Toute mort est une déchirure, surtout celle d’un Président dans la fleur de l’âge qui tombe sous les balles de ses ennemis. Qu’on l’ait aimée ou détestée à l’époque, la victime ne laissait personne indifférent. En effet, le troisième Président du Congo, Marien N’Gouabi, avait été l’un des principaux acteurs, sinon un personnage-clé de l’histoire politique du pays. Aussi, sa disparition tragique avait donné naissance à un véritable mythe.
Une simplicité et une modestie exemplaires
Né le 31 décembre 1938 à Ombélé (Nord du pays) dans une famille très modeste, cet homme haut comme trois pommes (mais la valeur n’a rien à voir avec la hauteur), avait laissé à ses compatriotes l’image d’un Président aux goûts simples et à la modestie exemplaire. En effet, Marien N’Gouabi était le seul Chef d’Etat en exercice au monde à…s’inscrire à l’Université de Brazzaville au début des années 1970 pour préparer un diplôme de Physique, et à s’y rendre comme n’importe quel étudiant, et cela, en tant que Chef de l’Etat ! Il était également un des rares Présidents de l’époque à rouler dans une modeste Peugeot 504 !
« Certains responsables passent trois mois en Suisse ; d’autres trois mois à Nice. Moi je consacre tous mes loisirs à mes études. Quand j’étais Capitaine, on ne me voyait pas le samedi comme les autres dans les boîtes de nuit de Poto-Poto (quartier de Brazzaville : NDLR) », indiquait Marien N’Gouabi. Et chose qui n’est pas banale pour un Chef d’Etat, sa volonté farouche d’étudier le conduira à dispenser des cours à l’Université de Brazzaville même : une Université qui porte toujours son nom.
Marxiste léniniste convaincu, rompu à la dialectique, croyant peut-être un peu trop sincèrement en la révolution et en ce fameux « tout pour le peuple, rien que pour le peuple », ce militaire formé à l’Ecole militaire préparatoire (EMP) de Strasbourg d’où il sort parachutiste, puis à Saint Cyr Coëtquidan, rêvait de voir triompher le « socialisme scientifique » dans son pays.
Qui l’a donc tué ?
L’accession de Marien N’Gouabi au pouvoir le 31 décembre 1968 relevait d’une désobéissance de l’autorité établie qui avait décidé sa mutation. Mis aux arrêts, il sera libéré par ses camarades, acquérant ainsi, et malgré lui, une dimension héroïque. Mais le côté ombrageux, c’est qu’à cause des épurations et des exécutions sommaires d’opposants dont les corps étaient ensuite exposés dans un stade, le régime dirigé pendant 9 ans par Marien N’Gouabi avait été l’un des plus répressifs de toute l’histoire du pays.
Les conditions et les motivations réelles de son assassinat restent encore obscures. Voulait-il rendre le pouvoir à son prédécesseur Alphonse Massamba Débat, suite à des difficultés économiques que traversait le Congo Brazzaville ? Avait-il été tué par un commando agissant pour le compte de l’ancien Président ? Etait-il tombé dans un traquenard préparé par ses propres camarades du Parti congolais du Travail (PCT), du Gouvernement ou de l’Armée ?
Quoi qu’il en soit, et quoi qu’en dise la version officielle, l’assassinat de Marien N’Gouabi demeure jusqu’à ce jour un mystère. Bien que populaire, le Commandant s’était plus d’une fois retrouvé minoritaire au sein des instances du pouvoir. Resté ainsi isolé, il ne pouvait que devenir une cible facile à atteindre. Un jour peut-être, certaines langues qui en savent un peu plus sur ce qui s’était réellement passé ce vendredi 18 mars 1977, se délieront. Alors, ce jour-là, la vérité éclatera au grand jour.
Dans tous les cas, la complicité de certaines forces occidentales avait été mise en relief dans cet assassinat : d’où l’épais nuage de mystère qui entoure encore ses circonstances. Par ailleurs, des Congolais de l’époque avaient soutenu que certains traits de caractère de Marien N’Gouabi, si rares chez un Président, n’étaient pas étrangers à son assassinat.
En effet, en plus de sa modestie et de sa simplicité, le Commandant congolais était aussi atypique qu’intransigeant dans ses décisions. Or à l’époque, les pays africains n’étaient « âgés » que d’une dizaine d’années d’indépendance. Or en dépit de ces indépendances et de l’autonomie des pays africains, les anciennes puissances colonisatrices mettaient (et mettent encore) tout en œuvre pour maintenir leur mainmise sur les affaires des pays africains et y imposer leur desiderata.
Mais Marien N’Gouabi n’étant pas du genre à se plier aux ordres venant d’ailleurs, on peut facilement en déduire que l’ancienne puissance coloniale, sans avoir l’air d’y toucher (comme on dit), avait tout combiné pour l’opposer soit à l’ancien Président Alphonse Massamba Débat, soit au Gouvernement, soit à l’Armée. La suite est facile à deviner…
Par Oumar Diawara « Le Viator »