Un homme a brisé les cornes du diablotin des guerres civiles qui avait déjà pointé le nez en Guinée Conakry, sauvant ainsi la grande famille francophone d’un désastre humanitaire (de plus) auquel elle aurait consacré un temps précieux qui est plutôt tout indiqué aux tâches de développement.
A l’OIF, tous les mérites sont reconnus mais ceux qui émergent de l’ordinaire sont gravés en lettres d’or. Voilà pourquoi le maître des lieux en personne, Abdou Diouf, en présence de tout son cabinet et des membres de la Délégation à la Paix, à la Démocratie et aux Droits de l’Homme, a décerné à général Siaka Sangaré- notre compatriote qui officie à la tête de la Délégation générale aux élections (Dge) dans notre pays- la médaille Léopold Sédar Senghor pour sa réussite exceptionnelle dans la tenue correcte du deuxième tour de la dernière élection présidentielle organisée en Guinée- Conakry, le pays de Sékou Touré. La haute distinction a été frappée par la prestigieuse institution « Monnaie de Paris » et elle porte en relief l’inscription « S’enrichir de ses différences pour converger vers l’universel », un appel digne de l’ancien président sénégalais Léopold Sédar Senghor décédé en 2001 à l’âge de 95 ans et aussi un credo qui motive bien la raison d’être de l’OIF.
Pour saisir tout le sens de la démarche de la plus haute institution francophone, il faut rappeler que de 1958 (date de son indépendance) à la dernière élection présidentielle, la Guinée Conakry a misérablement vécu pendant plus de cinquante ans sous deux dictatures féroces qui ont chacune duré plus d’un quart de siècle et dont les bilans macabres de violations des droits de l’homme demeurent sur notre continent sinon des records, du moins des exemples à bannir à jamais. En plus, eu égard aux clivages ethniques accentués dans le pays au fil des ans, aux errements militaires de l’après- Lassana Conté, aux agissements boiteux d’une transition mal assurée sous la houlette d’un capitaine Moussa Dadis Camara régulièrement enclin aux coups d’éclats et, il faut le souligner, à la mégalomanie, voire la paranoïa de certains leaders politiques soudains pris dans les mailles de l’ambition d’être président de la République, tous les ingrédients du chaos étaient réunis. La communauté internationale, avec en tête la Francophonie dont la Guinée est une partie sensible pour moult considérations, avait tout simplement d’évidentes raisons d’être angoissée, d’être anxieuse.
C’est donc sur un volcan, dont on attendait la fureur à tout moment, que le général Siaka Sangaré a été appelé en janvier 2009 pour mettre ses qualités et ses expériences au service de la recherche de solutions idoines à même de circonscrire un danger qui s’annonçait déjà imminent. Mais depuis quand un danger, dût-il être une pluie diluvienne de bombes atomiques, a-t-il pu retenir un officier général digne de ce grade dans l’expectative ? Pas en tout cas général Siaka Sangré qui, sans se douter qu’il deviendra bientôt l’imparable arme secrète préparée par le destin magnanime pour vaincre enfin l’hydre guinéen, effectuera six missions ponctuelles dans le pays du général Sékouba Konaté. Missions qui révèleront vite leur pertinence et leur bon augure, mais aussi la nécessité de leur inscription dans la continuité. Les plus hautes autorités guinéennes, préoccupées outre mesure par les tournures inattendues que prend la situation avec, facteur aggravant et gros de toutes les démesures, une Ceni (commission électorale nationale indépendante) de plus en plus sur la sellette, lui demandent dans une belle unanimité de devenir le président de cette dernière institution, chose par ailleurs voulue par l’écrasante majorité des acteurs politiques guinéens désormais incapables de se faire confiance.
ATT : « c’est un ordre, une mission »
Passé l’instant de surprise et la pression fraternelle qui va avec, en bon soldat et en patriote intransigeant, Siaka Sangaré fait savoir que c’est seulement le chef de l’Etat du Mali qui peut satisfaire une telle demande.
Général Amadou Toumani Touré ne se fait pas prier pour donner son accord. Pour le président de la République du Mali, général Siaka Sangaré n’appartient plus à son seul pays d’origine. Il appartient désormais à toute l’Afrique. Et même au monde si besoin est. Qu’il se mette donc à la disposition de « nos frères guinéens ». C’est un ordre, une mission, avec obligation de résultats. A partir d’avril 2010, général Siaka Sangaré monte résolument au front, en Guinée, à la tête de la Ceni. On connaît l’heureux dénouement de l’imbroglio politique qui intervient en peu de temps. « L’homme a de la baraka », jugent les Guinéens, premiers surpris par la rapidité du succès. Un succès d’autant plus scintillant que le vaincu du deuxième tour et non moins victorieux du premier tour de la même élection présidentielle, le candidat Cellou Dalein Diallo, a reconnu la victoire de son rival dans un geste élégant qui reste un trophée de fair-play politique en Afrique. Voilà pour l’histoire.
Les autorités guinéennes élèvent général Siaka Sangaré à la dignité d’Officier de l’Ordre national de la Guinée, faisant ainsi de lui la quatrième personne au monde, après les premières dames guinéennes Hadja Andrée Touré et Henriette Conté et le général Ibrahim Babaguinda, ancien président du Nigeria, à recevoir cette haute distinction.
L’OIF, quant à elle, voit désormais en notre général le missionnaire indiqué pour les situations difficiles. On peut le dire. En effet, juste un mois après lui avoir décerné la médaille Léopold Sédar Senghor, elle vient de lui demander de faire partie d’une mission de la Francophonie dont l’objet est de procéder à une évaluation du système et du processus électoraux malgache, laquelle mission se déroulera sur la Grande Ile du 9 au 23 février courant. Il faut préciser que ladite mission a été organisée par l’OIF suite à une requête présentée le 22 janvier 2011 par le président de la commission électorale nationale indépendante malgache. A la Dge où nous avons cherché à joindre le général Sangaré, il nous a été bien précisé par certains de ses collaborateurs qu’il est en déplacement sur Madagascar. Avec (que l’on nous excuse de l’avoir compris ainsi) une inquiétude dans la maison : « Avec ses qualités hautement appréciées par tous dans le monde, le général ne sera plus nôtre bientôt. » Peut-être pas nôtre seulement. Dans tous les cas, bonne chance, mon général !
Housseyni Barry
Le National 14/02/2011