Amadou Toumani Touré appelle ça une guerre de mouvement, comme pour mettre en relief plus l’aspect communication que la cohérence militaire de la stratégie. On ne peut pas dire que le Mnla a religieusement écouté l’ancien général puisque, hier après-midi, les hommes du Colonel Nagim sont entrés à Goundam puis à Diré. Sans tirer, semble t-il, un coup de feu et trouvant sur place des populations pas du tout impressionnées. Un schéma différent de Menaka, Léré et Anderamboukane vidés de leurs habitants dès que les rebelles y entrèrent. Il est vrai que c’était en janvier au début des hostilités. Depuis, s’adapter à la situation est vite devenue un impératif pour tous ceux qui ne voulaient pas aller grossir le rang des dizaines de milliers de Touaregs essentiellement qui se trouvent aujourd’hui dans les camps de réfugiés en Mauritanie, au Burkina Faso, au Niger et en Algérie.
A la manière des frères Dalton
Ce qui n’a pas empêché les troupes rebelles de piller les marchés à Goundam comme à Diré à se servir en médicaments dans les Cscom de ces deux localités, à enlever trois ou quatre voitures dont celles d’un proviseur et de la gendarmerie. Pas de violence signalée à l’encontre des habitants, par contre. Les assaillants entrés en criant vive l’Azawad ne sont pas restés dans les deux villes. Un assaut pour l’action psychologique, le « ravitaillement » et la provocation, en somme. « Les gens sont un peu tendus, mais ce n’est plus la psychose de janvier », croit savoir une source jointe à Tombouctou. Même pas d’escarmouches avec les militaires, gardes et gendarmes ? A l’heure où nous bouclions, aucun combat ne nous a été signalé. La raison peut bien tenir au fait que l’objectif stratégique pour l’armée malienne est la défense de Niafunké où se trouve la base-vie de la Satom, entreprise assurant la construction de la route Tombouctou-Bamako. Cette base recèle d’importants stocks de carburant, en effet.
Ca bouge dans la Région de Tombouctou. Dimanche, à 70 km de la ville sainte, l’aviation mauritanienne surprend un petit convoi de présumés salafistes revenant de marché et fait trois blessés. Le Général Abdel Aziz n’est pas peu fier de revendiquer l’action au cours de sa tournée à l’intérieur. Mais il n’est pas allé plus loin. Or il avait des raisons de le faire puisque lundi, ses troupes au sol guidées par des hommes supposés d’appartenir au Mnla, selon des témoignages de terrain, font la chasse aux salafistes autour de Gassi El Sidi, là où Aqmi est frappé par le raid franco-mauritanien de juillet 2010. Un premier message permettant de conforter l’hypothèse que le Mnla a toujours Aqmi dans son collimateur comme proclamé dans ses textes fondateurs.
Signaux contradictoires ?
Pourtant message contradictoire le même lundi mais à Tessalit, dans la Région de Kidal où le Cicr subit un calvaire dont même les Nazis l’avaient épargné. Ce jour, selon une source proche de l’armée, les missionnaires de l’organisation humanitaire présente sur les lieux pour secourir d’éventuels blessés ainsi que les civils en détresse se font maltraiter par des islamistes. Ceux-ci les extraient sans ménagement des voitures, les font coucher à plat ventre, les déconseillent de travailler avec les gens de Satan, puis les invitent à embrasser l’islam. Avant de mettre en pièce l’étendard de la respectée institution qui prend, choquée, le chemin du retour sur lequel elle sera rejointe plus tard par des combattants du Mnla se confondant en excuses et dénonçant « un comportement de bandit ». Pourtant, les données sont claires. On sait que, dimanche, dans le cadre d’un partage de territoires entre les principaux fauteurs de guerre, la rébellion a cédé Tessalit au mouvement Ansardine de Iyad Ag Ali. Lequel ne fait mystère ni de son projet d’Etat islamique ni du fait que ses troupes comptent des barbus. En filigrane donc, une alliance tactique avec Aqmi que le Mnla n’a pas prévu dans ses textes fondateurs.
Adam Thiam
Le Républicain Mali 15/03/2012