Derrière cette revendication du MNLA, ces attaques sont à l’actif de plusieurs autres groupes armés. Il y a tout d’abord, les soldats libyens d’origine malienne, qui ont convergé vers le Mali, avant même la chute de Kadhafi. Dans ce groupe, les soldats de la tribu des Ifogas et des Chamanamas, sont rentrés au pays, avec d’importantes quantités de pick-up et d’armes lourdes. Estimant avoir suffisamment de moyens militaires pour déclarer la guerre à l’Etat, ces soldats ont refusé tout dialogue avec les autorités dès leur arrivée. Ils sont campés dans les montagnes de Kidal avec d’autres déserteurs de l’armée libyenne. Ceux-ci n’ont aucun lien de sang avec le Mali. Ils sont venus en compagnie des Touaregs originaires des régions du nord.
Il y a un second groupe allié à Iyad Ag Ghaly. Et englobe de soldats libyens, de Salafistes et de combattants recrutés à Kidal. Composé de miliciens, ce groupe prône le Jihad et compose avec AQMI. La dernière attaque d’Aguel Hoc, le 23 janvier dernier, est à mettre au compte de ces djihadistes. Iyad Ag Ghaly place désormais son combat sous le sceau du Jihad contre l’Etat malien et projette la création d’une ( !) République islamique de l’Azawad.
Le troisième groupe, dans cette agression contre le Mali, est composé de soldats et de gardes déserteurs de l’armée malienne. Le gros de ce lot est conduit par le colonel déserteur Ba Ag Moussa, ex commandant des unités spéciales basées à Ménaka. Lors de sa désertion, l’officier est parti avec plusieurs éléments de son unité, essentiellement des ex- combattants qui étaient dans le maquis, en 2006, avec feu Ibrahim Ag Bahanga. Ils avaient été intégrés au sein de la garde nationale, suite à la signature de l’Accord d’Alger.
Aussi, d’autres officiers, notamment le colonel Assalat Ag Habi, le colonel Assane Hydri, le commandant Bouna et le colonel Ag Intallah, tous d’anciens intégrés, ont regagné la rébellion. Les mêmes étaient au sein de l’Alliance du 23 mai, un mouvement créé en 2006, après l’attaque de Kidal.
Aujourd’hui, certains de ces déserteurs ont rallié le groupe de Iyad ou rejoint d’autres groupes de combattants dans les montagnes. Parmi eux, il y a un mouvement qui se réclame de feu Ibrahim Bahanga, l’ex chef de l’insurrection de 2006, mort en 2011, dans un accident de la circulation sur la route de Tinzawaten. Selon nos sources, c’est désormais un cousin de Bahanga qui a été porté à la tête de ce groupe.
Prennent part aux combats, en certains endroits, des unités d’AQMI. En effet, à Ménaka et à Aguel Hoc, leur présence aux cotés des rebelles a été remarquée et déterminante dans les combats. Dans ces unités, il y aurait même des combattants de race noire aux cotés des rebelles. Ils seraient Soudanais, Tchadiens, Mauritaniens et même des djihadistes venus du Nigeria.
Chaîne de complicités
Par ailleurs, avant même le déclenchement des hostilités, ces différents groupes avaient noué une longue chaîne de complicité. Aussi, ils ont basé leur stratégie sur l’infiltration au sein de l’armée et des populations civiles. Pour preuve, à Ménaka, la veille de l’attaque du 17 janvier, c’est un colonel intégré (le col. Intallah) qui aurait préparé le terrain pour les assaillants, indique une source militaire. Cet officier qui était permissionnaire aurait passé une bonne partie de la nuit du 16 au 17 dans le camp de Ménaka, sous prétexte de rendre visite au commandant de cette garnison. Après l’attaque, l’officier (espion) est simplement reparti avec les rebelles.
Le 20 janvier dernier, un convoi de ravitaillement avait quitté Kidal pour Aguel Hock. Il était dirigé par le colonel major Ould Meydou. Mais, à une cinquantaine de kilomètres de Kidal, le convoi tombe dans une embuscade. Loin d’être une simple coïncidence, les rebelles avaient reçu des renseignements précis sur la mission.
Ces deux faits révèlent l’existence de nombreuses complicités tissées au sein des populations et dans les garnisons militaires du nord.
Il est établi que certaines populations collaborent avec les rebelles. Elles leur fournissent des renseignements précieux sur chaque mouvement des troupes de l’armée. Cette complicité s’étendrait même à un niveau élevé de l’administration, voire de certaines institutions dela République, où des responsables font preuve d’une duplicité déconcertante. Ils composent à la fois avec l’Etat et la rébellion, dans le seul but d’envenimer la situation et d’en tirer profit. Cette duplicité ne date pas d’aujourd’hui.
Par ailleurs, dans les camps, si la majorité des intégrés restent fidèles à leurs engagements, certains (nous disons bien certains) ont été retournés et travaillent activement pour la rébellion. Ils sont maintenus dans les rangs de l’armée afin de recueillir des renseignements sur les dispositifs à l’intérieur des garnisons et les opérations programmées par l’armée. Ces intégrés deviennent, en réalité, de véritables «agents de renseignements » à la solde de la rébellion.
Autre complicité dévoilée, c’est celle venant de l’extérieur du Mali, précisément dela Mauritanie. Dansce cadre, le chef de l’Etat mauritanien, joue merveilleusement un rôle de premier plan. Il a décidé de déstabiliser le Mali en apportant assistance et protection aux rebelles. Il offre gîte et couvercle à certains responsables du Mouvement qui sont passés par Nouakchott. Dès lors, il ne serait point étonnant de voir le territoire mauritanien servir de base arrière et/ou de repli pour les assaillants. L’attaque de la localité de Léré (située à 45 km de la frontière mauritanienne) est sans doute, une première. Et il faut s’attendre à d’autres actions ou attaques planifiées à partir de ce pays voisin.
Aujourd’hui, une évidence est là : l’armée, à cause de ces complicités, à l’intérieur et à l’extérieur, est face à une situation complexe. S’y ajoutent deux autres facteurs : la complexité du terrain et la stratégie d’attaques par traîtrise adoptée par les rebelles. Sans compter qu’en face, il n’y a pas un seul, mais plusieurs ennemis à combattre.
C.H Sylla
l’Aube.ml 31/01/2012