L’Etat malien a-t-il les moyens de sa politique ? Des Maliens sont fiers de voir respecter la souveraineté de leur Etat, mais les sacrifices consentis, comme difficultés économiques, ne sont pas moins négligeables
La rareté de l’argent, la vie chère, l’augmentation de la dette intérieure, la paupérisation des populations poussent nombre de Maliens à s’interroger sur la gouvernance du pays durant cette Transition plus que laborieuse.
Après le renversement d’IBK en août 2020, de nombreux Maliens avaient pensé que leur quotidien des jours et mois d’après allaient être marqué par un mieux-être. Cela ne semble pas être le cas, à bientôt 3 ans après la gouvernance décriée de feu Ibrahim Boubacar Kéita ! C’est au point que certains nostalgiques n’hésitent pas à regarder dans le rétroviseur…
En effet, sous l’ancien régime, l’aide budgétaire issue de divers partenaires du pays était effective et permettait à l’Etat de faire facilement face à ses charges dans divers domaines. Aujourd’hui, les caisses de l’Etat sont sevrées de plusieurs milliards de nos francs au titre de l’aide budgétaires. Sans oublier l’enveloppe de l’assistance financière Internationale qui s’est asséchée, du fait de la politique de rupture adoptée par les plus hautes autorités.
En outre, sous prétexte d’une « souveraineté retrouvée » consistant à rompre certaines relations de partenariats ou à prendre des mesures hostiles au maintien de certains portefeuilles de l’aide bilatérales, l’Etat malien a fini par couper des mains nourricières.Et la conséquence de certaines de ces décisions dites stratégiques est de conduire le pays vers des sanctions économiques et financières. Telles furent le cas avec les sanctions « injustes et inhumaines » prises par la CEDEAO et l’UEMOA, soutenues par l’UE, l’UA et d’autres organisations d’aide contre le pays.
Or, ces sanctions ne sont pas sans conséquences sur le quotidien des populations, dont certaines bénéficient des appuis multiformes d’ONG françaises, qui ont leurs activités suspendues, privant le pays profond d’assistances non négligeables. Tout cela a accentué des difficultés dans le quotidien de nos populations, au point que l’on finit par se dire que la souveraineté retrouvée ne comble pas les besoins des ménages. De même, la montée en puissance de l’armée à travers l’achat de matériels militaires ne doit pas se faire au détriment des besoins de subsistance quotidiens des populations. Sinon, comment comprendre que l’Etat éprouve des difficultés de trésorerie et dépense des milliards F CFA chaque mois pour l’achat d’équipements militaires, alors même que la crise sécuritaire est loin d’être jugulée? Comment comprendre que l’Administration ne cesse d’enregistrer des grèves des agents publics, alors que l’Etat se plait à décaisser des sommes faramineuses pour l’achat de drones, hélicoptères et autres matériels de guerre, sans que le péril terroriste ne soit affaibli?
Quid de la dette intérieure et extérieure du pays qui prend des proportions jamais égalées, ralentissant drastiquement l’activité économique dans le pays ? Comment les populations aussi touchées par le marasme économique, la vie chère, le chômage peuvent-elles s’engager résolument dans la voie des réformes politico-institutionnelles dites de « refondation » ?Quid de la réduction du train de vie de l’Etat, dont nul ne voit les signaux concrets ?
L’on a l’impression que les gouvernants ne se préoccupent pas des difficultés énormes qu’éprouve le peuple pour survivre au quotidien. Sinon, pourquoi les dirigeants de la transition (gouvernement, CNT, membres d’institutions) n’ont-ils pas décrété par exemple, une réduction de leurs indemnités de fonctions, pour donner un exemple au peuple? Les caisses de l’Etat ne sont-elles pas vides, au point que le président de la Cour constitutionnelle avoue récemment le manque de moyens financiers pour organiser les élections? Pourquoi alors les budgets de certaines institutions augmentent-elles comme un véritable pied de nez face à la misère ambiante?
Ce sont là des situations incompréhensibles qui plombent la popularité des dirigeants, dans la mesure où le peuple finira pas croire qu’au lieu de servir, les autorités de la transition en viennent à se servir. Ce qui jette un discrédit total sur la volonté politique d’aller vers le Malikura appelé de tous les vœux. Surtout que la gouvernance vertueuse, ressassée dans le discours officiel, peine à être visible.
Baba Djilla SOW