A Kati, où se trouve le Quartier Général (QG) de l’ex-junte, le Capitaine Amadou Haya Sanogo et son porte-parole, le désormais Capitaine Amadou Konaré, ont dû laisser échapper un soupir de soulagement. Leur détracteur le plus virulent, plus virulent que son directeur de publication et non moins oncle, Saouti Labass Haïdara, passé à tabac par des militaires restés inconnus et contraint à l’exil à Dakar, a fini par changer de camp.
Il s’était employé, avec parfois un acharnement débordant, à dénoncer les vœux secrets des auteurs du coup d’Etat à travers ses analyses et commentaires. Les lecteurs de L’Indépendant, où il était le Chef du desk Politique et Institutions jusqu’à sa nomination se souviennent certainement de ses articles les plus célèbres: «Les balivernes d’un Capitaine obnubilé par le pouvoir», «Quand le trouble profite au Capitaine Sanogo et à ses alliés» ou encore «La fin de la complicité entre le Capitaine Amadou Haya Sanogo et le Premier ministre Cheick Modibo Diarra». Le dernier article a fait la une de la presse étrangère quand Cheick Modibo Diarra fut arrêté et contraint à la démission par le Capitaine Sanogo, le mardi 11 décembre 2012.
Notre confère Alassane Diarra fait partie des rares journalistes maliens très consensuels, dans le monde de la presse mais également dans beaucoup d’autres milieux: diplomatie, armée et monde des affaires, à cause de son sérieux, de son savoir-faire et de sa modestie, malgré son carnet d’adresses assez riche qui a fait de lui «un journaliste consultant», pour reprendre les propos de ses collaborateurs de L’Indépendant.
Natif de Markala, la cité ouvrière, Alassane Diarra a fait ses premiers pas dans la profession dans les années 1994, au Lycée. Il animait déjà avec un certain Ely Dicko, un périodique «La Caméra scolaire» né des cendres de «Yeelen», animé par notre regretté confrère de l’Essor, Modibo Konaté.
Après son baccalauréat en Langues et Littérature terminale au Lycée de Markala en 1997, Alassane Diarra embrasse une carrière de journalisme à l’Institut de gestion des langues appliquées aux métiers (IGLAM), après un passage peu glorieux à la Faculté des Sciences Juridiques et Economiques (FSJE) de l’Université de Bamako, où il fallait beaucoup plus d’autre chose que de mérite pour avancer.
Sa licence de journalisme en poche, en 2003, sa Maitrise a été remise en cause à cause de son caractère politique et provocateur (le thème était : «Présidentielle 2002 au Mali: comment le pire a été évité», Alassane Diarra a entamé une belle carrière par des stages dans la sous-région (Burkina Faso et Sénégal), puis en Occident (Allemagne, France et USA). Suivront de nombreux voyages en Mauritanie et au Maroc, puis en Côte d’Ivoire, dans le cadre d’une enquête sur le processus démocratique face à la crise que connaissait ce pays.
Journaliste d’investigation, spécialisé dans les domaines de l’agriculture et des affaires judiciaires, Alassane Diarra sera-t-il capable de rester fidèle à ses principes? Ses rares détracteurs, qui raillent son opportunisme, en doutent. Cependant, nous sommes prêts à lui signer un chèque en blanc, tant qu’il ne trahira pas ses convictions.
A propos de ses nouvelles fonctions, Alassane Diarra soutient: «je viens servir avec beaucoup de plaisir un homme que j’ai toujours beaucoup apprécié, même bien avant qu’il ne soit ministre de la justice. Sa compétence, son intégrité et surtout son courage n’ont jamais fait l’objet d’un quelconque doute. Cette nouvelle fonction vient à point nommé, dans la mesure où moi-même je commençais à me poser des questions sur mon devenir dans la presse écrite. En fait, depuis un mois, je suis sous le coup d’une sanction, une interdiction d’écrire sur des sujets sensibles, comme la crise sécuritaire et institutionnelle que traverse notre pays. Mon patron ayant estimé que j’exposais trop son entreprise à une autre attaque des militaires, après celle du 6 août 2012. J’étais découragé, démotivé. Pour tout dire, j’avais un peu le dégoût de la profession. Aujourd’hui, le métier de journaliste est galvaudé. C’est devenu un tremplin pour des gens peu recommandables, des crapules, des mercenaires, qui ne reculent devant rien (intimidation, trafic d’influence et escroquerie) afin d’assouvir leurs intérêts personnels sordides.
Aujourd’hui, l’éthique et la déontologie sont les choses les moins partagées au sein des entreprises de presse. Le lecteur voit derrière chaque article la main d’autrui, ce qui est une insulte pour les honnêtes journalistes. Personnellement, je mets quiconque au défi de prouver qu’il m’a, même une seule fois, fait signer un quelconque article (commentaire ou analyse, voire même un article de main étrangère). Aujourd’hui, d’aucuns estiment que les journalistes sont comparables à des «chiens voraces» qui aboient et qui sautent sur tous les os. Quelle honte. Face à la rareté des modèles, nous avons perdu les repères du journalisme. Entre la profession que j’exerçais à L’Indépendant et celle que je vais désormais exercer au ministère de la Justice, il n’y a qu’un petit pas, que je vais allègrement franchir. L’avenir nous dira si, oui ou non, j’ai eu raison de changer de camp».
Hamdi Baba
Le 22 Septembre 10/01/2012