Depuis quelques années, et ce à travers le monde, la classe politique classique est mise à mal. Cette dernière peine à répondre aux attentes d’une société civile de plus en plus exigeante. La déception qui s’en suit, à plusieurs endroits du globe, est un nid fertile au national-populisme, et aussi à tout courant extrémiste prônant le rejet de l’autre et du repli sur soi. Quid alors du Mali ? Après la grave crise multidimensionnelle qu’il eut à affronter en 2012, et face aux nombreux défis existentiels de sa jeunesse démocratie, le pays sera-t-il à l’abri d’un Trump ou d’un Jair Bolsonaro local ?
Il n’aura pas échappé à tout observateur avisé de l’actualité mondiale que la vague du national-populiste a le vent en poupe. La dernière élection au Brésil du très controversé Jair Bolsonaro, membre de l’extrême-droite brésilienne en est la preuve la plus récente. Celui que l’on surnomme le Trump du Brésil ne cessa de surfer sur la vague du populisme pour ratisser large au sein des mécontents et des déçus du régime précédent, fortement soupçonné de corruption et de détournement de fonds public à grande échelle. Le désormais président du plus grand pays latino-américain entend mettre en place des mesures aussi populaires, pour une partie du pays, que populiste. A titre d’exemple, Jair, à cause du fort mépris qu’il éprouve envers les protecteurs de l’environnement, entend, selon lui, exploiter un des forts potentiels économiques du pays, à savoir la forêt amazonienne, considérée comme le poumon de la planète. Également, il entend écraser les minorités marginalisées du Brésil comme les indiens rouges ou encore les noirs. Ces derniers bénéficient d’un quota dans les universités du Brésil. Un quota que Jair entend supprimer.
Un Bolsonaro malien est-il possible ?
Tout de suite après l’éclatement de la grave crise en 2012, beaucoup d’ingrédients étaient réunis pour qu’un candidat sortant de l’orthodoxie politique accède à Koulouba. La déception était à son comble à cause de la faillite de l’Etat et, l’élite politique était, globalement en disgrâce. IBK, bien qu’il soit issu d’une lignée politique classique au Mali, semblait rompre avec ceux-là que l’on accusait d’être à la base de tous les malheurs pour le Mali. Avec des slogans fort bien inspirés (Pour l’honneur du Mali, pour le bonheur des Maliens), à l’heure où l’honneur du pays était à terre, et aussi, avec une rhétorique verbale émouvante, IBK pu se « blanchir » et devint avec un score inédit le président de la République du Mali. A-t-il surfé sur la vague populiste pour autant ? Le terme flirter serait plus exact.
Aujourd’hui encore, malgré la réélection d’IBK, la déception de la société civile envers les politiques reste énorme. Elle n’est point à sous-estimer. Et, heureusement qu’au Mali, l’on n’a pas de partis politiques d’obédience religieuse ou de coloration d’extrême-droite. Mais, cela ne veut point dire que le Mali est à l’abri d’un Bolsonaro qui utilise la haine et la déception des gens à des fins politiques. Demain ou après-demain, un parfait inconnu ou même un célèbre homme politique, allez savoir, peut émerger avec des idées nouvelles, chocs et populistes à souhait. Il est bien connu que les masses populaires aiment les personnages fantasques, qui parlent leur propre langue et qui tire avec exagération sur la fibre patriotique.
Ahmed M. Thiam