En début de semaine, l’horreur frappa une nouvelle fois le centre du Mali. Une centaine de civils fut massacrée dans la localité de Sobane-Kou qui relève de la commune de Sangha. Les auteurs eurent tout le temps nécessaire pour commettre le massacre. Dans cette région du pays, une vie humaine aurait une valeur nulle. L’on y tue, massacre, incendie, en toute impunité. Les Maliens ressentent un curieux sentiment, mélange d’incompréhension, de déception et de colère. Le constat est clair. Six ans après l’installation d’autorités légitimes à la tête du pays, le Mali est loin d’être à la hauteur du défi sécuritaire qu’il lui faudra relever s’il veut continuer à exister en l’état.
La profondeur de nos turpitudes passées serait donc profonde à ce point ! Au point que nous soyons incapables, six ans après la crise multidimensionnelle, d’assurer une basique sécurité ne serait-ce qu’au centre du pays, où toutes les ethnies du Mali y vivent. L’on affirmait, un peu pour se blanchir, que le nord malien est un territoire si vaste, si hostile, que le pays seul ne pouvait en assurer sa sécurité. Certains en arrivaient même à déclarer que l’occupation en 2012 de cette partie du pays était normale. Tissus de contre-vérités ! Que dire alors du centre du pays, assez densément peuplé, propice à l’élevage, à la pêche et à l’agriculture ? Il s’agit là d’une zone où l’autorité étatique devrait sévir, ne serait-ce qu’à cause de sa proximité avec Bamako, la capitale du pays. Que non ! En quelques mois, il y a eu plus de morts au centre qu’au nord durant l’occupation jihadiste, qui elle, a duré pendant plus de neuf mois.
Ces massacres de civils sont choquants. Mais ce qui choque encore plus, c’est l’incapacité des forces armées maliennes à être sur les lieux du massacre à temps. Le chantier de la reconstruction de l’Armée malienne, après plus deux décennies de déstructuration insensée, est-il si vaste qu’elle n’est pas capable d’assurer un minimum de sécurité au centre du pays ? A mesure que ces tueries de massacres sont commises, le mystère ne cesse de s’épaissir. L’on ne sait toujours pas réellement qui en sont les auteurs. S’agit-il de milices dogons, peuls, de mercenaires, de terroristes ? Qui a intérêt à allumer le brasier de l’affrontement communautaire au Mali ? Autant de questions qui restent sans réponses.
Ne serait-ce que pour le symbole, le président de la République devrait éviter au maximum ses déplacements à l’étranger qui, assez souvent, s’apparentent plus à du tourisme mondain qu’à de véritables plaidoiries pour la cause du pays. La situation du Mali est des plus délicates. Et il est bon que quand la famille est menacée de toutes parts, que le chef de famille y reste. IBK devrait se sédentariser au pays. C’est en Suisse où il était en déplacement avec quelques ministres qu’il a condamné l’attaque tout en assurant que tout sera fait afin de mettre la lumière sur le massacre. Mais, de grâce, qu’il comprenne que le Mali n’est pas un pays comme un autre. Il est bien un pays menacé jusque dans ses fondements. Avant, il s’agissait de l’intégrité du territoire. Mais, aujourd’hui, c’est le tissu social qui est menacé ; le vivre-ensemble qui a permis de garder la crise malienne dans des proportions résolubles.
Le cycle de haine ne saurait s’estomper de lui-même. Maintenant qu’il est bien connu que le centre est une zone à fort potentiel « massacrogène », le président devra ordonner une forte militarisation de la zone. Car trop c’est trop ! L’on ne peut pas faire mine de gérer le pays à Bamako ou dans des salons feutrés à l’international, et ne prendre aucune mesure forte pour que plus jamais d’autres maliens ne soient tués de la sorte.
Ahmed M. Thiam
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