En flagrante violation de notre constitution, la laïcité de la République du Mali a été compromise par deux faits graves. Des précédents dangereux pour cette nation qui a déjà du mal à survivre aux velléités séparatistes de certaines couches de sa population.
Il y a d’abord l’éviction du Procureur près la Cour d’Appel de Bamako, Daniel Amagouin Tessougué, parce qu’il a osé dénoncer le président du Haut conseil islamique (HCI) pour «apologie du terrorisme».
Le second acte est la sortie médiatique du Guide spirituel d’Ançar Dine international, Chérif Ousmane Madani Haïdara, en courroux contre le pouvoir qui aurait voulu empêcher les prêches de Mawlid, en décrétant l’Etat d’urgence et qui, par la suite, n’a rien fait pour assurer la sécurité des manifestations organisées pour la circonstance, notamment au Stade du 26 Mars de Yirimadio.
En conséquence, le prêcheur avait sonné la fin du régime en place et menacé d’installer un imam à la tête de l’exécutif dans les années à venir, si ce n’est dans les mois à venir. Une menace qui a visiblement semé la panique à Koulouba et à Sébénincoro, vu l’empressement de Ladji Bourama à recevoir Chérif Haïdara, pour éteindre le feu.
Les mauvaises langues disent que le chef de l’Etat a demandé pardon et a fait allégeance au Guide spirituel, en promettant d’éviter une telle erreur à l’avenir. Ce qui est sûr, c’est que le leader religieux a levé sa fatwa après cette rencontre. Où va le Mali ? C’est la question que nous nous étions posé dans notre chronique de la semaine dernière. Où va le Mali quand le président de la République courbe l’échine devant un leader religieux, influent fut-il ? Quel est l’avenir de notre République quand des leaders religieux poussent «l’omnipotence» jusqu’à vouloir imposer au peuple un «Imam» ?
Et pourtant, le propre d’un guide est de toujours savoir raison garder ! Comment peut-on justifier l’éviction d’un magistrat parce qu’il a eu le courage de dénoncer publiquement une sortie médiatique qui a mis tout le monde mal à l’aise dans ce pays ? «Ces gens nous ont été envoyés par Dieu à cause de nos comportements, car tout le monde sait aujourd’hui ce qui se passe chez nous !
Il y a actuellement dans notre pays des adeptes de Loufti (Gay, Lesbiennes), des bars et ce qui s’est passé n’est qu’une infime partie de ce qui doit nous arriver, et le plus dur est à venir», avait-il défendu dans l’interview accordée à la Voix de l’Amérique (VOA), le lundi 22 novembre 2015. Même si, face au tollé, il s’était dérobé en essayant d’atténuer son message pourtant clair et net : pure apologie du terrorisme ! Face au silence du pouvoir, de l’opposition et de la société civile, le Procureur Tessougué s’était assumé en faisant honneur à sa fonction.
Nul n’est au-dessus de la loi, fut-il un guide, un Calife ou président du HCI. Hélas, ce sont eux qui se sont aujourd’hui emparés des rênes du pouvoir et qui décident de qui doit être promu ou déchu dans ce pays.
L’image à retenir de l’islam
Sans aucune prétention, le peu que nous savons de l’islam est loin de ce qui semble être aujourd’hui des convictions assenées par de plus en plus de leaders musulmans. Contrairement à ces objecteurs de conscience, nous sommes convaincus que «l’enseignement moral» offert à l’humanité par l’islam est celui qui apportera la paix, le bonheur et la justice à notre pays et au monde. La barbarie déguisée en «terrorisme islamique» est complètement séparée des valeurs morales du Coran.
Le Livre Saint le met au compte des ignorants, des fanatiques et des criminels qui n’ont rien à voir avec la religion. Le terrorisme n’a donc rien à voir avec une sanction divine parce que Dieu n’a pas besoin de bras armés pour nous rappeler sur le chemin du salut ou anéantir l’humanité à cause de nos péchés. L’islam et l’enseignement moral du Coran ne cautionnent aucunement le terrorisme. Au contraire, ils demeurent le «remède par lequel le monde peut être sauvé de ce fléau».
