Après six mois d’embargo, la CEDEAO et l’UEMOA ont décidé de la levée des sanctions infligées au Mali. Si cette décision suscite beaucoup d’enthousiasme au sein de la population, l’économiste malien, Modibo Mao Makalou affirme que la relance économique du pays nécessitera du temps et des efforts. Interview.
Azalaï Express : Avant même l’embargo, quelle était la situation financière de l’État malien ?
Modibo Mao Makalou : Merci de la sollicitude. D’abord, il faut dire que le Produit Intérieur Brut (PIB) réel c’est à dire la valeur des biens et des services produits au Mali s’est contracté de 1,2 % en 2020 suite à la Covid-19 et une mauvaise campagne agricole liée au boycott de la culture du coton dans les zones rurales.
Le PIB réel a cependant augmenté de 3,1 % en 2021, et les prévisions du Ministère de l’Économie et des Finances du Mali avaient envisagées une hausse du PIB réel en 2022. Cependant, les sanctions économiques, financières et commerciales infligées au Mali le 9 janvier 2022 par la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) mais qui ont été levées le 3 juillet 2022 risquent de réduire de moitié la croissance économique réelle à environ 3% selon les estimations de la Banque Mondiale. Les sanctions régionales le 9 janvier 2022, notamment la suspension des transactions commerciales à l’exception des produits de première nécessité (produits alimentaires, produits pharmaceutiques, produits pétroliers et électricité), la suspension des transactions financières, y compris l’accès au marché régional bancaire et des capitaux, le gel des actifs publics détenus auprès de la Banque centrale et des banques commerciales, et la suspension de l’assistance financière régionale, principalement de la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC) et de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD).
Quelles sont les conséquences de l’embargo sur l’économie du Mali ?
La levée des sanctions économiques, financières et commerciales n’est pas une panacée même si elle met un terme au gel des avoirs de l’État malien et ceux des entreprises publiques et parapubliques à la BCEAO, ainsi qu’au blocage des transferts de même que l’accès de l’État malien aux systèmes de paiement de la BCEAO.
Rappelons que les sanctions économiques, financières et commerciales ont paralysé l’économie du pays durant 6 mois et empêché l’État et les banques maliennes d’honorer leurs engagements vis à vis de leurs créanciers.
Depuis la mise en place des sanctions le 9 janvier 2022, la dette intérieure s’élevait à 346 milliards FCFA pour les titres des marchés publics (TMP) pour 2022. Toutefois, selon les données de la Banque mondiale, le prix du blé a augmenté de 60 % entre janvier 2021 et début juin 2022 et le prix des intrants agricoles de même que celui du pétrole ont également substantiellement augmenté depuis le début du conflit en février 2022 et sont aujourd’hui presque trois fois plus élevé qu’il y a un an.
Après la levée des sanctions, il va falloir consentir des efforts énormes pour la relance économique et cela peut se révéler très compliqué surtout à un moment donné où l’économie mondiale va connaître une récession et une hausse des prix jamais vu depuis très longtemps.
Aussi, le Mali importe beaucoup plus les biens et services qu’il n’en exporte et possède aussi une diaspora très forte à l’étranger qui contribue à la résilience. En 2021, le Mali a reçu à travers les circuits financiers officiels 631 milliards de Franc CFA des Maliens de l’étranger.
L’apport de la diaspora malienne est plus important que l’aide publique au développement (APD) et l’investissement direct étranger (IDE).
Par rapport au défaut de paiement précédemment annoncé sur le marché régional financier et monétaire. Il nous faut combien temps pour honorer nos engagements et emprunter de nouveau ?
Selon le projet de loi de finances 2022 adopté en décembre 2021, l’État du Mali compte lever plus de 1000 milliards FCFA sur le marché des titres publics. Un objectif en nette augmentation par rapport aux 754 milliards FCFA que le gouvernement avait réussi à collecter en 2021 pour renforcer ses ressources budgétaires. Dès le 12 janvier une tentative de levée de fonds par le Trésor public du Mali, d’un montant de 30 milliards de francs CFA, sur le marché monétaire de l’UEMOA pour le compte du gouvernement malien était ajournée.
L’État du Mali a en outre été exclu du programme d’émissions de titres publics pour le 1er semestre de 2022, alors qu’il emprunte d’importantes sommes sur le marché financier régional. Toutefois, le Conseil Régional de l’Epargne Publique et des Marchés Financiers de l’UEMOA (CREPMF) a autorisé de nouveau le 13 juillet 2022 informé de l’exécution de la décision de la levée des sanctions économiques et financières à l’encontre du Mali.
Ainsi, l’État du Mali est de nouveau autorisé à intervenir sur les Titres de Marchés Publics, les établissements bancaires maliens ont pu renouer avec le marché monétaire régional en participant à la levée de l’Etat sénégalais qui a réussi un emprunt de 38,33 milliards FCFA ce vendredi 15 juillet 2022 en proposant une enveloppe de 2 milliards FCFA au trésor sénégalais. Par ailleurs, le Groupe de la Banque Mondiale a notifié au Gouvernement du Mali la levée de la suspension des décaissements au Mali. Ceci est une excellente nouvelle qui augure du retour des partenaires techniques et financiers au Mali.
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