Si le mouvement national de libération de l’AZAWAD dit : on a commis des erreurs, on accepte le désarment, on va faire amende honorable, là il crée une situation politique nouvelle qui peut aller dans le sens d’un dialogue restauré. Ensuite la négociation on verra. La position actuelle du MNLA, c’est on ne veut pas de l’armée malienne sur le territoire de Kidal, on ne veut pas non des militaires de la CEDEAO sur le territoire de Kidal : dans ces conditions, comment voulez-vous engager un dialogue un dialogue, à partir du moment où ils réaffirment en définitive, c’est une réaffirmation de l’indépendance. Donc on ne peut pas négocier avec des groupes armées qui continuent à dire nous on ne veut pas être dans le Mali ; donc là ça bloque, bien que le discours des responsables de MNLA soit tout le temps : on veut dialoguer, mais c’est la partie malienne qui ne veut pas dialoguer. Finalement c’est un dialogue de sourds, ça cache quand même des choses qui sont un petit peu inquiétantes : si je veux négocier avec vous, ça veut dire que nécessairement je vais dans le sens d’un compromis, donc il faut créer des conditions d’ un compromis pour pouvoir discuter, pour pouvoir parler, pour voir quelles sont les concessions que l’on peut faire de part et d’autre, sinon c’est pas possible.
Question : Alors comment Vous comprenez cette position française qui dit en substance qu’il faut négocier avec le MNLA ?
Bon ça, ça relève des décideurs politiques français, mais on ne peut pas poser le problème des négociations comme étant un en-soi, indépendamment des conditions de la négociation. Il existe une constitution au Mali, qui est celle de 1991, donc qui pose le problème de la constitutionnalité des négociations et des groupes avec lesquels négocier. Or me semble t-il la constitution malienne de 1991n’ouvre pas la porte pour la négociation avec des groupes armés qui veulent l’indépendance et qui refusent de reconnaitre la présence d’une autorité militaire sur son territoire : en conséquence de quoi elle s’est complètement bloquée ; alors maintenant il y a aussi d’autres stratégies que je ne connais pas, en relation avec les otages peut-être, mais je tiens quand même à dire une chose : c’est que le MNLA qui dit : nous on sait où se trouvent les otages, vous ne pouvez rien faire sans nous… C’est faux ! Vous avez quand le colonel major Hadji Gamou qui connaît particulièrement bien cette région et qui peut lui aussi intervenir dans cette partie-là ; or je constate, et ça c’est quand quelque chose qui m’interpelle, que El Hadj Gamou, on le cantonne à Gao et peut-être même à Ménaka, mais on lui interdit d’aller Kidal : quelque part ça dérange, dans les conditions d’autorité et d’ordre au sein de l’armée. Il y a peut- être une réorientation qui se fait, mais ne pas les mettre sur la touche. Je crois que les mettre complètement sur la touche serait probablement une erreur ; mais négocier avec eux ça implique des conditionnalités et si ces conditionnalités ne sont pas respectées ça veut dire qu’ils ne veulent pas négocier.
Nos invités sur la ligne des fronts sont HOMENI Belco Maïga et le Docteur Akory Ag Iknane respectivement président du conseil régional de Kidal et président des ressortissants de Kidal, ils tirent sur la sonnette d’alarme pour la libération totale de la région de Kidal où les populations sont prises dans un étau ,où le MNLA sème la terreur, les deux invités sont au micro de Abass Fanbougouri Traoré.
LE MNLA N’A JAMAIS EU DE SOUTIEN POPULAIRE DANS LA REGION DE KIDAL
Q: Monsieur le président, aujourd’hui quelle est la situation au niveau de votre région, Kidal ?
R: Merci de nous inviter sur ce plateau, je pense que la situation à Kidal aujourd’hui est, celle que vous connaissez, c’est-à-dire que les Français sont aujourd’hui à Kidal, ils sont au niveau de l’aéroport de Kidal ; il y a aussi des troupes tchadiennes qui sont dans le Camp II et aux alentours de Kidal, il y a aussi des forces en présence, notamment les MNLA qui sont à Kidal ; les trois cohabitent auprès des populations qui se retrouvent dans cette situation qu’ils ne comprennent pas : l’absence de l’Etat. Voilà un peu la situation sur le terrain aujourd’hui.
Q : Beaucoup disent que le MNLA ne représente rien ; qu’est-ce qu’ils font à Kidal aujourd’hui ?
