Elles sont nombreuses, ces jeunes filles et des adolescentes qui doivent travailler comme domestiques pour survenir à divers besoins. Un travail quelquefois asservissant, à plusieurs défis et très mal payé.
Au Mali, l’exode rural est un phénomène culturel existant depuis les années 70. Quitter son village, ses parents, ses amies pour venir à la quête de l’argent en ville, afin de soutenir financièrement les parents ou réunir l’argent nécessaire pour un trousseau de mariage. Ce sont là des motivations de ces jeunes filles qui travaillent en tant qu’aide-ménagères dans les foyers.
La saison sèche dure 09 mois et durant cette période, de nombreuses d’entre elles quittent le village pour venir travailler en ville. A Bamako, il y a des milliers de jeunes filles provenant des zones rurales. La plupart d’entre elles proviennent des régions de Ségou, Sikasso, Koulikoro, Mopti et quittent leur village à un âge souvent très jeune entre 11 et 12 ans.
Comme le nom l’indique, les aides ménagères sont des employées dans différentes familles, afin d’aider dans les travaux ménagers : la cuisine, la lessive, l’entretien de la maison et des enfants, mais aussi les petits commerces (vente de sachets d’eau, de jus, etc…).
Dans la quête de leur bien-être, ces filles font face à d’énormes difficultés, elles font face à pas mal d’injustices incessantes. Et leurs bourreaux sont très souvent des femmes, des mères de famille. Les témoignages concordent que dans bien de cas, elles sont maltraitées par leurs patronnes, intimidées par les maris de ces dernières, pour un salaire mensuel largement en dessous du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG).
C’est le cas de Koko, douze ans. Nous l’avons rencontrée à Missira, commune II du district de Bamako. « J’ai quitté mon village à 11 ans juste après le décès de ma mère. Arrivée ici, j’étais logée chez une connaissance durant une semaine environ avant de commencer le travail. J’étais payée à 4 000 F CFA. Quelques mois plus tard, j’ai changé de lieu de travai,l parce que les tâches du premier employeur sont très lourdes. Je commence chaque matin le boulot à six heures par le nettoyage de la cour et je continue avec les travaux du jour jusque tard la nuit. Il y a huit mois que je suis dans cette concession, mais je n’ai pas encore reçu mon premier salaire. Je suis déjà désespérée, mais je place ma confiance en Allah», nous dit-elle l’air désespéré.
Koro Guindo est originaire de Bankass. Elle travaille dans la commune V. Sa motivation de venir travailler dans la grande ville est liée à un mariage forcé que son oncle voulait lui faire subir. Pour elle, la seule et unique solution est de quitter le village. « Je suis fiancée, j’ai quitté mon village natal pour venir travailler en ville, afin d’aider ma famille restée au village. Je dois aussi assurer mon trousseau de mariage. Mais la raison principale, c’est d’échapper à un mariage force, qui m’était imposé par mon oncle. Les premiers patrons me payaient 4000 à 5000F CFA /mois, mais maintenant, alhamdoulah, je suis payée à 15 000F CFA /mois »
C’est à Sénou, dans une concession située non loin du marché « lôgôkan » que Mariam Soumahoro a déniché le boulot d’aide-ménagère. Elle se réjouit d’avoir acquis en moins d’un an une connaissance importante en matière de cuisine. « Je peux préparer plusieurs sauces, à savoir la sauce d’arachide, la soupe et le « sagasaga » (sauce à base de feuilles). Je ne sais pas encore faire le « fagoye », une sauce, originaire des régions de Gao et de Tombouctou », dit-elle avec un large sourire. Et d’ajouter qu’elle peut être fière d’avoir appris les travaux ménagers, surtout la lessive.
Assan Sanogo, aide-ménagère, ressortissante de San. Elle raconte qu’avant que dans sa localité d’origine , ses belles-sœurs s’occupent des travaux ménagers tandis que les sœurs de leurs époux restent inoccupées. Assan Sanogo se rappelle qu’à son arrivée à Bamako, elle n’avait aucune notion de la cuisine ni de la lessive. Elle adresse sa gratitude à sa première patronne, à Faladié Sema. « Depuis que j’ai commencé à travailler chez cette dame, elle m’a appris beaucoup de choses. Maintenant, ça me fait 3 ans à Bamako et je sais faire énormément d’activités domestiques. Un savoir-faire, se réjouit-elle, qui l’aidera suffisamment dans son futur foyer conjugal.
Beaucoup d’entre elles ont la chance de s’en sortir et d’autres pas. Les aide-ménagères sont présentes dans tous les foyers en ville et répondent aux besoins des citadins.
Pour Arkiatou Barry, une commerciale employeuse d’aide-ménagère, sa servante Hawa est une fille bien éduquée, qui fait très bien son travail sur tous les plans, même si souvent quelques malentendus se produisent. « Je pars au service, c’est elle qui gère tout chez moi ici, la cuisine, les nettoyages, la lessive, l’entretien des enfants, etc… et je la paie à 15 000F CFA/mois » dit-t-elle
Par contre, d’autres n’en ont pas, elles travaillent dans des conditions précaires sans accès à leurs droits fondamentaux de travailleuses, tels que la sécurité sociale, des horaires décents et réguliers, un jour de repos hebdomadaire et des congés payés.
En conséquence ces filles sont exploitées, maltraitées, certaines violentées ou abusées et risquent des problèmes de santé physique ou mentale. Cette situation d’exploitation est favorisée par la méconnaissance des filles de leurs droits et l’absence d’un environnement social protecteur.
Maimouna Coulibaly, qui vient de Ségou, affirme être battue par sa patronne à plusieurs reprises. « Je suis Maimouna, je viens de Ségou ; cela me fait plus de 7 ans que je pratique ce métier d’aide-ménagère, mais cette fois-ci, je suis tombée sur une patronne très méchante. Elle sort le matin pour son service et ne retourne que le soir. C’est moi qui fais pratiquement tout dans la maison. Je fais les travaux domestiques et je fais la vente des couches, vers le petit soir. Malgré tout ce que je fais, s’il manque un rond à son argent de couche, elle me frappe et elle me dit qu’elle va le déduire de mon salaire ». Nous fait-elle-savoir en larme
Rappelons que malgré tous leurs efforts, les maltraitances à l’endroit de ces jeunes filles ne cessent d’accroître. Même si le manque de qualification et de formation les pénalisent, ces aides ménagères ne sont pas moins des être humains que les autres travailleurs. De ce fait, elles doivent ainsi bénéficier de leurs droits en tant que travailleuses, mais aussi en tant que citoyen à part entière. L’Etat, à travers le ministère de la Promotion de la femme, de l’enfance et de la famille est plus que jamais interpelé.
Mama Kéita (stagiaire)