Le Premier ministre malien est depuis la semaine dernière aux Etats-Unis en compagnie d’une forte délégation. A New York, Cheick Modibo Diarra, qui a transité par Paris, est porteur de la lettre du peuple malien aux Nations unies pour une intervention étrangère au nord, occupé par des groupes armés depuis le lendemain du coup d’Etat du 22 mars dernier.
De sources dignes de foi, nous apprenons que le Premier ministre est logé à l’Hôtel Waldort Astoria, 301 Park Avenue. Les grands hommes d’affaires et les hautes personnalités des grandes puissances économiques connaissent cet hôtel hautement luxueux pour ses commodités et ses services. Toutes choses qui font de l’établissement l’un des hôtels les plus chers du pays de l’oncle Sam.
Renseignements pris, la nuitée dans cet hôtel est de 216 000 F CFA pour les chambres à très grand lit et 200 000 F CFA pour celle à grand lit simple.
Si à la Primature on se refuse à nous préciser le nombre exact de la délégation du Premier ministre, tout porte à croire que pour un tel déplacement, le chef du gouvernement est accompagné d’au moins une dizaine de personnes, dont, entre autres, son médecin personnel, ses gardes de corps (au moins trois), son protocole, son conseiller aux affaires étrangères, etc.
Le luxe est arrogant, et révolte les Maliens de New York qui s’interrogent sur le train de vie du Premier ministre d’un pays en guerre, et dont les partenaires financiers ont plié bagage depuis le coup d’Etat du 22 mars. A la tête d’un gouvernement pléthorique de 33 membres, sans les fameux « conseillers spéciaux avec rang de ministre », Cheick Modibo et ses hommes coûtent déjà chers au contribuable malien.
Vers une bourgeoisie parasitaire
A Bamako, la nouvelle est accueillie avec stupeur. Pour des citoyens interrogés sur le sujet, il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour les Maliens, qui s’apprêtent à des sacrifices pour l’effort de guerre dans la reconquête du Nord. Cette attitude bourgeoise du Premier ministre est d’autant plus arrogante qu’elle intervient au moment où la majorité du peuple revoie ses dépenses à la baisse à cause de la hausse vertigineuse du prix des denrées de première nécessité (gaz, le carburant, électricité, riz, etc.)
Sur la question, les économistes sont formels : en temps de guerre, l’Etat est obligé de s’imposer une discipline budgétaire, et les dirigeants ont l’obligation de réduire leur train de vie.
Selon cet économiste (auteur d’une thèse de doctorat sur la croissance économique du Mali) l’effort de guerre doit être partagé. « En période de guerre, la mobilisation sociale et industrielle visant à subvenir aux besoins militaires d’un Etat doit être au centre des politiques économiques. Cette mobilisation affecte toute l’économie, surtout par une réduction du train de vie de l’Etat et une réorientation des dépenses vers la dotation en armements ou de matériels nécessaires au conflit. Aujourd’hui, explique l’universitaire, le Mali n’échappe pas à cette règle simple de l’économie. Mais les politiques économiques dans un pays en guerre sont loin d’être celles du Mali surtout avec l’abandon des partenaires financiers », tranche Dr. Etienne Oumar Sissoko, chargé de cours d’économie à Sup Management.
Partager l’effort de guerre
Pour l’économiste, à défaut de suspendre les institutions budgétivores comme l’Assemblée nationale, la politique économique nous conseille un certain nombre de mesures. Dr. Sissoko de préciser que ces mesures sont surtout relatives à la formation d’un gouvernement qui ne dépasse pas 15 membres pour faire des économies sur le coût de fonctionnement de l’Etat, la limitation des missions coûteuses (avion de luxe, hôtels 5 étoiles, nombre limité des membres des délégations….) nombre de cérémonies, réceptions ou manifestations organisées par les ministres seront réduites au strict minimum.
Comme mesure budgétaire, l’économiste évoque également que la rémunération du président et des membres du gouvernement ne sont en réalité que des gestes symboliques. L’Etat à travers son gouvernement, explique-t-il, doit être capable de sensibiliser le peuple à prendre part aux efforts à consentir pour lui permettre de faire face au quotidien.
C’est pourquoi, en temps de guerre, il est fréquent de voir gelées les revendications syndicales et dans le pire des cas, de nouvelles taxes sur certains produits pour accroître les recettes du pays. « L’effort de guerre doit donc être partagé d’une part par les citoyens et d’autre part le gouvernement », recommande Dr. Etienne Oumar Sissoko.
Interrogés sur ces propositions, les Maliens expliquent qu’elles sont d’autant plus cohérentes que Cheick Modibo et son gouvernement ont l’obligation d’adopter cette discipline budgétaire. Et si le Mali n’est pas la France, la décision de François Hollande de réduire de 30 %, après son élection en mai dernier, le salaire de ses ministres, doit inspirer nos autorités.
Cette semaine, une autre mesure en France vient de réduire de 10 % les charges de l’Assemblée nationale. Si en France la crise financière européenne a engendré cette discipline économique, Cheick Modibo (à la tête du gouvernement d’un pays en guerre) doit s’en inspirer. Le bon exemple de la participation à l’effort de guerre doit être donné par les autorités !
Issa Fakaba Sissoko
L’ Indicateur Du Renouveau 27/09/2012