R : Le MNLA aujourd’hui à Kidal, en fait c’est une partie du MNLA et une partie d’Ansardine, c’est n’est pas seulement le MNLA, c’est les deux groupes qui ont pratiquement fusionné pour s’installer à Kidal. Les populations sont réfractaires à ce qui se passe aujourd’hui dans la ville de Kidal. Le MNLA n’a jamais eu de soutien populaire, je le confirme, dans la région de Kidal ; il s’est imposé, il a profité de cette situation pour s’imposer aujourd’hui dans la région de Kidal, notamment dans la ville de Kidal après le départ de certains éléments, j’ai bien dit de certains éléments d’ANSARDINE. La population n’adhère pas, je le confirme, la population de Kidal n’adhère pas à ce qui se passe aujourd’hui dans la ville de Kidal, notamment la pression que le MNLA exerce sur les populations.
Q : Est-ce que ces informations, vous les avez données aux plus hautes autorités ?
R : De toutes les façons, nous sommes en contact avec notre ministère à travers notre gouverneur et toutes les informations que nous avons, on informe notre gouverneur au fur et à mesure de l’évolution des faits.
LES POPULATIONS N’ONT PAS ACCEPTE DE RENCONTRER LE MNLA
Q : Docteur Akory, cette situation comment vous vous la percevez ? Ca veut dire que le MNLA est toujours là ?
R : Justement, malheureusement malgré nous, effectivement le MNLA est présent, non seulement à Kidal mais aussi à Tessalit ; et je voulais juste rappeler qu’à Tessalit, quand ils sont arrivés, ils ont tenté de rencontrer les populations et les populations n’ont pas accepté de rencontrer, leur disant, dans tous les cas, c’est vous qui avez chassé nos élus que nous connaissons ; ils ont cité la présidente du Conseil de cercle de Tessalit, les élus, le maire, etc. Donc nous, c’est eux qu’on reconnaît : tant qu’ils ne sont pas là, nous n’avons absolument rien à vous dire.
Q : Il y a cette urgence-là, Docteur, mais il y a aussi l’urgence humanitaire, les édifices publics quand même, contrairement aux autres régions comme Tombouctou et même Gao, n’ont pas été atteints : est-ce que c’est la même réalité à Kidal aujourd’hui ? Qu’est ce qu’il faut pour les protéger, quelles sont les urgences?
R : Bon je pense que effectivement le Kidal a eu cette chance de voir la plus part des édifices qui n’ont pas été saccagés, même si effectivement les édifices publics ont été vandalisés pour enlever la plupart des équipements publics ; mais au moins ils n’ont pas été détruits, c’est-à-dire que pratiquement les immeubles n’ont pas été atteints. La région a eu cette chance effectivement, comme une partie de Gao, où, au plan sanitaire, nous avons en son temps formé des ressortissants de la région pour s’occuper de la santé des populations ; et c’est cette chance que nous avons à Tessalit : il y a des agents de santé de la localité ; à Kidal aussi il y a en a ; donc c’est eux qui prennent en charge sur le plan sanitaire les populations. Mais aujourd’hui la situation humanitaire est telle que la frontière algérienne étant fermée, que les gens ont du mal à venir à Gao, qui, traditionnellement même, n’est pas la zone habituelle où les gens viennent s’approvisionner ; ici l’approvisionnement est fait essentiellement à partir de l’Algérie ; donc aujourd’hui les gens sont pris dans un étau, et la situation humanitaire devient de plus en plus préoccupante, en particulier la situation nutritionnelle des enfants certainement se dégrade de plus en plus, donc je pense qu’une action doit être menée pour venir en aide à ces populations qui se retrouvent prises dans un étau.
Q : Monsieur le président, le retour de l’administration, puisqu’il y a des urgences et des élus est vivement attendu : qu’est-ce que vous attendez ici à Bamako ?
R : Merci, je pense que tout dernièrement nous avons eu une rencontre avec notre ministère de tutelle qui nous a instruit, dès que les conditions seront réunies, de rejoindre nos régions. Actuellement pour Gao, Tombouctou je pense que ça ne pose pas beaucoup de problème, mais pour la région de Kidal il y a certains préalables.
Q : Lesquels?
