Alors que le surpoids et l’obésité ont pendant longtemps été considérés comme un problème de pays riches, 70% des deux milliards de personnes en surcharge pondérale dans le monde vivent en réalité dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, a alerté un nouveau rapport de la Banque mondiale publié le 6 février. Parce qu’elle entraîne une augmentation des limitations fonctionnelles, de la mortalité et des dépenses de santé et qu’elle fait baisser l’espérance de vie et la productivité, l’obésité est devenue une préoccupation croissante dans tous les pays, quel que soit leur niveau de revenu. A cause de mauvaises habitudes alimentaires et même de la qualité de l’alimentation, cette menace ne cesse de s’accroître dans de nombreux pays dont le Mali.
Véritable problème de santé publique dans de nombreux pays tel le Mali, l’obésité est évaluée au moyen de l’indice de masse corporelle (IMC) à partir duquel l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a défini des seuils de surcharge pondérale, correspondant à un IMC compris entre 25 et 30 kg/m2. Si le résultat se situe entre 20 et 25, on considère que le poids est normal. Entre 25 et 30, c’est le surpoids. Les kilos en trop commencent alors à devenir une menace pour la santé. On parle d’obésité proprement dite lorsque l’IMC se situe entre 30 et 35.
Selon un rapport récemment publié par un groupe d’experts en agriculture, 10 millions d’enfants en Afrique sont obèses. Alors que le nombre d’Africains qui souffrent de la famine est passé de 28 % à 20%. Le Mali n’est pas épargné par ce fléau car (selon les chiffres officiels) 0,72% des garçons et 2,68 % des filles sont obèses.
Selon l’Enquête Démographique et de Santé de 2018 (EDS 2018) 19 % des femmes de 15-49 ans souffrent de surpoids et 9 % d’obésité. Par contre, d’une manière générale, une femme sur dix (10 %) souffre de maigreur et 28 % sont en surpoids ou obèses. Ce qui fait de l’obésité un véritable problème de santé publique.
Selon un nouveau rapport intitulé en anglais «Obesity: Health and Economic Consequences of an impending global challenge» (Obésité: conséquences sanitaires et économiques d’un défi mondial imminent), les maladies liées à la surcharge pondérale figurent aujourd’hui parmi les trois premières causes de mortalité dans toutes les régions du monde, à l’exception de l’Afrique subsaharienne. Ainsi, selon des données récentes, l’obésité a presque triplé depuis 1975 et elle est désormais responsable de quatre millions de décès dans le monde chaque année.
Face à l’équation du «double fardeau de la malnutrition»
La généralisation des produits ultra-transformés et sucrés, le recul de l’activité physique et la hausse des niveaux de vie qui s’accompagne souvent d’une consommation plus importante d’aliments nocifs pour la santé, sont autant de facteurs qui favorisent la progression des problèmes de surcharge pondérale.
«A mesure que les pays se développent économiquement et que les revenus par habitant progressent, les pauvres continueront de souffrir toujours plus des effets délétères de l’obésité», souligne le Dr Meera Shekar, experte mondiale principale pour la nutrition à la Banque mondiale et coauteur du rapport avec le Dr Barry Popkin de l’Université de Caroline du Nord (Etats-Unis).
En Chine, entre 2000 et 2009, le coût des soins liés à l’obésité est passé de 0,5 à plus de 3 % des dépenses annuelles de santé du pays. Au Brésil, ces dépenses devraient doubler et passer de moins de 6 milliards de dollars en 2010 à plus de 10 milliards en 2050.
En outre, les individus et la société devront non seulement supporter ce coût sanitaire, mais aussi des coûts indirects dus à la baisse de la productivité du travail, à l’absentéisme et aux retraites anticipées.
De nombreux pays du monde souffrent également du «double fardeau de la malnutrition», à savoir des taux élevés de retard de croissance et des taux d’obésité en hausse, ce qui compromet encore plus leur capital humain.
«L’un des moyens les plus efficaces de lutter contre l’obésité et les autres maladies non transmissibles est d’augmenter les investissements dans des soins de santé primaires abordables et de qualité», affirme le Dr Muhammad Pate, directeur mondial du pôle Santé, nutrition et population à la Banque mondiale. Et c’est logique, tant du point de vue sanitaire qu’économique. «Consacrer davantage de ressources en première ligne pour détecter et traiter les affections à un stade précoce, avant qu’elles s’aggravent, permet de sauver des vies, d’améliorer les résultats sanitaires, de réduire les dépenses de santé et de renforcer les capacités d’anticipation», a-t-il ajouté.
L’impérieuse nécessité d’améliorer les systèmes de santé primaires
Afin de juguler la montée de l’obésité dans les prochaines générations, le rapport insiste sur la nécessité pour les gouvernements et leurs partenaires de développement d’adopter une approche globale. L’amélioration des systèmes de santé primaires sera cruciale et elle devra impérativement se doubler de mesures de prévention telles l’étiquetage obligatoire des aliments transformés ; une meilleure éducation des consommateurs ; une réduction de la teneur en sel et des sucres ajoutés dans les boissons ; et investissement dans des programmes de nutrition de la petite enfance.
Le rapport souligne également l’importance de se doter de politiques fiscales fortes comme la taxation des aliments nocifs pour la santé et d’améliorer les aménagements urbains avec le développement d’aires de jeux dans les écoles, de voies pour piétons et de pistes cyclables.
Des réalisations souvent de moindre coût par rapport à l’impact financier de ce fléau. Ainsi, précise la Banque mondiale, du fait de son impact considérable sur le capital humain des pays et sur leur économie, le coût de l’obésité devrait atteindre plus de 7 000 milliards de dollars dans les pays en développement à l’horizon des quinze prochaines années. Autant anticiper alors par des politiques adaptées et des investissements judicieux qui offrent l’avantage de pouvoir compter sur une population saine afin de booster la croissance économique nationale et mondiale.
Moussa Bolly
(LE MATIN)