Il n’aura pas été le meilleur boxeur du XXe siècle. Il n’en aura pas été le meilleur athlète non plus. Mais Mohamed Ali, mort vendredi soir, aura été sans aucun doute le plus grand d’entre eux.
La légende de la boxe est décédée vendredi à l’âge de 74 ans à Phoenix, en Arizona, a annoncé sa famille dans un communiqué.
«Après un combat de 32 ans contre la maladie de Parkinson, Mohamed Ali est décédé à l’âge de 74 ans», a annoncé son porte-parole Bob Gunnell.
«Le triple champion du monde des lourds est mort dans la soirée», poursuit le communiqué.
Ses obsèques auront lieu dans sa ville natale de Louisville, dans le Kentucky, a précisé le porte-parole du boxeur le plus célèbre de la planète, sans préciser la date.
«La famille Ali voudrait remercier tous ceux qui l’ont accompagné par leurs pensées, prières et soutien et demande le respect de son intimité», conclut le communiqué.
Mohamed Ali était hospitalisé depuis jeudi pour un problème respiratoire.
Son porte-parole avait alors annoncé qu’il «se trouvait dans un bon état de santé» et que «son séjour devrait être de courte durée».
Mais une source proche de la famille avait indiqué vendredi dans la soirée à l’AFP que l’ancien boxeur «était dans un état très grave», confirmant les informations de plusieurs médias américains, dont le quotidien Los Angeles Times et la chaîne de télévision NBC News.
Ali souffrait depuis une trentaine d’années de la maladie de Parkinson et avait déjà été hospitalisé à deux reprises fin 2014 et début 2015 pour une pneumonie et une infection urinaire.
Un symbole
Au fil de sa vie, il a marqué son époque comme seule une poignée d’hommes et de femmes l’a fait. Il est devenu un symbole de l’émancipation des Noirs, un chantre de l’antimilitarisme américain et un artiste du ring toujours imité, mais jamais égalé.
« Ç’a toujours été la différence entre Mohamed Ali et nous. Il est venu, il a vu, il n’a pas complètement vaincu, mais il est passé plus proche que quiconque dans notre génération perdue », a écrit à son sujet l’écrivain Hunter S. Thompson.
Ali portait la résistance jusque dans son nom. Né le 17 janvier 1942 à Louisville, au Kentucky, il a été nommé Cassius Marcellus Clay. C’était aussi le nom de son père, passé de génération en génération en l’honneur d’un grand militant antiesclavagiste du XIXe siècle du même nom.
Clay a commencé la boxe après s’être fait voler sa bicyclette. Il avait 12 ans. Il est devenu un boxeur amateur rapide et créatif. En 1960, il a remporté la médaille d’or aux Jeux olympiques de Rome.
Chez les professionnels, le jeune Clay s’est fait remarquer par sa boxe, mais aussi par sa manière inhabituelle de parler constamment à ses adversaires durant les combats. En 1964, il a remporté le championnat du monde contre Sonny Liston. Il avait 22 ans. À l’époque, le public américain estimait que le combat devait être truqué, tellement Liston était redoutable.
Ce même public allait douter de lui encore souvent.
En 1965, il a changé son nom pour Mohamed Ali. Il s’est converti à l’islam et a rejoint la Nation of Islam, un groupe alliant religion et défense des droits civiques des Noirs.
Ali était toujours champion du monde et invaincu lorsqu’il a été conscrit pour la guerre du Viêtnam en 1967. Il a refusé d’aller se battre, lançant cette phrase devenue célèbre : « Je n’ai rien contre les Vietcongs. Les Vietcongs ne m’ont jamais traité de nègre. »
Ali l’a payé cher. Il a été poursuivi par le gouvernement. Il a perdu ses titres de champion du monde. Les commissions athlétiques ont refusé de le laisser combattre. Il n’a pu monter sur le ring de mars 1967 à octobre 1970.
En 1971, il a connu sa première défaite, contre Joe Frazier. Plusieurs pensaient qu’Ali, alors proche de la trentaine, était sur le déclin. Mais il a livré trois ans plus tard le plus grand combat de sa carrière.
Au Congo, le 30 octobre 1974, il a battu George Foreman pour redevenir champion du monde. À peu près personne ne croyait à ses chances. L’écrivain Norman Mailer – l’un des nombreux écrivains fascinés par Ali – en a tiré le magnifique récit Le combat du siècle.
Sa victoire de 1975 contre Joe Frazier à Manille est le dernier grand moment de sa carrière. Ali livrera quelques combats de trop avant d’accrocher les gants en 1981, à l’âge de 39 ans.
En 1984, Ali a reçu un diagnostic de parkinson. Sa parole autrefois si folle et libre s’est mise à trébucher. À la fin de sa vie, il ne sortait presque plus en public.
En 1999, à l’heure des bilans, plusieurs médias, dont BBC et Sports Illustrated, l’ont nommé l’athlète du siècle.
La plus mémorable de ses dernières apparitions publiques a eu lieu à Londres, en 2012. Il était la vedette de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Ali est apparu vieilli. Il ne bougeait presque pas. Sa femme lui tenait le coude.
Mais le public l’a applaudi. Il ne restait plus grand-chose de ce héros du siècle passé, mais il restait le nom et il restait l’idée : Ali, un homme plus grand que nature, un homme capable de vivre debout.
– Avec AFP
GABRIEL BÉLAND
La Presse