Comme le disait un imam sunnite (wahhabite) dans son prêche d’il y a une semaine (27 novembre 2015), après la sanglante prise d’otages du Radisson Blu le 20 novembre 2015, seuls le changement de comportement au niveau personnel et «instruit selon le véritable enseignement moral de l’islam» peuvent constituer des moyens pour contrecarrer «ces individus et ces groupes qui essayent de commettre leurs actes de sauvagerie sous l’apparence de l’islam».
C’est pourquoi il est nécessaire de mieux connaître notre religion, l’islam, pour éviter les amalgames comme certaines personnes qui prétendent agir au nom de la religion, mais l’interprètent mal (sciemment) ou la pratiquent incorrectement. Et la meilleure façon de comprendre l’islam est de se référer à sa source divine, au Saint Coran, et non à des interprètes aux ambitions personnelles inavouées. «Dieu a commandé à l’humanité d’éviter le mal. Il a interdit la mécréance, l’immoralité, la rébellion, la cruauté, l’agressivité, le meurtre et les massacres. Ceux qui n’obéissent pas à Ses ordres suivent les pas de Satan et adoptent une attitude désapprouvée par Dieu», défendait un prêcheur après l’attentat du Radisson.
Et «ceux qui violent leur pacte avec Allah après l’avoir engagé, et rompent ce qu’Allah a commandé d’unir et commettent le désordre sur terre, auront la malédiction et la mauvaise demeure», prévient Le Coran (sourate ar-Ra’d, verset 25).
Comme nous pouvons le constater, Dieu a interdit toutes sortes d’actes vils en islam, y compris le terrorisme et la violence. L’islam condamne ceux qui perpètrent de tels actes ou ceux qui les soutiennent dans un tel égarement. L’islam est une religion qui encourage la liberté de vie, d’opinion et de pensée… Cette religion a non seulement interdit la terreur et la violence, mais également d’imposer quelle que idée que ce soit à un autre être humain.
Un virage dangereux vers l’islamisme
Où va la République ? Nous sommes en train de basculer dangereusement vers l’islam politique ou «l’islamisme» qui n’est pourtant pas admis par notre constitution. Nous ne sommes pas aujourd’hui à l’abri de l’émergence de partis et mouvements politiques islamiques qui, certes ont rejeté la violence, mais qui ont opéré «un mouvement stratégique vers une politique de participation et de coalition à travers des élections libres».
Et cela comme les Frères musulmans en Egypte et en Jordanie, le Hamas en Palestine, le Hezbollah au Liban, Ennahda en Tunisie, al-Wefaq au Bahreïn… Mais, dans la pratique, cela n’est pas moins dangereux pour une République que sont Daesh (Etat islamique), Boko Haram, Ançar Dine, AQMI, al-Shabab, etc. Nous sommes d’accord avec Tariq Ramadan (professeur d’études islamiques à l’université d’Oxford), pour qui, ces atteintes aux principes républicains ne constituent pas un problème lié à l’islam, mais à «l’incurie des politiques de droite vis-à-vis de la question sociale et de l’égalité des droits».
«Face à l’islam politique, aux amalgames, aux intimidations, aux menaces à peine voilées, il est temps que l’Etat malien s’assume», avait souhaité le camarade Bakary Mariko dans sa réplique à l’Imam Dicko. Hélas !
L’épisode du Mawlid 2015 nous prouve que les religieux tiennent le régime au cou et que sa survie dépendrait de leurs Fatwas. Comme l’a récemment exprimé notre sœur Assétou Gologo dit Tetou, traduisons par un engagement sincère et un activisme sans failles notre «amour du Mali, de l’Afrique, de la justice et de la vérité». Cela sera d’autant salutaire que nous «fonçons droit au mur» et qu’il faut donc «un sursaut si nous voulons survivre en tant que Nation».
Alors aux Républicains de défendre la République, avec la forte conviction qu’autant il n’y pas de maladie incurable, il n’y pas de menaces sans solutions !
Hamady TAMBA