Marche de la cite universitaire de kabala L’entreprise chinoise «COMATEXIBAT» dans l’œil du cyclone

Après que la rumeur eut fait le tour de Bamako sur la volonté du gouvernement de l’époque à bâtir une nouvelle cité universitaire de 4000 places dans la localité de Kabala, les entreprises spécialisées en bâtiment se sont manifestées.  C’est ainsi que l’entreprise chinoise «Comatexibat», titulaire du passeport n°G13111256, délivré le 10 août 2005 par l’ambassade de la République populaire de Chine à Bamako, rentre en contact avec Ibrahim Moussa Doumbia dit Sory, spécialisé en intermédiation.

Au cours de leur première rencontre, le Président-directeur général de Comatexibat, Monsieur Han Zuo Gui, demande à  Ibrahim Moussa Doumbia de plaider en sa faveur pour obtenir le marché de la cité universitaire et d’autres marchés. En contrepartie, le PDG Han Zuo Gui lui a promis des commissions sur chaque marché. Quelques semaines après, Doumbia arrive à mettre en contact le PDG Han Zuo Gui avec  l’architecte du projet de construction de la cité universitaire de Kabala, Ismaïla Diallo. Pendant l’entretien qui s’est fait devant l’interprète de l’entreprise, Moussa Konaté, le PDG promet 3 % du montant total du marché à Ibrahim Moussa Doumbia. Ainsi, suite à une consultation restreinte, le marché est attribué par entente directe à la Comatexibat pour une valeur de 10,65 milliards de Fcfa. Toutes les formalités remplies, la Comatexibat reçoit le financement et démarre les travaux.

En toute logique, Ibrahim Moussa Doumbia réclame sa part du marché qui s’élève à 300 millions de Fcfa. Mais, à sa grande surprise, l’entreprise refuse de payer prétextant qu’elle aurait obtenu le marché suite à un appel d’offres et non à une intermédiation d’Ibrahim Moussa Doumbia. Celui-ci, surpris par ce qu’il considère comme une trahison, décide de porter l’affaire devant les juridictions. Il porte plainte au civil au tribunal de la Commune VI. L’alors président du tribunal, Hamèye Founé, ancien ministre des Sports pendant la transition, se saisit du dossier. Il  promet de jeter en prison toutes les personnes impliquées dans cette affaire qu’il qualifie de scandaleuse.

Ainsi, il ordonne des sommations interpellative à l’endroit de quelques personnes citées dans l’affaire. Dans une sommation interpellative en date du 28 février 2013, l’interprète Moussa Konaté déclare à un huissier de justice, en l’occurrence Me Ibrahim Berthé, que Doumbia est bel et bien celui qui a amené le marché à Han Zuo Gui qui, à son tour, lui a promis les 3% dudit marché. En outre, Badra Diarra, architecte, confirme cette version dans une autre sommation en affirmant avoir participé aux négociations entre Doumbia et Han Zuo Gui. Il reconnaît qu’Ibrahim Moussa Doumbia est celui qui a fait le lobbying pour obtenir le marché. En plus, le directeur du journal l’Essor, saisi par la justice, a fait savoir que la bonne démarche consiste à demander au service qui a fait l’appel d’offres de donner les références du journal dans lequel l’appel d’offres  a été publié. Le ministère de l’Enseignement supérieur n’arrive pas à produire le journal qui n’a d’ailleurs jamais existé. C’est simplement dans une correspondance N°00690/MESRS/SG, qui date du 20 août 2010, signée par le secrétaire général du ministère, Kénékouo Barthélemy Togo, actuellement ministre de l’Education nationale, que le département affirme avoir procédé à un appel d’offres.  Sur ce point, Ibrahim Moussa Doumbia met au défi Kénékouo Barthélémy Togo d’apporter  les preuves que le marché a fait l’objet d’un appel d’offres.