R : Le premier préalable, c’est qu’aujourd’hui nous nous ne pouvons pas… D’abord il y a des hommes en armes qui sont réfractaires au retour de l’administration et des fonctionnaires de l’Etat et de certains élus ; il faut d’abord désarmer ces hommes qui sont en armes dans la ville de Kidal, il faut ensuite le retour de l’armée malienne et ensuite suivra le retour de l’administration et de élus ; sans quoi moi en tant que Homény peux retourner à Kidal demain si je le veux, mais sous le drapeau du Mali : je ne retourne que sous ces conditions. Et c’est valable aussi, je sais pour le gouverneur et pour d’autres fonctionnaires ; donc il faut une certaine sécurité et tous ces gens vont repartir. Deuxièmement, nous ne pouvons pas partir après neufs mois d’absence, comme ça pour des populations qui traversent des difficultés, nous ne pouvons pas partir sans qu’on ait un plan d’urgence pour ces populations ou bien qu’on puisse leur apporter quelque chose ; je l’ai dit à certains partenaires et on est en train de discuter avec beaucoup de partenaires là-dessus : l’Etat, les partenaires, pour dire que nous sommes prêts à retourner mais qu’il y a un minimum ; le minimum c’est quoi ? C’est que aujourd’hui de rétablir l’électricité et l’eau à Kidal (il y a pas l’eau potable), c’est fournir en médicaments parce que l’approvisionnement n’est plus assuré en médicaments dans nos centres de santé ; c’est de trouver ne serait-ce que des céréales, du lait pour les enfants et penser à la réouverture de l’école.
LE DIALOGUE EST INDISPENSABLE MAIS AVEC TOUTES LES COMPOSANTES DU PAYS, PAS SEULEMENT LES HOMMES EN ARMES
Q : D’autres urgences aussi, Docteur, c’est la réconciliation : comment vous voyez avec les ressortissants ? Est-ce que vous en discutez souvent, de la réconciliation, entre vous ? Parce que le MNLA, quand même, c’est essentiellement des Kidalois?
R : Je voudrais rectifier quand même que le MNLA, ce n’est pas essentiellement des Kidalois : il y a beaucoup moins de gens de Kidal, je pense qu’il est important de préciser que le MNLA, c’est vrai qu’il y a des Touareg, mais c’est majoritairement des gens de Gao de Tombouctou. Il y a quelques gens de Kidal, donc c’est tout, sauf majoritairement de Kidal ; ça c’est je crois que c’est l’information de taille et qu’il faut comprendre. Initialement, il y avait des gens de Kidal, mais dès qu’Ansardine a été créé, la plupart se sont retrouvés à Ansardine ; donc finalement à un moment donné, il n’y avait presque plus personne de Kidal au sein de MNLA et donc aujourd’hui je crois qu’il n’est pas très aisé de faire la démarcation entre ses différentes racines, que ce soit d’Ansardine ou du MNLA. Mais majoritairement, ce n’est pas des gens de Kidal, ça c’est le premier point ; le deuxième point, nous avons toujours dit, je crois, que les ressortissants de la région de Kidal que nous sommes, nous avions été des premiers dans ce pays à pouvoir dire que nous sommes pour le dialogue. Nous avons bien dit le dialogue, parce que le dialogue est un élément essentiel, indispensable.
Q : En mettant de côté les prétentions de la division du pays…
R : Exactement ! Naturellement, c’est-à-dire même, j’allais dire, à un moment donné, si on avait amorcé le dialogue, il était possible d’extirper certains éléments et de leur faire accepter, n’est-ce pas, de rentrer dans le giron de la République et c’est ça la vertu du dialogue. Et lorsqu’on dit qu’on ne dialogue pas, c’est parce qu’on ferme toutes les portes et pour moi les portes doivent être ouvertes ; c’est pour les bons esprits, les gens qui se ravisent, pour essayer de rentrer dans le giron de la République avec ses conditions régaliennes qui ne sont pas du tout négociables. Donc je fais la différence : la négociation et le dialogue pour sauvegarder la laïcité de l’Etat, sauvegarder l’indépendance et du système démocratique en République du Mali ; donc, pour nous, le dialogue, il est nécessaire. Mais dialoguer avec qui? Ça c’est une question extrêmement importante. Nous avons dit que dans la région de Kidal, si aujourd’hui le dialogue se faisait comme par le passé, seulement avec ceux qui ont pris des armes, je pense que ça risque de poser des problèmes ; il faut négocier, dialoguer avec toutes les parties prenantes de la zone, c’est-à-dire toutes les communautés de la zone parce que il y a déjà un dialogue intra- communautaire qu’il faut vouloir amorcer d’abord, ensuite maintenant un dialogue entre justement cette communautés et toutes les autres communautés du pays. Donc, pour moi, le dialogue est indispensable mais avec toutes les composantes du pays, pas seulement les hommes en armes.
