Almoustaph Diatigui Diarra : Pour faire simple, je dirai que l’audit interne est un ensemble de diligences mises en œuvre par un professionnel indépendant qui évalue de façon objective les pratiques d’une organisation ainsi que les risques qui peuvent faire obstacle à l’atteinte de ses objectifs stratégiques (pris par les instances dirigeantes), de ses objectifs opérationnels (l’adéquation des ressources avec ces objectifs en terme d’effectif et de matériel), de ses objectifs reporting (la sincérité et la vraisemblance des états financiers) et de ses objectifs de conformité (respects des lois et règlements en vigueur). L’auditeur interne rapproche ainsi l’existant au sein de cette organisation à un référentiel de bonnes pratiques, fait des préconisations, met en place un dispositif de contrôle interne et assure le suivi de la bonne application des ces préconisations.
Autrement dit, l’auditeur interne est le médecin généraliste des personnes morales. Il les ausculte (par une évaluation systématique et méthodique de ses processus de management de risque, de contrôle et de gouvernement d’entreprise) ; il leur prescrit des médicaments (préconisation et mise en place de diapositive de contrôle interne) et s’assure de leur prompt rétablissement (par un suivi via un plan d’action).
Si vous connaissez un jeune qui a pour vocation de devenir médecin et pour une raison ou une autre ne réussit pas à intégrer une faculté de médecine, il faudra peut-être penser à l’orienter vers la médecine des organisations.
Nouvelle Expression : Quelles sont les structures concernées par l’audit interne ?
Almoustaph Diatigui Diarra : Toutes les structures sont concernées par l’audit interne. Les entreprises privées y font recours pour obtenir le degré de maitrise de leurs activités, augmenter leur performance afin de créer de la valeur ajoutée. Les structures à but non lucratif (associations, fondations, ONG, collectivités territoriales) pour la mise en place et les contrôles de procédure dans le but de prévenir et détecter les fraudes. Les bailleurs de fonds, pour le suivi-évaluation des projets dans le but de leurs strictes applications.
L’audit interne est la meilleure chose qui puisse exister pour une organisation et l’auditeur est un « préventeur » de risques. Les facteurs de risque sont des lacunes de l’organisation qui, combinées à la survenance d’événements, vont entraîner des conséquences dommageables à l’entité. C’est pour cela que l’auditeur met en œuvre en son sein un dispositif de contrôle interne en trois volets : prévention (des causes organisationnelles des risques), détection (de la manifestation du risque au sein de l’organisation) et protection (de l’entité contre les impacts des risques).
Vous voyez que la démarche d’audit permet à une entité de se mettre à l’abri des « intempéries » que sont les risques c’est à dire la possibilité que la combinaison d’un évènement et d’un mode de fonctionnement (ou facteur organisationnel) empêche l’atteinte des objectifs stratégiques, opérationnels, de conformité et de reporting.
Pour reprendre Pierre SCHICK, un de mes professeurs à l’université de Bordeaux,« Face aux opportunités, celui qui, à enjeux identiques, sait réduire les risques peut aussi saisir plus d’opportunités et se donner un avantage compétitif ».Les organisations qui auront su tirer parti des contraintes nouvelles pour mettre en place des dispositifs de contrôle interne permettant de saisir les opportunités créatrices de valeur et de cantonner les risques au niveau accepté, seront les grandes gagnantes.
Nouvelle Expression : Quelles sont les solutions pour promouvoir l’audit interne au Mali ?
Almoustaph Diatigui Diarra : A l’instar de l’IFACI (Institut Français des Auditeurs et Contrôleurs Interne) dont je suis membre depuis 2011, c’est l’ACIAM (Association des Contrôleurs, Inspecteurs et Auditeurs du Mali) qui est en charge de la promotion de l’audit interne au Mali.
Je travaille en étroite collaboration avec la présidente de l’ACIAM madame Kadiatou KONATE qui représente avec fierté les auditeurs du Mali au niveau des institutions internationales d’audit comme l’IFACI et l’UFAI.
Aussi, en ma qualité de consultant au Mali, mon cabinet d’audit C.AU.S.O Expertise & Conseil, en collaboration avec Gdam Consulting et l’ACIAM organise depuis deux saisons des séminaires internationaux sur la pratique professionnelle des missions d’audit. Après chaque séminaire nous organisons, en guise de clôture de ces sessions de formation, un évènement de niveau national afin de permettre d’une part, le rapprochement de tous les acteurs de l’audit et d’autre part, la promotion de l’audit interne qui reste malgré tout méconnu du grand public et des principaux intéressés que sont les dirigeants d’entreprises.
Cette année nous avons organisé une conférence-débat sur la bonne gouvernance. Cette conférence a permis de réunir monsieur Mohamed Ali BATHILY, ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières, madame Kadiatou KONATE, présidente de l’ACIAM et maître Amadou Tiéoulé DIARRA, avocat à la cour et président de la Ligue pour la Justice et des Droits de l’homme.
Nous contribuons ainsi à la promotion de l’audit interne au Mali et apportons notre pierre à la construction de l’édifice.
D’ailleurs avec l’ACIAM, les cabinets C.AU.S.O Expertise & Conseil et Gdam Consulting réfléchissent à la pérennisation et à l’amplification de cet évènement annuel qui commence à s’inscrire dans le paysage économique et entrepreneurial du Mali.
En la matière, le facteur clé de succès est bien la pratique professionnelle. Il est primordial que les diplômés en audit interne mènent réellement des missions de terrain au lieu de se cantonner exclusivement à l’enseignement de la théorie de l’audit. C’est pourquoi je privilégie, lors des séminaires, la méthodologie de l’audit opérationnel, c’est à dire le « pratico-pratique ».
Nouvelle Expression : Après deux années de formations au Mali, quels sont les impacts ?
Almoustaph Diatigui Diarra : Après deux sessions de formation au Mali, nous commençons à sentir des frémissements. Dès la deuxième saison, quelques grands groupes bamakois dotées de services d’audit interne nous ont fait confiance. Nous avons rencontré ces derniers jours beaucoup de chefs d’entreprises qui commencent à être sensibles à la mise en place ou au renforcement de leur service d’audit interne.
Afin de répondre à leurs sollicitations, nous venons de décider d’organiser au mois de novembre prochain un séminaire international sur« la pratique de l’audit interne : méthodologie de l’audit opérationnel ».
Il est important que les entrepreneurs maliens comprennent que la nomination d’un auditeur financier (ou commissaire aux comptes) ne les exempte pas de solliciter une mission d’audit interne ou d’intégrer un auditeur ou un service d’audit au sein de leur entité. Je pense qu’il faudra beaucoup de pédagogie à ce niveau dans les années à venir.
Le chemin est encore long, nous en avons conscience et sommes déterminés à relever le défi afin que le Mali soit au rendez-vous du 21ème siècle.
Propos recueillis par Yacouba Doumbia