Feuilleton judiciaire

Malgré toutes ces preuves, comme promis, Hamèye Founé n’a jeté personne en prison et a même refusé de recevoir le plaignant Ibrahim Moussa Doumbia. Après le non-lieu d’Hamèye Founé, Ibrahim Moussa Doumbia porte encore plainte, cette fois-ci au pénal, auprès d’Abdoulaye Kamaté, juge d’instruction du 2e cabinet d’instruction de la Commune II. Dans ce feuilleton judiciaire qui oppose le PDG de la Comatexibat au jeune Doumbia, plusieurs faits anodins viennent entacher la bonne marche du dossier. En effet, le plaignant quelques jours après sa plainte apprend que celle-ci est transformée en une plainte contre X ; pourtant, la plainte introduite était bel et bien contre Han Zuo Gui. Après cette première surprise, le plaignant apprend aussi que le dossier est retiré des mains de Kamaté et confié à Adama Fomba du 1er cabinet de la Commune III. Par voie de huissier, le juge convoque les personnes citées dans le dossier : Moussa Konaté (interprète), Badara Ali Diarra (architecte)  ayant mis en contact Doumbia et Han Zuo Gui, Ismaïla Diallo (architecte du projet),  et enfin, Han Zuo Gui.

Après avoir entendu les personnes convoquées, le juge d’instruction décide de ne pas écouter le plaignant lui-même. Surpris de l’attitude du juge d’instruction, il va le voir. Fomba promet de le convoquer dans une dizaine de jours. Dix jours passés, il n’est toujours pas convoqué par le juge d’instruction. Doumbia retourne revoir le juge d’instruction, cette fois-ci, pour se faire écouter. Après l’avoir entendu, le juge d’instruction lui apprend que sa version est contraire à celle du PDG Han Zuo Gui.  Ibrahim Moussa Doumbia sollicite alors une confrontation entre lui et les trois personnes interrogées. Le juge, pour se dérober, déclare à Doumbia que le marché a bel et bien fait l’objet d’un appel d’offres. Doumbia, sûr de lui, met au défi le juge d’instruction de lui montrer un journal dans lequel l’appel d’offres aurait été publié. Il prend soin de lui rappeler les articles 9 et 54 du code des marchés publics qui stipulent qu’un marché de plus de 25 millions doit faire l’objet d’un appel d’offres publié dans un journal officiel.

Face à la maîtrise du sujet par Doumbia, le juge, confus, l’invite à rentrer chez lui et promet de le recontacter. Cinq jours après, le juge d’instruction le convoque et laisse avec sa secrétaire une ordonnance de non-lieu pris en faveur de Han Zuo Gui. Doumbia par l’entremise de son conseil fait appel. Le dossier est transmis à la chambre d’accusation de la Cour d’appel. À ce niveau encore, sans en savoir les raisons, la partie civile (Ibrahim Moussa) Doumbia n’est pas entendue. Au cours de l’audience, Fodié Touré, Mamadou Sangho et Amadou Bah, président de la chambre d’accusation confirment le non-lieu. Immédiatement, le plaignant sollicite et obtient une audience auprès du procureur général près la Cour d’appel de Bamako, Daniel Tessougué. Celui-ci s’informe et comprendra par la suite que la décision a été rendue sans que la partie civile ne soit entendue. Ayant compris qu’il y avait déni de justice, Daniel Tessougué ordonne à l’avocat général de l’époque Idrissa Arizo Maïga de prendre un pourvoir en cassation. Chose qui fut faite. Aujourd’hui, le dossier se trouve au niveau de la Cour suprême.

Pour apporter plus de preuves devant les juges de la Cour suprême, le conseil de Doumbia sollicite encore l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur sur les références du marché. Selon nos informations, le ministre Mountaga Tall aurait refusé de répondre sous prétexte qu’après avoir analysé le dossier de la cité universitaire, il lui est revenu de comprendre que le dossier est trop scandaleux. Preuve encore qu’il n’y a jamais eu de passation de marché.

Le drame dans cette affaire est que les autorités en charge de l’Enseignement supérieur de l’époque ont fait croire à tout le gouvernement qu’un marché a été passé légalement. Pour l’instant, toutes les parties ont les yeux rivés vers la Cour suprême.  La partie civile espère que justice sera rendue et que le dossier sera cassé et remis à un nouveau juge d’instruction.

A suivre…

Zakariyaou Fomba

Source: Le Débat 2015-02-05 20:02:49