L’opposant russe Alexeï Navalnyu dans un tribunal de Moscou, le 12 juin 2017 / © AFP / VASILY MAXIMOV
L’opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, a été condamné à 30 jours de détention lundi soir, épilogue d’une journée de mobilisation de ses partisans marquée par plus de 1.500 arrestations dans toute la Russie.
Le blogueur anticorruption de 41 ans a été reconnu coupable par un tribunal de Moscou d’avoir appelé à des manifestations non autorisées qui ont mis dans la rue des milliers de Russes, souvent très jeunes, dans des nombreuses villes allant de Vladivostok, dans l’Extrême-orient, à l’enclave de Kaliningrad sur la mer Baltique.
« Non seulement ils ont volé tout le pays, mais en plus à cause d’eux je vais manquer le concert de Depeche Mode à Moscou » prévu début juillet, a ironisé l’opposant sur son compte Twitter après s’être vu infliger la peine maximale encourue.
Navalny, qui espère défier Vladimir Poutine lors de la présidentielle de mars, avait été interpellé dès la sortie de son immeuble alors qu’il se rendait au rassemblement qui devait constituer le point culminant de la journée, sur la large rue Tverskaïa débouchant sur le Kremlin.
Des milliers de personnes (4.500 selon la police) y ont afflué, scandant « La Russie sans Poutine! ou « Poutine voleur! » et submergeant les promeneurs venus assister à des reconstitutions médiévales en costumes à l’occasion de ce jour férié.
A Moscou comme en province, les forces anti-émeutes ont répondu avec fermeté, dispersant la foule parfois à coups de matraques et embarquant les manifestants par cars entiers.
L’ONG spécialisée OVD-Info a compté au moins 823 interpellations à Moscou et au moins 600 à Saint-Pétersbourg (nord-ouest). Elle avait auparavant fait état de plus d’une centaine d’arrestations dans des villes de province, notamment à Sotchi (Sud) mais aussi à Norilsk (Grand Nord).
La Maison Blanche a condamné « avec force » ces interpellations et réclamé la « libération immédiate » des manifestants: « Les Russes méritent un gouvernement qui soutienne (…) la possibilité d’exercer leurs droits sans crainte ou représailles », a déclaré son porte-parole Sean Spicer.
Le président du Parlement européen Antonio Tajani a lui fait part de « son inquiétude », et l’ONG Amnesty International a dénoncé des « scènes alarmantes » d’interpellations et violences envers les manifestants.
Après des manifestations d’une ampleur inattendue le 26 mars, cette nouvelle mobilisation défie directement Vladimir Poutine en plein centre de la capitale à neuf mois de la présidentielle lors de laquelle il devrait briguer un quatrième mandat. Elle intervient alors que le chef de l’Etat doit tenir jeudi son émission annuelle de questions-réponses avec les Russes.
– Les jeunes très présents –
Alexeï Navalny, dont les films-enquête sur la corruption des alliés du président sont partagés massivement sur les réseaux sociaux, avait déjà passé 15 jours en détention après avoir été interpellé, comme un millier de ses partisans, lors de rassemblements similaires le 26 mars.
Outre son ampleur inédit depuis plusieurs années, le mouvement avait surpris par la présence très nombreuse d’étudiants voire de lycées, de nouveau très visibles lundi malgré les pressions exercées selon l’opposant par les universités ou les écoles pour les dissuader.
« Nous voulons une alternance comme dans tous les pays normaux (…) Nous voulons une réponse des autorités », a expliqué Iégor, 16 ans.
« Dans n’importe quel pays, il y a besoin d’une opposition pour contrôler les actes du pouvoir », a insisté Arséni, lycéen de 16 ans également.
Pendant ce temps au Kremlin, Vladimir Poutine faisait visiter son bureau à des écoliers à qui il venait de remettre leur première carte d’identité, à peine plus jeunes que de nombreux protestataires opposés aux forces antiémeutes quelques dizaines de mètres plus loin.
La mairie de la capitale avait donné son feu vert à la tenue d’un rassemblement dans le nord-est, mais Alexeï Navalny a décidé in extremis de le déplacer au centre-ville car selon lui les autorités empêchaient les prestataires de lui louer une scène et des équipements sonores.
La journal télévisé du soir de la première chaîne a diffusé des images du lieu prévu initialement, quasi vide, ajoutant que la police avait empêché la tenue d’une manifestation non autorisée sur la rue Tverskaïa.
(©AFP / 13 juin 2017 08h13)