Pendant trois jours, les délégués des pays membres du CILSS, de la CEDEAO et de l’UEMOA, le représentant de l’UEMOA, les systèmes régionaux et internationaux d’information sur la sécurité alimentaire (la FAO, FEWS NET et le JRC/UE) et des acteurs humanitaires (le PAM, ECHO et OXFAM) ont analysé sans complaisance la situation alimentaire dans la sous-région.
La rencontre a constaté une baisse des productions agropastorales au Sahel dans un contexte de prix élevés, d’où un risque accru d’insécurité alimentaire. Selon les experts, à l’issue de la campagne agropastorale 2011/2012, la production céréalière prévisionnelle au Sahel et en Afrique de l’Ouest se chiffre à 55 451 000 tonnes. Cependant, ils ont estimé que même si cette production est en hausse de 4% par rapport à la moyenne des 5 dernières années, elle reste en baisse de 8% par rapport à celle de l’année dernière.
Pour le cas particulier des pays du CILSS, la réunion a constaté une production évaluée à 16 613 000 tonnes. Si cette production est comparable à la moyenne des 5 dernières années, les experts ont conclu qu’elle est en baisse de 25% par rapport à celle de l’année dernière. En ce qui concerne notre pays, ils diront qu’il y a des baisses de production céréalière importantes localisées dans les régions de Kayes, Koulikoro et Mopti. Du côté du Sénégal, les régions concernées sont au centre, au Nord et à l’Est. Chez notre voisin du Burkina Faso, la crise est plus prononcée au centre. Quant au Niger, toutes les régions sont concernées sauf celles de Maradi et Dosso. Du côté du Tchad, les pronostics sont moins reluisants : toute la bande sahélienne et les régions de Logone et Tandjilé dans la zone soudanienne vont enregistrer des baisses record de productions.
La contre saison est menacée
Toute la zone agropastorale de la Mauritanie et l’ouest de la Côte d’Ivoire sont touchés. Par ailleurs, les experts ont aussi constaté que des mauvaises récoltes ont également été enregistrées sur le riz à submersion libre et contrôlée au Mali et en Gambie. Ils diront que la faiblesse et la mauvaise répartition des pluies ont provoqué un déficit hydrique préjudiciable aux cultures de décrue au Tchad, en Mauritanie et au Mali.
Pire, la production halieutique et les cultures de contre saison sont menacées. « La faiblesse des écoulements des eaux des bassins fluviaux et les bas niveaux de remplissage des plans d’eau et barrages ont occasionné des assèchements précoces et risquent d’entraîner de sévères étiages des fleuves, de faible disponibilité en eau pour les cultures de contre saison céréalières et maraîchères et une baisse de la production halieutique », indique le communiqué du CILSS. Cependant, un brin d’espoir vient de certains pays du Golfe de Guinée comme le Ghana, le Togo, le Nigéria et le Bénin où un surplus commercial de maïs pourrait être exporté vers les régions déficitaires du Sahel. Par ailleurs, les experts ont constaté que le déficit fourrager est prononcé dans la bande sahélienne, sauf dans le Gourma au Burkina Faso et au Mali.
Selon eux, cette situation, aggravée par la faible disponibilité en eau d’abreuvement, a engendré une transhumance précoce notamment au Mali, au Niger, au Tchad et en Mauritanie. Du coup, les risques de surpâturage et de conflits sont à craindre dans les zones comme le Delta du Niger, le Gourma, le lac Tchad, le Salamat, le sud du Tchad, le nord de la République centrafricaine et le nord des pays du Golfe de Guinée. Face à cette menace d’insécurité alimentaire, le CILSS a formulé un certain nombre de recommandations à l’attention des Etats, de l’UEMOA, des dispositifs régionaux d’information et d’alerte rapide et aux partenaires techniques et financiers.
A l’intention des Etats, les recommandations sont : éviter toutes actions de nature à empêcher le bon fonctionnement des marchés et les échanges transfrontaliers ; conduire les enquêtes de vulnérabilité afin d’affiner le ciblage des populations vulnérables et de proposer des réponses appropriées ; poursuivre et initier dans les meilleurs délais des actions d’assistance aux personnes vulnérables et renforcer leurs moyens d’existence; encourager les cultures de contre-saison partout où c’est possible ; appuyer les éleveurs en aliment pour bétail dans les zones à déficit fourrager élevé, réhabiliter et créer des points d’eau ; reconstituer immédiatement les stocks nationaux de sécurité alimentaire en privilégiant les achats locaux : et anticiper les pics de malnutrition aiguë dans les zones à risque en renforçant les dispositifs de prévention et de prise en charge.
Assane Koné
Le Républicain 02/12/2011