Ce mémorandum des deux regroupements a été expliqué à la presse par Soumana Tangara, Gaoussou Coulibaly de l’ADPS (regroupement dirigé par l’ancien Premier ministre Soumana Sako), Fatoumata Siré Diakité (ancien Ambassadeur du Mali en Allemagne), Amadou Koïta et Abdoulaye Diabaté Sega du FDR. L’ADPS et le FDR s’opposent à toute forme de prise de pouvoir par la force des armes et réaffirment les principes de « soumission de l’autorité militaire à l’autorité civile ; la préservation de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale ; la sauvegarde et renforcement de la laïcité de l’Etat; la préservation et l’approfondissement du processus démocratique et la consolidation de l’ordre politique et constitutionnel issu de la Révolution du 26 mars 1991; l’appropriation nationale et démocratique de toutes solutions de sortie de crise conformes à, ou compatibles avec, la Constitution de 1992 comme seul cadre de référence et de légitimation », a déclaré Soumana Tangara de l’ADPS qui a donné lecture du mémorandum.
La proposition de sortie de crise met l’accent sur le fait que le Président de la Transition est le Chef de l’Etat et le Chef Suprême des Armées. En outre, le mémo retient « la prorogation du mandat de l’Assemblée Nationale jusqu’aux prochaines élections législatives sous réserve de la mise en place auprès du Président de la Transition d’un Conseil de la République comprenant les représentants de la classe politique et de la société civile ». Ce Conseil de la République sera consulté obligatoirement sur les projets de lois, participera à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation de la feuille de route de la Transition. Il sera également consulté sur les grandes questions engageant la nation, telles que la gestion de la crise du Nord, les élections.
La proposition de sortie de crise prend en compte également l’élaboration d’une feuille de route et « l’organisation d’un Congrès Extraordinaire du Peuple Malien qui sera convoqué par le Président de la Transition, Dioncounda Traoré ». Enfin la mise en place d’un Gouvernement inclusif et plus représentatif bénéficiant de la caution politique et sociale la plus large possible lui permettant de relever les défis existentiels auxquels le pays est confronté. Les tâches principales du gouvernement inclusif seront de récupérer les régions occupées, recouvrer l’intégrité du territoire national, organiser le retour des populations déplacées et des refugiés et organiser des élections démocratiques, libres, crédibles et transparente. Le gouvernement devra également reformer, remobiliser et renforcer les Forces Armées et de Sécurité, assurer le respect de l’Etat de droit et des libertés individuelles et collectives tout en apportant des réponses appropriées aux crises (cherté de la vie, santé, école, emploi des jeunes, et c.) Selon Fatoumata Siré Diakité, le FDR avait indiqué qu’il soutenait les actions du gouvernement lorsqu’il a été mis en place le 25 avril dernier. « Mais il se trouve que ce gouvernement en place n’est pas un gouvernement qui a des actions. C’est un gouvernement de pilotage à vue sans feuille de route, et malgré qu’il soit en place, des personnalités continuent d’être arrêtées ». Fatoumata Siré s’est insurgé contre le médiateur de la CEDEAO qui rencontre des rebelles d’Ansar Dine et du MNLA « par-dessus la tête du gouvernement et nous n’en sommes pas informés ». Ce n’est pas normal que le médiateur de la CEDEAO, Blaise Compaoré rencontre Ansar Dine ou le MNLA sans le Collectif des Ressortissants du Nord (COREN) qui est l’organisation la plus représentative du nord. Avec un gouvernement qui n’a aucune feuille de route, on ne doit pas s’asseoir pour être mis devant le fait accompli de la partition du pays, a averti Mme Fatoumata Siré Diakité. Selon elle, le scenario similaire de la signature de l’accord cadre du 6 avril est à craindre, où on peut nous imposer un accord et nous mettre devant le fait accompli. Il est donc urgent d’avoir une feuille de route et de proposer au médiateur des solutions de sortie de crise. Or « ce n’est pas avec ce gouvernement qu’on peut aller vite et bien. Tout le monde pose la question quand et comment on pourra sortir de cette situation et personne n’a la réponse avec ce gouvernement », poursuit Fatoumata Siré Diakité. A son avis, on a l’impression comme si l’on veut nous conduire à une prorogation de la transition, parce qu’il n’y a aucune option pour la reconquête. Il faut un gouvernement d’union nationale, un gouvernement inclusif, explique la conférencière, car on ne peut pas mettre de côté la classe politique, la société civile. La case brûle, au nord la situation ne peut pas attendre avec les violations des droits humains, des libertés individuelles et collectives, selon Fatoumata Siré. Et au-delà de la charia qu’il applique au nord, Iyad Ag Ghaly s’apprête à lancer la Jihad au sud et cela jusqu’à Kayes.
N’est-il pas trop tôt pour juger le gouvernement ? Pour Amadou Koïta, « si on posait la question au couple de jeunes qui a reçu les 100 coups de fouet à Tombouctou, la réponse serait immédiate ». Pour un gouvernement qui a été mis en place pour un an, on peut dire que le délai de grâce est largement dépassé au bout de deux mois, a-t-il poursuivi. « Au bilan, le gouvernement doit montrer des actions concrètes et ce gouvernement n’en a pas », ajoute-t-il. « La demande de gouvernement inclusif et largement représentatif que nous demandons n’est pas seulement une demande du FDR et de l’ADPS, ce n’est pas la préoccupation du seul Mali, mais va au-delà. Un gouvernement dans la situation actuelle doit avoir le soutien des forces vives et pour cela doit être inclusif », selon Soumana Tangara de l’ADPS.
Il ne s’agit pas de mettre tout le monde dans le gouvernement mais de lui faire bénéficier d’un soutien populaire. Pour cela, l’ADPS et le FDR iront aux autres regroupements politiques pour mieux étoffer ce mémorandum et parvenir à terme à un document qui pourra être partagé par tous les regroupements et pour devenir une proposition nationale de sortie de crise. Pour atteindre cet objectif, le FDR a rencontré la COPAM avant de parvenir à un mémorandum avec l’ADPS. La volonté affichée est d’amener le gouvernement à prendre des actions concrètes ou à se démettre.
Aguibou Sogodogo / Boukary Daou
Le Républicain Mali 25/06/2012