Mise en place de la CENI / Quand l’Etat en rajoute à la confusion

Le projet de décret relatif à la mise en place de la Ceni a laissé plus d’un Malien perplexe et sceptique. « Sur le rapport du ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales, le Conseil des Ministres a adopté un projet de décret portant nomination des membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) », indique le Communiqué du Conseil des ministres, avant de se lancer dans une longue énumération des dispositions de l’article 4 de la Loi N°06-044 du 4 Juin 2006, portant loi électorale. Le décret ne fait mention d’aucun nom de personnes   qui auront la lourde charge, à travers la CENI, d’assurer la régularité et la transparence de l’organisation du référendum et des élections présidentielles et législatives de 2012.   Depuis le blocage de la mise en place de la CENI, tous les Maliens   sont suffisamment informés que conformément à l’article 4 de la loi électorale,  les membres de la CENI sont désignés comme suit : dix membres désignés par les Partis politiques, un membre désigné par les confessions religieuses , un membre désigné par le Syndicat Autonome de la Magistrature , un membre désigné par le Conseil de l’Ordre des Avocats, un membre désigné par les Associations de Défense des Droits de l’Homme, un membre désigné par la Coordination des Associations et Organisations Féminines.   

Outre l’absence de noms, ce projet de décret est une véritable fuite en avant du gouvernement, puisqu’il ne précise aucunement le nombre des membres des partis de la majorité et de l’opposition, ce qui reste la pomme de discorde pour la mise en place de la Ceni. Mais des sources proches du ministère de l’Administration territoriale et des collectivités locales nous ont assuré, hier, que le projet de décret indique qu’il s’agit de 9 membres des partis de la majorité et d’1 membre de ceux de l’opposition.

Abdoulaye Traoré, membre de la commission centrale électorale du Rpm, nous a signalé, hier, que selon ses sources, c’est la décision prise par la majorité, à savoir le critère des 9/1 qui a été maintenue au conseil des ministres. Il a toutefois précisé que les détails qui ont motivé le projet de décret pouvaient être consignés dans la note de présentation du communiqué du conseil des ministres. Pourquoi ces détails ne sont-ils pas apparus dans le communiqué ? D’ailleurs, nous ont confié certains hommes politiques de l’opposition, c’est sur ce point qu’ils attendent le gouvernement au tournant. En effet, disent-ils, l’administration a toujours défendu le point de vue de la majorité alors qu’ils pensent qu’il serait plus équitable que l’opposition soit bien représentée à la Ceni, à cause de la compétence de la structure pour le  suivi et la supervision des élections.

La violation de l’article 10 de la loi électorale      

Au lieu de rappeler la composition de la Ceni, le décret du Conseil des ministres devait respecter les dispositions de l’article 10 de la loi électorale qui dispose que : «  Les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante sont nommés par Décret pris en Conseil des Ministres avant le début des opérations de révision annuelle des listes électorales précédant l’année des élections générales ». Que vaut un décret de nomination sans nom ? C’est là une autre question que de nombreux maliens se posent depuis la publication du Communiqué du Conseil des ministres. Un fait est évident : le Gouvernement malien est très embarrassé par l’impossibilité des partis politiques à s’entendre sur une répartition consensuelle des 10 sièges qui sont prévus pour les partis politiques.

Du coup en rappelant dans son décret que la CENI est composée de  « 10 Membres désignés par les Partis politiques », tout en faisant fi du membre de phrase « suivant une répartition équitable » entre l’opposition et la majorité, l’on pourrait être tenté de croire que le gouvernement vient de faire un mea-culpa. En effet toute la difficulté dans la mise en place de la CENI vient de la loi électorale. Englués dans la mouvance du consensus généralisé qui s’était emparé du pays, les concepteurs de la loi électorale n’avaient jamais prévu que le mot « équitable » pourrait avoir le même sens que « égalité ».  Au nom de l’équité, la majorité présidentielle réclame 9 des 10 sièges de la CENI réservés aux partis politiques, au moment où l’opposition réclame une répartition égalitaire de 5 contre 5. Même l’implication de la société civile pour amener les deux camps à se faire des concessions a échoué.      

La publication de ce décret vient en rajouter à la confusion et crée une tension supplémentaire,  dans la mise en place de la Ceni. En tout cas, les hommes politiques de l’opposition que nous avons pu joindre nous ont catégoriquement affirmé qu’ils n’étaient pas suffisamment informés par ce projet de décret malgré les tentatives d’information auprès des différents cabinets ministériels.

Assane Koné   et Baba Dembélé

Le Républicain 09/09/2011