Q : …qui ont eu des velléités indépendantistes dans le pays. Aujourd’hui on parle l’arrivée de casques bleus comme casques tampons, mais vu leur expérience dans certains pays, vous quelle est votre appréciation de l’arrivée des casques bleus au Mali ?
R- : Je ne connais pas les termes de référence entre le Mali et les Nations unies pou l’envoi des casques bleus au Mali. Mais si tel était que dans leurs termes de référence, ce soit juste une interposition, je ne pense pas que ça soit opportun aujourd’hui. Aujourd’hui, la préoccupation de tous les Maliens que nous sommes, c’est la paix, la quiétude. Et il ne peut pas y avoir de paix lorsque les armes circulent n’importe comment et aux mains de n’importe qui. Donc la pacification est la condition première ; deuxièmement, si les missions qui vont être assignées à cette force, c’est de faire en sorte d’être, j’allais dire un système sentinelle pour freiner toute velléité, en tout cas toute possibilité pour mettre en péril cette paix qui va être acquise, cette tranquillité qui va être acquise, la mettre en mal, effectivement ils doivent intervenir pour parer à ça.
Q : Président Maïga, pour conclure, qu’est-ce que vous pensez de la réconciliation en vue et de la présence des casques bleus, rapidement en un tour de table?
R : La réconciliation est une obligation, mais elle ne pourra se faire dans l’impunité. Il faut aujourd’hui que ceux qui ont fauté paient, il faut que tous ceux qui sont sous mandat d’arrêt soient arrêtés et jugés dans les normes. Il faut que tous les élus qui sont impliqués dans cette rébellion, qui ont détourné la mémoire, notre mémoire, nos archives, qu’ils soient interpelés, il faut que tous les ces militaires qui prennent des armes régulièrement depuis 90 à aujourd’hui, qui sortent, qui reviennent, qu’ils répondent devant la justice militaire. Je pense que dans un Etat démocratique, ils doivent répondre devant la justice. C’est à ce seul prix, que les populations pourront s’assoir et discuter. Moi je ne peux plus parler de négociation, je parle de dialogue. Pourquoi ? Déjà quand les chefs des différents mouvements sont interpellés par la justice, quand demain les élus seront interpellés par rapport à ce qu’ils ont fait, quand les militaires le seront par rapport à ce qu’ils on fait, on va dialoguer avec qui ? Il ne restera que la population ; c’est un dialogue, comme l’a dit le professeur Akory, c’est un dialogue intra et intercommunautaire. Intra, entre nous, et inter entre les autres communautés.
Q : Et la présence des casques bleus ?
R : Avant d’arriver aux casques bleus, je voulais dire que nous sommes prêts. Actuellement nous préparons, dans le cadre de la société civile, des missions de sensibilisation pour un mieux-vivre ensemble. Actuellement le COREN (Collectif des Ressortissants du Nord, Ndlr), la Coalition pour le Mali, dans le cadre du centre du dialogue humanitaire, et beaucoup d’organisations veulent aller sur le terrain pour préparer le mieux-vivre ensemble. Et aujourd’hui, c’est quelque chose de très important.
En ce qui concerne les casques bleus, honnêtement, personnellement, moi je ne vois pas… Les casques bleus, en général c’est une interposition : interposition entre qui et qui ? Non ! La France est venue nous aider pour chasser les terroristes, on est en train de chasser les terroristes, le MNLA doit déposer les armes. S’il était à Tinzawaten, je peux comprendre, ou bien s’il était à Intedjelit, je peux comprendre ; une interposition entre la ville de Kidal et Tinzawaten je peux comprendre ; mais aujourd’hui interposition entre qui ?
Q : Est-ce que vous êtes pour ou vous n’êtes pas pour ? C’est ça la question !
R : Je ne suis pas pour, parce que j’ai vu l’expérience qu’ils ont faite dix-sept ans au Congo, j’ai vu l’expérience en Côte d’Ivoire, ça n’a pas réussi. Je ne suis pas pour les casques bleus.
Q : Merci beaucoup ! On était, Mesdames et Messieurs avec nos invités venus de Kidal, le président des ressortissants de Kidal ici à Bamako le professeur ACORY Ag Iknane, et le président du Conseil régional de Kidal, Homeny Belco Maïga. On vous remercie. Merci d’être venus sur la ligne de Front, et à très bientôt !
Ibrahima KOÏTA le journal de madikama 2013-03-09 02:06:44