Avant le coup d’Etat, au nom de l’équipe de surveillance des manifestations indésirables post-vaccination (équipe MAPI Centrale) de la Commission nationale de pharmacovigilance, le Lieutenant-colonel Kaya Issa Cissé s’était engagé à faire toute la lumière sur les chemins sombres qu’ont empruntés leurs frais de missions dans les méandres de la Direction financière et du matériel du ministère de la santé. Après moult réclamations sans suite favorable, au Centre national d’immunisation et à la DFM du ministère de la santé, il a adressé une correspondance au ministre de la santé le 27 février 2012, avec ampliation à madame le Premier ministre. Mais, le coup d’Etat est intervenu le 22 mars 2012, sans qu’il ait reçu de réponse. Donc, quelques temps après la mise en place du gouvernement de Cheick Modibo Diarra, le 7 mai 2012, il a décidé d’adresser une nouvelle lettre à Soumana Makadji, nouveau ministre de la santé.
« Monsieur le Ministre, dans le cadre de la mise en œuvre de la phase 3 de l’introduction de MenAfriVac (vaccin contre la méningite africaine ) au Mali, déroulée dans les régions de Kayes, Sikasso, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal, du 15 au 24 novembre 2011, nous avons le regret de vous faire part de notre grande surprise de constater que le montant liquidé par votre DFM pour le payement de nos frais de missions ne concorde pas avec le montant retenu sur le budget Canadien établi par les soins de la Direction nationale de la santé et validé par votre département », indique la correspondance adressée au Ministre de la Santé. Avant de préciser : « Il était prévu une indemnité de 15 000 CFA par membre et par jour, pendant toute la période de la surveillance, soit 52 jours. Mais à notre grande surprise et sans concertation, à la fin de la mission de surveillance menée avec succès et dévouement, la DFM de votre département a arbitrairement décidé de modifier le montant des indemnités journalières en les réduisant à 3000 FCFA par personne et par jour, alors que le financement était déjà acquis conformément au budget validé par votre département ».
En réponse à cette lettre, le Professeur Mamadou Souncalo Traoré, secrétaire général du ministère de la santé par ordre du ministre, a informé l’équipe MAPI centrale que l’organisation de la campagne d’introduction de MenAfriVac Phase III a été assurée par une Commission nationale, présidée par le Directeur national de la santé. Selon lui, cette Commission a élaboré un budget prévisionnel qui a été soumis à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation Ouest africaine de la santé (OAS) et la Coopération canadienne pour financement. Ce budget prévoyait des taux d’indemnité et de perdiem correspondant aux normes admissibles sur les financements extérieurs. Ce sont : Un taux d’indemnité de 50 000 FCFA par jour pour les experts chargés de l’évaluation des cas MAPI, un taux de perdiem de 15 000 FCFA par jour pour les résidents et 30 000 FCFA pour les non résidents de l’équipe chargée du suivi et de la coordination de la surveillance MAPI.
Maladresse du ministre de la santé
« Malheureusement, ces partenaires financiers extérieures n’ont pas pu assurer le financement. Il a été décidé après concertation avec les différents acteurs de la campagne de faire supporter l’activité par le budget national à travers l’Appui budgétaire sectoriel », indique la lettre du ministre. Avant d’ajouter : « C’est pourquoi, en application de la lettre n° 0434/MEF-DGB du 27/12/2010 et de la lettre circulaire n° 101/MS-SG du 17/01/2011, nous avons élaboré un budget qui prévoyait : une indemnité forfaitaire de 25 000 FCFA par jour et par expert chargés de l’évaluation des cas MAPI, pendant 10 jours, soit 250 000 FCFA et un perdiem de 3000 FCFA par jour et par membres de l’équipe de suivi et de coordination de la surveillance MAPI, pendant 52 jours, soit 156 000 FCFA par membre. Cette activité est considérée comme un séminaire ».
Arguments contre arguments, dans une autre lettre en date du 20 juin 2012, pour le compte de l’équipe MAPI Centrale, le Docteur Lieutenant-colonel Kaya Issa Cissé, a rappelé que la Commission nationale d’organisation est composée de 4 Sous-commissions dont la Sous-commission pharmacovigilance, représentée par Dr Keita Modibo du CNAM et du Dr Lt/Col Kaya Issa Cissé, tous deux membres de l’équipe MAPI Centrale. « A mon avis aucune décision concernant cette Sous-commission ne devrait être prise sans en aviser au moins un de ses membres », a-t-il dénoncé. Avant d’ajouter que l’activité de suivi et de coordination surveillance MAPI a bel et bien été intégralement financée par le Fonds Canadien. Mieux, eu égard à la nature des activités qu’ils ont menées sur le terrain, l’équipe MAPI est formelle : « Nos activités ne pourront en aucun cas être assimilables à des séminaires ou ateliers ». Elle a rappelé au ministre de la santé que le taux de 3000 FCFA n’est autre que le taux des résidents dans le cadre des projets et programmes financés par l’aide extérieure dans le cas des ateliers/séminaires, ou les participants, en plus de ce taux forfaitaire pour le transport, bénéficient d’une prise en charge gratuite de la restauration conformément à l’arrêté N° 01-2363/MEF-SEG du 03/09/2001. Contrairement à la réponse du ministre de la santé, le Lieutenant-colonel soutient, avec preuve à l’appui, que l’activité n’a pas été financée par le budget national, mais plutôt par le Fonds canadien.
Et en se référant à la lettre N° 2566/MS-SG-DNS du 22 août 2011 du Directeur national de la santé adressée au ministre de la santé il démontre que le Fonds canadien était disponible au moins depuis août 2011. « Dans le cadre de la mise en œuvre de la phase 3 de l’introduction de MenAfriVac au Mali, …j’ai l’honneur de soumettre à votre appréciation, pour financement sur le fonds canadien, le budget ci-joint d’un montant de 472 285 637 FCFA. Le budget disponible est de 500 000 000 FCFA », telle est la substance d’une lettre de demande de financement en date du 22 aout 2011, de Dr Mamadou Namory Traoré, Directeur national de la santé adressée au ministre de la santé. Qu’à cela ne tienne, le Lieutenant-colonel estime que « ce n’est pas après l’exécution d’une mission qu’on modifie les clauses du contrat, sans concerter, ni informer, au préalable, les exécutants de la dite mission ». En sa qualité de membre de la Commission nationale, le Lieutenant-colonel tient à tirer cette histoire au clair afin que de telles pratiques cessent au Mali. « Ce n’est pas à cause de l’argent. Mais, je n’arrive pas à admettre que par des jeux d’écriture des cadres maliens se payent le luxe de gruger d’autres qui ont trimé sous le soleil pour faire convenablement leur travail pour la construction de la nation », nous a indiqué le Lieutenant-colonel Kaya Issa Cissé.
Assane Koné
Le Republicain
(30 Juillet 2012)