C’est le cas du rouble russe, du rand sud-africain, du peso argentin et de la livre turque. Les spécialistes s’interrogent sur les conséquences de cette fébrilité pour l’économie mondiale. Et aujourd’hui, nombreux sont les économistes qui se posent la question d’une contagion aux économies développées.
Cette volatilité des monnaies met en évidence la situation difficile de plusieurs pays émergents. Ces dix dernières années, leur poids dans l’économie mondiale n’a cessé de croître, tiré notamment par la Chine. Parmi les émergents, la Chine était cataloguée à part, compte tenu de la robustesse de sa croissance. Mais la croissance de ce géant a marqué le pas, et depuis plusieurs semaines les émergents sont confrontés à de gigantesques retraits des capitaux étrangers. Ils ont par ailleurs des problèmes structurels. Sans compter l’instabilité politique qui, au Brésil, en Inde ou en Argentine, avive les craintes des investisseurs.
La FED maintient le cap
Les investisseurs ont fortement réagi à l’annonce de la Banque centrale américaine. La Réserve fédérale (FED) a maintenu le cap en diminuant son aide à l’économie américaine. Elle a réduit sa politique d’assouplissement monétaire, appelée « quantitative easing ». « Une décision grave pour les émergents », comme l’explique Eric Delannoy, vice-président du cabinet Weave : « Les investisseurs vont vers les pays qui sont les plus stables. L’investissement qui était fait dans des monnaies locales et qui comportait en soi un risque de non convertibilité ou un risque sur le moyen terme va repartir dans le dollar qui offre une valeur universelle et un rendement plus certain dans la durée ».
La bonne nouvelle, c’est qu’avec cette fin de la politique d’assouplissement monétaire, le dollar va remonter par rapport à des monnaies des émergents. « Il va y avoir une nouvelle capacité d’exportation des pays émergents vers les Etats-Unis. Le prix relatif des matières premières qui sont importées aux Etats-Unis va être dans un meilleur rapport qualité/prix pour les pays émergents », prédit Eric Delannoy.
Arrêter la désaffection des investisseurs
Les pays émergents tentent désespérément de garder des capitaux étrangers. Ils ont besoin de ces fonds pour combler leurs déficits extérieurs et équilibrer leurs soldes courants. Pour retenir les investisseurs, les banques centrales de ces pays ont remonté massivement leurs taux d’intérêt.
C’est le cas de la Turquie où la livre a perdu un tiers de sa valeur et dont la banque centrale a décidé de doubler l’un de ses taux pour rendre le rendement du capital plus attractif. On a vu que cela a moyennement marché. En revanche, cette décision contient un risque, constate Philippe Waechter, directeur des études économiques chez Natixis Asset Management, celui de freiner la dynamique de la croissance. « A court terme, la situation sera complexe pour ces pays. Ils vont probablement lutter contre l’inflation, avec une fragilité supplémentaire sur la croissance. Ce qui ne favorisera pas le retour à une plus grande stabilité sociale », dit-il.
Les conséquences pour les émergents et le reste du monde
Nombreux sont les économistes qui se posent la question d’une contagion aux économies développées. Il est vrai que les banques européennes ont prêté plus de 2 220 milliards d’euros aux émergents. C’est quatre fois plus que les banques américaines, ce qui les rend vulnérables à une éventuelle amplification des turbulences actuelles. Mais le risque que cela dérape et que la contagion devienne mondiale est plutôt faible.
Tout dépendra de l’activité américaine, si elle revient ou pas. « Les capitaux resteront aux Etats-Unis. Mais cela peut dynamiser le commerce mondial. Celui-ci pourrait s’accélérait, et tout le monde en profiterait. L’ajustement ne se ferait plus sur les flux de capitaux comme on a pu l’observer ces derniers mois, mais via une dynamique plus robuste du commerce mondial et des exportations des pays émergents », estime Philippe Waechter. En revanche, la crainte d’un resserrement du crédit dans les pays émergents est bien réelle. Car une forte hausse des taux d’intérêt entraîne des défauts de paiement.
Le scénario négatif, c’est que les Etats-Unis replongent et que la dynamique du commerce international ne joue pas positivement sur les émergents. Or, ces pays ont encore un mot à dire dans la croissance mondiale.
RFI 2014-02-05