Mais à part quelques actions ponctuelles de l’Etat, la population a été abandonnée face à la désolation» ajoute Djibril Koné.
Pendant ce temps, nous a expliqué notre interlocuteur, «la préoccupation des plus hautes autorités du Mali par rapport à Tinzawatene était de faire revenir la population, d’organiser l’ouverture des classes et la reprise des activités socio économiques, ainsi que d’apporter un démenti sur la fausse interprétation du départ des populations fournie à la presse internationale par les bandits armés» (ndlr: les bandits faisaient croire à la communauté internationale que l’armée faisait des exactions sur la population).
C’est ainsi qu’une requête des autorités maliennes auprès du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a permis de prendre cette préoccupation en charge. Et une opération de déminage du village de Tinzawatene et environs, toujours en cours, par une équipe du génie militaire, sous l’escorte d’un détachement militaire de l’opération Djiguitougou, est intervenue. Selon certains notables de la zone, et même de la ville de Kidal, que nous avons rencontrés, «c’est le geste le plus salvateur que le Mali ait fait en tant d’années de conflit au Nord».
Une vielle dame, la soixantaine bien sonnée, installée à Bamako depuis la déclenchement des hostilités, nous a exprimé ses sentiments de «satisfaction et, surtout, de retour de la confiance, qui est toujours nécessaire dans ces genres de situation, entre l’armée et la population».
Sur le terrain, même si les informations restent «confidentielles», les fouilles ont permis de détecter des mines, des roquettes anti-char non explosées, des cartouches de fusées de signalisation…
L’opération de déminage a été, selon plusieurs ressortissants de la région de Kidal qui ont bien voulu s’exprimer, «un grand succès. Les populations s’adonnent désormais aux activités économiques et certains partenaires techniques et financiers de Tinzawatene ont repris leurs programmation en ce qui concerne les missions sur cette localité».
Notons, enfin, que ce travail a été réalisé avec les immenses efforts du PAGRK, soutenu par l’ex-Coordinatrice Résidente des Nations Unies au Mali, Mme Mbaranga Gasarabwe. Ceci dit, pour consolider ces acquis, selon les spécialistes, le PAGRK devra être doté davantage de capacités institutionnelles et techniques, à la taille de son ambition. Car le projet sera confronté à la sempiternelle question du renforcement des capacités de gouvernance locale, à travers la consolidation du climat de paix et de sécurité, l’amélioration de la communication et la gestion du développement local.
Cela nous paraît d’autant plus nécessaire qu’on assiste, ces derniers temps, à une recrudescence du banditisme et de la criminalité sur les axes routiers et, pire, dans la ville de Kidal. Ces actes criminels sont généralement posés par des motocyclistes, qui opèrent en petits groupes de 2 à 4 individus. A titre d’exemple, au cours du mois de juin 2011, il y a eu 4 assassinats, 2 véhicules enlevés, dont un du PIDRK et 2 motos, dont une du PIDRK toujours. Dans un autre registre, la crise libyenne continue de préoccuper l’ensemble des partenaires de la région. Ils viennent, à cet effet, de recevoir une requête de l’Association des femmes de l’Azawad, demandant un soutien pour les réfugiés revenant de Libye. La Croix Rouge étant débordée, faute de moyens.
Paul Mben
Le 22 Septembre 05/09/2011