Au fil des semaines, une divergence de taille se dessine entre ce que l’on peut nommer désormais comme l’approche malienne pour régler le péril de l’extrémisme violent et celle française qui privilégie surtout la réalité militaire.
La bavure qu’aura commise, selon toute vraisemblance, la force française Barkhane à Bounty aura remis à l’ordre du jour l’idée de négocier directement avec les chefs terroristes pour aboutir enfin à une certaine paix.
L’approche malienne serait la suivante : le tout militaire aura tellement été tenté sans véritable succès que, peut-être, il faudrait ajouter un volet plus politique, une paix négociée.
La France, par le biais notamment de son ministre de la Défense, Florence Parly qui était en visite le 1er avril à Bamako, réfute vigoureusement le rapport de l’ONU sur les frappes de Bounty publié le 30 mars.
Selon les experts de l’ONU, les victimes des frappes étaient surtout des civils, 19 au total.
Alors que pour Paris, il s’agit d’une opération militaire menée à bien.
Pour l’instant, il ne s’agit que d’une simple divergence entre Paris et Bamako.
Et il semblerait que Koulouba soit plus nuancée dans son idée.
Plusieurs fois, le gouvernement malien, pas seulement sous la transition, a exprimé sa volonté d’explorer une solution négociée à la crise sécuritaire tout en continuant la bataille militaire sur le terrain.
Une clarification de taille qui devra être à maintes fois répétées afin d’éclairer la lanterne des Maliens, et aussi des soutiens du pays sur le plan international.
Rappelons que pour une des rares fois, Bamako n’aura pas attendu la bénédiction de sa tutrice de France pour entreprendre des contacts avec les principales forces terroristes sur le terrain.
Preuve en est, la libération de l’otage suisse Sophie Pétronin et de Soumaila Cissé en octobre 2020.
Non sans contrepartie certes, avec un certain résultat néanmoins.
Cependant, l’Etat malien aura consenti pas mal de sacrifices avec la libération de 190 terroristes et le paiement d’une rançon de 2 millions d’euros.
Ce sont là, les derniers chiffres donnés par le négociateur en chef de ladite opération, Ahmada Ag Bibi, sur un média étranger.
Depuis, les contacts n’auraient pas été rompus avec la bande à Iyad Ag Ghaly. Il semblerait même que l’Etat malien dans les mois ou années à venir scelle définitivement une sorte de pacte de non-agression avec ceux qui seraient désormais les ex ennemis publics.
Est-ce la bonne solution à une crise qui aura trop duré ?
La France a-t-elle raison de voir d’un mauvais œil une telle démarche des autorités maliennes qu’elle qualifierait de trop facile ?
Surtout, peut-on croire les yeux bandés aux intentions pacifistes des Emirs du crime du Sahel qui auront, ne l’oublions pas, commis des atrocités dans un passé récent ?
La crainte légitime que l’on est en droit de ressentir est de voir une énième fois les autorités maliennes retomber dans leurs travers. C’est-à-dire, négocier à tel point d’en perdre le très peu de force qu’on a, octroyer encore une fois un trop plein de prérogatives aux terroristes dans la grand désert malien, le tout en reléguant au second plan la refondation des forces armées maliennes pour qu’elles soient à hauteur du destin sécuritaire du pays.
Si ces torts que l’on a commis dans le passé sont considérablement évités, alors l’approche malienne pourrait servir à quelque chose de positif.
Mais, il s’agit d’une entreprise hautement périlleuse.
L’Etat devra être la seule véritable force sur tout le territoire.
Et en négociant avec des gens qui ont la fibre du pouvoir coulant dans les veines, il est assez évident, qu’ils ne lâcheront pas l’autorité qu’ils ont conquise.
Ahmed M. Thiam