Quelle est votre lecture du contexte politique et social actuel du pays ?
Le contexte politique et social est malheureusement marqué par les reformes en trompe-l’œil. Cependant la cherté de la vie, la corruption, l’illettrisme, le gaspillage des ressources publiques, le pilotage à vue, les mauvaises conditions dans les secteurs clefs que sont l’agriculture, l’éducation, la santé, constituent des freins à l’évolution du pays et le bonheur des populations. Nous ne cesserons jamais de dénoncer la spoliation foncière des terres agricoles au détriment des agriculteurs et du pays. Et la spéculation foncière urbaine constitue des sources de litiges qui encombrent les juridictions et frustrent les véritables propriétaires. Nous n’avons pas de grands desseins pour notre pays à l’heure actuelle au moment où il faudrait, à l’exemple des pays émergents, mettre en place des politiques volontaristes et dynamiques pour sortir de l’extrême misère et de la paupérisation sans fin.
Quelle appréciation faites-vous des reformes constitutionnelle annoncées ?
La reforme est en principe une nécessité à certaines étapes de l’évolution de la démocratie. Cependant, celle qui se profile est inopportune et inadaptée. Inopportune car elle va demander pour son adoption des moyens et du temps qui devaient être consacrés à la préparation d’élections pacifiques et dignes de ce nom. Elle est inadaptée par la mise sur pied d’un sénat et assure un renforcement anachronique des pouvoirs du Président de la République. Dans notre pays, une seule chambre peut tout à fait assurer le contrôle de l’action gouvernementale et le vote des lois. La détermination de politique de la nation par le gouvernement est supprimée. Ce qui est anachronique car cela ne tient pas compte du fait majoritaire et confère au Président de la République quelle que soit la majorité parlementaire un pouvoir monarchique. A la COPP, nous ne sommes pas loin de penser qu’il s’agira d’une chute mortelle pour la démocratie.
Que pensez-vous du débat actuel sur le choix d’un fichier électoral tiré du RACE ou du RAVEC ?
Nous avons opté pour un fichier électoral issu du RAVEC et nous allons nous battre jusqu’au bout. Le Ficher issu du RAVEC a été mis en place à un moment où la quasi-totalité des municipalités étaient contrôlées par un seul parti politique. Les secrétaires généraux et les collaborateurs des maires ont eu tout le loisir de faire figurer des noms fictifs ou d’écarter des personnes qu’ils considéraient comme politiquement indésirables. Par ailleurs, il est poussiéreux, contient le nom de personnes décédées depuis et ne prend pas en compte pratiquement les personnes qui ont atteint l’âge de la majorité depuis lors et les différents déplacements. A l’inventaire des problèmes du RAVEC, le ministère de l’administration territoriale et des collectivités locales a soulevé deux problèmes essentiels : le coût financier et le recensement des Maliens de Côte d’Ivoire. Le déroulement d’élections fiables au Mali mérite bien que l’Etat consente des sacrifices ou réduise les dépenses inutiles pour affecter au RAVEC les ressources nécessaires qui s’élèvent à moins de 16 milliards de FCFA. En ce qui concerne les Maliens de Côte d’Ivoire, doit-t-on comprendre qu’il n’y aurait pas eu d’élection au Mali si le conflit ivoirien avait perduré. Il faut signaler que jamais, il n’y a eu plus de 1000 votants en Côte d’Ivoire. Donc, c’est un faux problème. L’insistance à vouloir utiliser le RACE ou ses succédanés traduit implicitement la volonté de vouloir assurer le maintien du parti en question aux affaires. Mais, il y a un danger. Ce parti a connu plusieurs divisions et les partis qui en sont issus savent à quoi s’en tenir. De toutes les façons, ils sont tous les trois mieux « outillés » pour faire voter des citoyens en dehors des lieux de vote, tels que les habitations personnelles et en confectionnant des cartes d’identité à tour de bras et de fausses procurations. « A vaincre sans périr, on triomphe sans gloire », a dit le poète.
Quelle est votre analyse des différentes incursions de l’armée mauritanienne sur notre territoire ?
Notre pays possède une armée et des forces de sécurité faites de personnes très braves, bien formées, mais à qui manquent les moyens nécessaires au maintien de l’intégrité du territoire et de la paix pour les citoyens. Une nation est avant tout un territoire bien protégé, bien délimité et une population animée de la volonté de vivre ensemble. A la COPP, nous souffrons de lire que notre pays est le maillon faible en matière de protection du territoire. Nous recommandons vivement aux autorités de doter les forces de défense et de sécurité de moyens logistiques et scientifiques adéquats pour éviter que chaque pays vienne livrer bataille contre ses ennemies sur le sol de notre patrie.
Assane Koné
Le Républicain 04/07/2011