Au Mali, la corruption a la vie dure. Conscient de cet état de fait, tous les présidents démocratiquement élus ont fabriqué leur propre arme de lutte contre le fléau sans convaincre les Maliens. Ainsi, en 2013, dans la foulée de sa brillante élection, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, promet aux Maliens une potion plus efficace contre le fléau. « Nul ne saurait s’enrichir sur le dos des Maliens », disait le président IBK en décrétant 2014 comme Année de lutte contre la corruption. Cette année-là justement, IBK monte le projet de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI). Objectif : renforcer le dispositif de lutte contre la corruption et réduire davantage la marge de manœuvre des délinquants financiers à travers la prévention et la répression de l’enrichissement illicite. Mais, dès sa mise en place, le projet présidentiel a été mal accueilli dans le milieu de l’Administration malienne. Si certains responsables comme les députés, les ministres et les maires se sont débrouillés (au moment de l’adoption de la loi portant création l’OCLEI) pour échapper aux effets de la mesure, d’autres à l’image du Syndicat national des Travailleurs des Administrations d’Etat (SYNTADE) l’ont intelligemment rejeté trouvant le motif dans le caractère sélectif de la loi. Conséquence : toutes les activités publiques de l’OCLEI sont suspendues jusqu’à la relecture de la loi N°2014-015 du 27 mai 2014. Le projet de lutte contre la corruption du président IBK est-il victime d’un complot orchestré entre les agents de l’Etat ? L’OCLEI a-t-il victime de son efficacité annoncée ? IBK va-t-il échouer comme ses devanciers sur le chantier de la lutte contre la mauvaise gouvernance ?
Face aux agents véreux de l’administration publique qui s’enrichissent sur le dos du contribuable malien, l’Office central de Lutte contre l’Enrichissement illicite avait suscité beaucoup d’espoirs. Car, le contrôle de la gestion financière des structures étatiques assuré par le Bureau du Vérificateur général, le Contrôle général des Services publics et autres a montré ses limites face à la corruption. L’OCLEI avait donc pour mission de combler le vide constaté dans la lutte contre phénomène à travers un contrôle plus ciblé de l’évolution financière des agents de l’Etat au regard de l’importance des postes qu’ils occupent. Le but recherché : les empêcher d’utiliser l’argent public à des fins personnelles. A travers ce contrôle individuel des responsables de l’Etat, le président de la République entendait attaquer le mal de la corruption à la racine.
Ainsi, la mesure une fois appliquée à travers la déclaration des biens des fonctionnaires, donnait d’office à l’OCLEI un droit de regard sur le pouvoir d’achat de tous les fonctionnaires de l’Etat. D’où la panique dans l’administration malienne au moment de l’annonce de sa création.
Le signe premier de cette peur des fonctionnaires de l’Etat a été, d’abord, constaté chez les élus locaux (députés et maires) et les ministres qui se sont soustraits des effets de la loi au moment du vote de celle-ci. Le premier signal de l’échec du projet présidentiel venait ainsi d’être donné. Car, la mesure de déclaration de biens était, à l’origine, sélective donnant un mauvais départ au projet. En posant cet acte peu orthodoxe, les députés venaient d’ouvrir une brèche de révolte contre le projet. L’acte a-t-il été posé sciemment ? En tout cas, les conséquences de leur fuite en avant sont là.
A son tour, le SYNTADE se révolte, au mois de juillet 2017, et se rebelle carrément en octobre à travers une grève consommée et une deuxième évitée de justesse grâce à un accord trouvé entre le Gouvernement et les syndicalistes. « La politique de discrimination, de stigmatisation des agents des services financiers, d’assiette et de recouvrement, indexés comme étant coupables de corruption, d’enrichissement illicite et la soustraction volontaire à la loi de certaines catégories de personnes devant être assujetties: le Président de la République, les Ministres, les Députés », pouvait-on lire dans une circulaire en date 19 juillet 2017 signée du Secrétaire général du syndicat, Yacouba Katilé.
Ce qui fait trop de problèmes pour IBK à concrétiser sa promesse faite aux Maliens de balayer au propre devant les portes des structures administratives maliennes. Saura-t-il sauver l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite de ce gros tourbillon qui présage de l’emporter dans son berceau? A quand la relecture de la loi portant création de l’Office ? Cette relecture va-t-elle être mise à profit pour étendre la loi aux autres personnes qui émargent au budget d’Etat comme les députés? Ceux-ci vont-ils accepter de voter la loi si la déclaration des biens les touche ?
La tâche ne sera pas facile pour IBK. Car, la vérité est que tous les fonctionnaires de l’Etat ont peur de l’OCLEI.
Youssouf Z Kéïta
Diasporaction.fr