Selon un document de Wildaf Mali et du Comité de plaidoyer, présenté lors d’une conférence de presse le 31 décembre dernier, la relecture du Code des Personnes et de la Famille a porté sur les droits de la personne, le mariage religieux le divorce, la filiation naturelle et l’adoption, la minorité, la tutelle et l’émancipation et, enfin, les successions.
Sur un total de 1143 articles, 51 ont été amendés, notamment dans le Livre II, Du Mariage, pour la reconnaissance légale du mariage religieux, l’âge, qui est ramené à 18 ans pour l’homme et 16 ans pour la femme, avec la possibilité d’une dispense accordée par le chef de circonscription administrative, susceptible de recours et, au chapitre des prohibitions, le fait de ne pas faire figurer les trois cas suivants: le mariage entre l’homme et l’ancienne épouse de ses oncles paternels et maternels, la femme et le frère de son mari vivant et, enfin, l’adoptant et l’adopté.
Pour ce qui est de la filiation, objet du Livre IV, désormais il est retenu de réserver la filiation légitime à la seule filiation issue du mariage et l’adoption – filiation n’est pas ouverte aux non nationaux. En outre, l’homme célibataire jouissant d’une bonne moralité et de revenu suffisant ne peut adopter qu’un enfant de sexe masculin âgé de treize (13) ans au moins. Il en est de même pour la femme célibataire jouissant d’une bonne moralité et de revenu suffisant.
Dans le Livre V, de la parenté et de l’alliance, on peut retenir l’amendement qui vise à introduire la notion d’obéissance dans les rapports entre parents et enfants. Désormais, «L’enfant à tout âge, doit obéissance, honneur et respect à ses père et mère». Quant au Livre VI, traitant de la minorité, de la tutelle, de l’émancipation et des majeurs protégés par la loi, il stipule désormais, en premier amendement, que l’ouverture de la tutelle n’est plus soumis au décès des père et mère ou à leur déchéance de l’autorité parentale, mais plutôt au décès du chef de famille ou à la privation de celui-ci de l’autorité parentale. Le deuxième amendement est relatif à la composition du conseil de famille, auquel on a adjoint, en plus des représentants de la ligne paternelle et maternelle et du maire, le chef de village ou de quartier ou leur représentant et le chef de culte ou son représentant.
Un troisième amendement confie la présidence du conseil de famille au chef de culte ou son représentant au lieu du maire. Le dernier amendement concerne le fonctionnement du conseil, qui ne peut valablement délibérer qu’en présence de son président et des représentants des lignes paternelle et maternelle.
Enfin, dans le Livre VII, Des successions, le premier amendement a consisté, s’agissant des dispositions générales, à édicter les règles communes suivant lesquelles la succession doit être dévolue. Ainsi les règles du droit religieux, du droit coutumier, ou les règles du Livre VII consacré aux successions sont placées sur le même pied d’égalité. Les citoyens demeurent libres de faire l’option qui leur convient.
A la différence de la rédaction précédente, le recours à la dévolution successorale suivant les règles religieuses ou coutumières n’apparait plus comme exceptionnel ou secondaire, s’agissant de règles qui demeurent l’option de la majorité de la population. Un dernier amendement a modifié le droit du conjoint survivant quant à l’occupation de l’immeuble où il habitait avant le décès de l’autre. Au titre de cet amendement, ce droit est maintenu jusqu’au partage de la succession et cesse donc d’être un droit à vie.
Selon Wildaf Mali et le Comité de Plaidoyer, le Code des Personnes et de la Famille adopté en seconde lecture par l’Assemblée nationale le 2 décembre dernier consacre des dispositions assez surprenantes en ce 21ème siècle et doit être revu. Je cite : «La femme reste et demeure une éternelle mineure (elle doit obéissance et soumission à son mari). Son consentement n’est pas pris en compte pour le mariage de sa fille mineure, ce qui laisse les portes grandement ouvertes au mariage précoce et forcé. Elle n’a pas d’avis à donner sur la tutelle de ses enfants mineurs. Elle n’est plus responsable pour gérer sa famille lorsque le mari décède, car le conseil de famille prend place au seul décès du chef de famille. Les enfants sont discriminés, du seul fait de leur naissance dans les liens ou pas du mariage».
Conclusion on ne peut plus claire: «Ce code est un recul de cinquante ans. Il consacre les discriminations et viole les droits fondamentaux des femmes et des enfants». Avis que partage l’Espace d’échanges et de concertation des femmes du Mali, qui vient de lancer une pétition à l’effet de ne pas promulguer ce texte en l’état et a aussi rédigé un communiqué de presse dont la teneur suit.
«Indignons- nous face au nouveau Code des personnes et de la famille, qui vient d’être adopté en seconde lecture par l’Assemblée Nationale, le 2 décembre 2011.
Ce code, qui était censé corriger les discriminations et améliorer le statut de la femme malienne et des enfants maliens, en réduisant les inégalités et en harmonisant les lois internes avec les conventions régionales et internationales ratifiées, a été une véritable déception et un vrai recul en matière de droits humains des femmes et des enfants.
Comment comprendre qu’après la ratification par le Mali des instruments régionaux de protection des droits de la femme, comme le Protocole de Maputo et la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard de la femme, le Mali puisse élaborer un Code des personnes aussi discriminatoire et rétrograde, qui légitime les inégalités? Même les droits qui avaient été acquis depuis 1962 et 1973 ont été remis en cause dans ce nouveau Code des personnes et de la famille. Nous avons ainsi reculé de 50 ans.
Le Mali est donc un Etat qui ratifie les textes régionaux et internationaux pour faire bonne figure et empêche ensuite ses citoyens d’en jouir. Ses dirigeants sont pourtant fiers de clamer que la démocratie malienne est un modèle. Quelle démocratie? Et quel respect des droits de l’homme? Ce code est inique, car il institue de nouvelles discriminations et en légitime d’autres.
Le 3 novembre 2000, à l’issue du Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, les Ministres et Chefs de Délégation des Etats et Gouvernements des pays ayant le Français en partage ont adopté la Déclaration de Bamako. Celle-ci affirme: «la démocratie, pour les citoyens, y compris, parmi eux, les plus pauvres et les plus défavorisés, se juge, avant tout, à l’aune du respect scrupuleux et de la pleine jouissance de tous les droits, civils et politiques, économiques, sociaux et culturels, assortis de mécanismes de garanties …». Le Mali a souscrit à cette déclaration, qui contient des engagements qu’il se doit de respecter.
Indignons-nous, parce que la République du Mali ne respecte pas ses engagements!
Aucun pays ne peut atteindre un développement durable en marginalisant la moitié de sa population. C’est pourquoi nous invitons Monsieur le Président de la République, Amadou Toumani Touré, grand défenseur des droits des femmes, ses sœurs, et des enfants, ses amis, à ne pas promulguer ce texte, qui a cessé d’être consensuel et qui viole notre Loi fondamentale, la Constitution.
Indignons-nous!».
Ramata Diaouré
Le 22 Septembre 05/01/2012