Par la suite, d’éminents juristes, comme Me Mamadou I. Konaté et d’autres, ont estimé que plusieurs dispositions du document, signé par le Général Kafougouna Koné au nom de l’Etat du Mali, violaient notre Constitution. Au niveau de la classe politique, le RPM d’IBK est le seul à s’être clairement démarqué du texte, estimant que cet «accord n’est d’aucune manière une garantie pour la sauvegarde de la paix dans le Nord de notre pays».
La déclaration des Tisserands, signée par IBK lui-même le 12 juillet 2006, mettait en cause la responsabilité de l’Etat en ces termes: «ceux qui ont pris les armes n’ont ni craint, ni hésité à prendre leurs responsabilités, face à un Etat dont ils savaient la grande faiblesse de l’autorité. Il restait au gouvernement, pour peu qu’il eût les mains libres et l’autorité assurée, à prendre les siennes. Hélas!». Au niveau de la société civile, la CSTM Hammadoun Amion Guindo est l’unique organisation qui ait dit non à l’accord d’Alger, en raison «des mesures ségrégationnistes», entre autres.
ATT a préféré écouter les champs des sirènes. Malheureusement, l’Accord n’a servi à rien et les multiples avantages accordés par l’Etat aux co-signataires ont toujours été considérés comme insuffisants, voire inexistants. La paix n’est jamais revenue. Chaque semaine, ce sont des attaques, des enlèvements de véhicules, des tueries, des poses des mines antipersonnelles. La liste est longue. Durant ce temps, l’Etat laxiste continue, sans cesse, à tendre la main aux bandits armés. Toute solution militaire est exclue par ATT, lequel gère de façon patrimoniale la question du Nord.
Les institutions de la République ne sont guère impliquées. Idem pour les partis politiques et la société civile. Une situation que le PARENA de Tiébilé Dramé n’a jamais acceptée. Il s’est donc invité dans le débat, à travers des fora sanctionnés par des propositions, transmises au pouvoir, mais, hélas, oubliées dans les tiroirs. C’est dans cet environnement de ni paix, ni guerre que les trafiquants en tous genres, (armes, drogues, humains, produits alimentaires et médicaments douteux) ont envahi cette partie de notre territoire. Le mutisme et le laxisme de l’Etat aidant, AQMI s’y est confortablement installée.
Voulant reprendre la situation en mains, le Président de la République a concocté un programme spécial pour booster le développement du Nord et sauvegarder sa sécurité. C’était déjà trop tard, même si mieux vaut tard que jamais. Certaines gens de Kidal, qui pensent qu’eux et leur progéniture doivent continuer à vivre confortablement du banditisme, et des mouvements rebelles se sont insurgés contre la construction de casernes et postes de sécurité, tels que des commissariats de Police et les brigades de Gendarmerie.
Le Mouvement national de l’Azawad (MNLA), créé il y a juste un an, revendique, pour sa part, le droit à l’autodétermination du peuple de l’Azawad. Bamako reste comme toujours mou et banalisera la naissance de cette organisation politique, non armée au départ, qui avait même invité les autorités à des négociations. La tension était montée d’un cran. Au même moment, le Colonel Kadhafi tombait et ses légionnaires originaires du Mali, se repliaient, avec armes et bagages, en territoire malien.
La naïveté légendaire de Bamako l’amènera à octroyer rapidement 50 millions de nos francs à ces revenants de la Lybie et à leur distribuer gratuitement des céréales, sans, au préalable, chercher à découvrir leurs véritables intentions. Le voisin algérien se mêle de la situation et se lance dans le même type d’action «humanitaire», avec des visées certainement hautement stratégiques (nous y reviendrons). L’arrivée de ces «rapatriés» dans la région de Kidal a accéléré les velléités indépendantistes du MNLA, lequel recrutera sa branche armée parmi les ex-fidèles de Kadhafi. De plus, les désertions de soldats touaregs intégrés à la faveur de la signature du Pacte national du 11 avril 1992, se multiplient, pour rejoindre le MNLA militaire.
D’autres fronts se créent, avec lyad Ag Aghaly et Salat Ag Habi, respectivement leaders de l’ex- MPA (Mouvement Patriotique de l’Azawad) et membre du l’ex- FPLA (Front Populaire de Libération de l’Azawad) et, surtout, ex Haut fonctionnaire de défense au ministère de l’Energie et de l’Eau. Ces deux combattants, qui vivaient tranquillement à Bamako, ont eux aussi regagné récemment le maquis.
Le gouvernement, avec ses nombreux réseaux d’informations, se devait d’être parfaitement au courant de ce qui se tramait. Au lieu d’agir, il s’est laissé tromper par des individus qui vivent du trafic d’influence. C’est ainsi qu’ATT a reçu, isolément, de soi-disant représentants de revenants de la Lybie à Koulouba, qui lui auraient manifesté leur soutien et leur volonté d’inscrire leurs actions dans le cadre de la paix. Là également, ATT a été berné. Et le réveil fut brutal pour lui, lorsqu’au petit matin du 17 janvier 2012, on lui a annoncé la prise de Ménaka par des assaillants non encore identifiés. ATT était donc obligé de se défendre. L’aviation militaire a été mobilisée, les forces terrestres de même et Ménaka a été complètement libéré. Le MNLA revendique l’assaut.
Son porte-parole chargé des relations extérieures, Hama Ag Sid’Ahmed, déclarera même dans les médias français que «des actions militaires importantes du Mouvement national de libération de l’Azawad continueront tant que Bamako ne reconnaîtra pas ce territoire comme une entité à part. Ces actions militaires sont aussi un appel à la communauté internationale: tant qu’elle ne s’impliquera pas effectivement dans une résolution durable de ce conflit, qui n’a que trop duré, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Ces actions n’ont d’autre objectif que de gagner la paix et la justice pour la communauté de l’Azawad et la stabilité pour notre région». Voilà la revendication inacceptable du MNLA.
L’heure est très grave. Le peuple est inquiet et s’interroge sur l’issue de cette affaire. Il est angoissé parce qu’il est en train de se préparer pour des compétitions électorales, les plus importantes de la Nation: référendum, présidentielle et législatives. Le peuple est anxieux, puisque le Sud ne pourra pas voter sans le Nord dans trois petits mois. Et, si cela arrivait, par extraordinaire, c’en est terminé pour un Mali uni et solidaire, c’en est terminé pour ce que ATT appelle «Retrouvons ce qui nous unit». Face à cette situation, aucune négociation n’est possible, parce que la partition du territoire ne se négocie pas. L’Armée doit se battre, conformément à sa mission régalienne de défense du territoire national. Pour ce faire, il urge qu’elle soit dotée des moyens idoines pour faire face à l’ennemi. Il n’y a plus de place pour les tergiversations.
Chahana Takiou
22 Septembre 23/01/2012