Malgré les politiques et mesures gouvernementales mises en place dans le cadre de l’amélioration des services SR. Les femmes continuent de perdre la vie en donnant la vie.
Alors que les instruments juridiques en SSR garantissent le droit à la vie conformément à la déclaration universelle des droits de l’homme, au Mali, les femmes meurent en longueur de journée pour donner la vie. Quelles sont les causes ? Comment changer cette tendance ? Quel est le taux de mortalité des femmes en travail ? Ce taux est-il élevé par rapport aux normes admises ?
Selon le rapport annuel 2017-2018 de l’UNFPA-Mali, les indicateurs de santé maternelle et néonatale sont alarmants : 368 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes et 34 décès néonataux pour 1000 naissances.
Issa Maïga, médecin à l’hôpital Gabriel Touré : « les causes sont multiples et factorielles. Il y a le retard de la consultation des femmes enceintes, le manque de suivi lors des consultations prénatales beaucoup de femmes enceintes ne font pas le CPN ou ne le font pas correctement.
Les politiques et mesures gouvernementales en matière de la SR s’avèrent être insuffisantes et incohérentes sur le terrain. Le manque de ressource humaine qualifiée en nombre suffisant aux différentes étapes de la pyramide sanitaire. En plus de tout cela notre système de santé en matière de la santé sexuelle et reproductive doit être amélioré dans son ensemble par les personnels de santé et politique ».
Dans les Centres de maternité à Magnambougou et Sogoninko, la situation est alarmante. Les femmes enceintes sont obligées d’attendre dans le rang faute d’insuffisance des lits et des personnels.
Mamou Sidibé, sage-femme à la maternité de Magnambougou : « Ici la demande est supérieure à l’offre. Nous avons un manque de personnels, sage-femme qualifiée pour faire des accouchements. Cela s’ajoute du fait de l’insuffisance de plateau technique adéquat pour la prise en charge en cas de complication. Alors on est obligé de faire des évacuations. Par mois, on peut évacuer une vingtaine de femmes vers Gabriel Touré ou Point-G.
Il faut reconnaitre aussi que les femmes et filles ne suivent pas à la règle leurs consultations prénatales. Il y a aussi un autre phénomène qui est les us et coutume dans certaines contrées dans certaines cultures la femme ou la fille est obligée d’accoucher à la maison. Tout cela peut causer des complications lors de l’accouchement et conduit parfois au décès maternel et infantile ».
Hadjaratou Tessougué, mère de famille : « Lors de ma première grossesse, j’ai été contrainte par ma belle-mère d’accoucher à la maison. Par la suite, j’ai eu une hémorragie. Très vite on m’a évacué dans un centre de santé qui à son tour m’a réévacuée à Gabriel Touré pour des soins. Le bébé n’a pas survécu. Dès lors, j’ai décidé de ne plus accoucher à la maison d’abord pour ma vie et la survie de l’enfant ».
Pour Siran Touré, membre des OSC : « Il y a deux principales causes. Malgré tout ce que l’Etat et les autres structures font, il y a toujours des femmes et filles qui n’ont pas accès à la bonne information sur la SR notamment la consultation prénatale et autre, ce qui peut entrainer des complications. La seconde cause généralement dans les communautés rurales, il y a certaines belles-mères qui imposent à leurs belles filles un accouchement traditionnel malgré l’avancée des technologies et toutes les campagnes qui existent déjà. Aux OSC nous continuons avec le partage de l’information jusqu’au tout dernier kilomètre également les séances de causerie au niveau des centres communautaires et des cliniques pour réduire le taux de mortalité infantile et néonatale ».
Pour Fatoumata Samaké, promotrice du projet Hamibana : « Les causes qui peuvent nous amener à ce phénomène est le manque d’infrastructures, déficit en équipement médicaux et le faible niveau de la formation des sages-femmes avec la prolifération des écoles de santé. N’est pas sage-femme qui le veut. Avec les objectifs du dernier kilomètre c’est 0 décès maternel, 0 grossesse non désirée. L’Etat lutte en collaboration avec les ONG nationales et internationales pour améliorer l’offre de service en santé de la reproduction au Mali ».
Au ministère de la Santé et à l’Office nationale de la Santé et de la Reproduction, on explique que les causes de la mortalité maternelle sont dues à plusieurs facteurs. Mais que les deux structures œuvrent pour résoudre ce phénomène.
Dr. Ben Moulaye Haïdara, Directeur général de l’Office national de la Santé et de la Reproduction : « Quand on parle de la mortalité au Mali, il y a les trois retards qui sont incriminés. Ces trois retards sont liés au faite que les femmes n’ont pas la bonne information et au fait que la prise de décision chez la femme pour aller vers le Centre de santé est problématique à cause des freins culturels. Ces barrières socioculturelles agissent énormément sur nos communautés et parfois mettent en exergue les accouchements traditionnels qui créent un autre problème. Déjà au niveau village quand on empêche la femme d’aller vers des structures de santé c’est le premier retard.
Le deuxième retard, c’est d’aller vers la structure de santé. Nous avons des problèmes d’évacuation sanitaire qui se pose : pas de véhicule qui quitte le village vers le centre de santé. Notre système d’évacuation se limite tout simplement de l’aire de santé qui se trouve être le CSCom vers le centre de santé de référence ou du centre de santé de référence vers les hôpitaux. Du village vers la structure sanitaire ça pose problème or seul Dieu sait que nos villages sont enclavés et les femmes viennent à dos d’âne et dans des positions difficiles parce qu’elles sont directement en train de travailler quand on les pose sur les ânes, l’enfant lutte pour sortir et la femme n’est pas dans des bonnes positions pour que l’enfant sorte ce qui provoque parfois les ruptures utérines et les hémorragies qui s’en suivent. L’ensemble de toutes ces choses provoquent la mortalité maternelle. Le troisième retard dans nos centres de santé, il n’y a pas 50 % qui ont des personnels qualifiés. Le fait que la femme est arrivée et le fait qu’elle n’a pas été prise en charge correctement avec un personnel qualifié pose aussi un problème. C’est pourquoi l’hémorragie que vous voyez est une des causes premières de la mortalité maternelle chez nous. Le plateau technique avec tous les matériels et l’équipement au niveau des structures de santé constitue un problème. Le fait au niveau de ces aires de santé, on peut avoir des transfusions sanguines pour transfuser la femme.
Le taux de mortalité des femmes en travail au Mali, on est à 325 sur 100 000 naissances vivantes. Ce taux a beaucoup baissé vers les années 2010, on était à 464 sur 100 000 naissances. Maintenant nous sommes en train de viser 244 d’ici 2025. Pour dire que nous sommes vraiment dans une ligne de régression de cette courbe. Mais très loin, ce taux est élevé par rapport aux normes admises. Tous ces décès sont des décès évitables or en réalité, on a des pays comme la Tunisie sont à 35 % de décès inévitables sur 100 000 naissances donc c’est très élevé.
Pour changer cette courbe, il faut vraiment travailler sur les trois retards pour que les soins soient apportés jusqu’au dernier kilomètre. »
Ousmane Mahamane
Ce reportage est publié avec le soutien de JDH et FIT en partenariat avec WILDAF et la Coalition des OSC-PF
Source: Mali Tribune