Mamadou Sinsi Coulibaly, Président du Conseil national du Patronat du Mali « Un investisseur vient, quand il sent qu’il va gagner… »

Mamadou Sinsy Coulibaly, président du CNPM 

Le format décidé par les autorités n’est pas celui généralement pratiqué par le secteur privé, mais le Patronat se range, s’y adapte et apporte sa contribution pour que le forum soit une réussite. Le Patron des patrons regrette une certaine cacophonie dans la marche de ce forum des investissements et appelle les responsables à se ressaisir pour définir les rôles et préciser qui doit faire quoi.

Les Secrets Bancaires : Comment le Conseil national du Patronat du Mali prépare-t-il le Forum international Invest in Mali, des 7 et 8 décembre prochains ? Quelles sont vos attentes par rapport à ce forum ?

Mamadou Sinsi Coulibaly : Le Forum invest in Mali doit attirer les investisseurs étrangers, nous nous y attelons. Je sais que ce n’est pas facile de faire venir des futurs investisseurs au Mali, parce que la situation économique, la situation sécuritaire n’encouragent pas. D’ordinaire, on va chez les investisseurs pour les convaincre à venir investir, pas en organisant un grand forum. On s’est marié avec ce format pour faire le maximum, amener les investisseurs au pays. Mais ce format de forum international a été décidé par les politiques, c’est eux qui ont tracé la ligne sectorielle, la ligne politique et économique du pays. Le secteur privé peut toujours s’adapter à toutes les situations, et à la ligne politique, économique dictée par le gouvernement. On s’adapte et on avance, parce que c’est leur façon de voir : comment le pays doit se développer et quelle ligne politique, économique convient au Mali. Nous nous adaptons à cette ligne pour donner vie à toutes les questions économiques posées dans le pays.

Mais avant d’organiser de telle rencontre, c’est généralement de larges concertations avec les acteurs économiques pour voir quel schéma adopter, mais apparemment c’est le gouvernement qui imposé son schéma ?
Oui, c’est le schéma du gouvernement qui s’impose aujourd’hui, et on est obligé de s’adapter. L’organisation revient au ministère de l’Investissement et du Secteur privé avec l’Agence pour la Promotion des Investissement (API-Mali) dont le rôle est de promouvoir les investissements, et qui est l’outil et le bras armé de ce ministère. L’API doit être au four et au moulin, elle doit nous contacter [CNPM], et travailler avec nous pour la réussite du forum. Ce n’est pas le rôle du ministre de faire, il donne des directives pour réaliser ce qu’il veut ; et son outil, son bras armé, qui est l’API doit travailler avec nous. Mais ce qui se passe aujourd’hui est tout à fait autre chose : il y a l’API Mali, mais il y a aussi une agence organisatrice qui est un privé. Entre le bureau privé qui gère la Com, l’organisation et API Mali, on ne sait plus qui fait quoi. Le ministre aussi, chacun de son côté en train de… ça nuit à la réussite de ce forum. Si les gens ne se ressaisissent pas rapidement pour préciser les rôles, qui doit faire quoi…

Il y a une certaine cacophonie dans l’organisation ?
Beaucoup plus, dans l’organisation, dans la tenue aussi, et même le concept, le format de ce forum…

Convaincre les investisseurs à venir ne doit pas être facile dans le contexte actuel ?
Un investisseur vient, quand il sent qu’il va gagner de l’argent. S’il sait qu’il y a des opportunités et que le retour d’investissement est garanti et rapide, il viendra. Ce n’est même pas la peine d’aller les chercher, ils viendront par eux-mêmes. Ils ont besoin de savoir que quand ils investissent, leurs investissements sont protégés ; tout investisseur ne cherche que ça.

Est-ce le cas actuellement au Mali ?
On a mal engrangé les choses, parce que le ministre a voulu personnellement s’impliquer dans tout ce que l’on fait. Ce n’est pas son rôle, il doit être l’arbitre, regarder la mise en œuvre et frapper celui qui faute. Il ne doit pas se mettre dans l’organisation ou encore le rôle de savoir qui est invité et qui ne l’est pas, cela n’est pas son rôle. Il nous confie ce rôle, le secteur privé et l’API Mali. Le rôle du ministre, doit consister à surveiller. Il est là que pour réguler, sanctionner ou féliciter ceux qui ont bien ‘’bossé’’. Mais, il ne lui revient pas de se mettre en avant pour dire, « j’invite celui-ci, j’invite celui là ; qui doit parler ce jour, le lendemain, c’est tel autre ». Non ! Il suffit de donner un canevas et suivre.

Pour le patronat, quels sont les secteurs prioritaires identifiés pour l’investissement ?
Dans un pays comme le Mali, tous les secteurs sont prioritaires. On choisit conformément à la politique économique affichée par le gouvernement. Il n’y a pas un seul pays où un secteur n’est pas prioritaire. Dans tous les pays du monde, il y a des secteurs qui vont être développés. C’est pourquoi, on préfère une transition démocratique. Quelqu’un peut venir avec une vision pour le développement des infrastructures, c’est la priorité. D’autres peuvent venir, pendant dix ans ils veulent le développement social. Chacun amène un pan de l’économie du pays qu’il veut développer. Et plus on développe les pans de l’économie, plus le pays se développe. Et les autres se développeront à leur tour par ricochets.

Quel est le rôle confié à votre structure, le CNPM ?
On n’a pas de rôle précis. On ne nous a pas confié de rôle. Il y a un bureau privé qui s’occupe de l’organisation et de tout le reste, et le Patronat accompagne. On est dans les commissions et dans les sous-commissions, comme l’administration a l’habitude de faire. Le secteur privé, quand on lui confie quelque chose, on est là avec le bâton et la carotte. Tel n’est pas le cas dans la sphère publique où quelqu’un est mis devant, et enlève toute personnalité, créativité et toute motivation aux autres. Cela n’est pas dans les habitudes au secteur privé. Bien vrai que le ministre de la Promotion de l’Investissement serait issu du secteur privé, je ne sais pas comment il a été métamorphosé. C’est quelqu’un qui est issu du secteur privé, mais la métamorphose du pouvoir sur un individu, est très dangereuse.

Quel appel, avez-vous à lancer ?
C’est déjà arrivé, il faut qu’on se donne la main, il faut que la manifestation puisse se tenir dans les meilleures conditions, que ceux qui vont accepter de venir bénéficient de beaucoup d’hospitalité «djatiguiya», que de choses techniques. On invite des gens, et on leur demande d’appliquer sur internet, d’amener leur carte bleue, de payer, je trouve cela un peu gauche quand même.

Ce n’est pas tellement le djatiguiya ?
Non ce n’est pas le ‘’djatiguiya’’. Il faut qu’on évite de prendre cette culture d’ailleurs pour nous l’imposer dans un pays où le taux de bancarisation n’est même pas à 10%. Il y a des chefs d’entreprises qui n’ont même pas de chéquier propre à eux. Quand on leur demande d’utiliser une carte bleue pour faire leurs paiements en ligne…
Cette affaire on va la suivre de près, et nous ferons le maximum pour qu’elle réussisse. Et après le CNPM, les patrons, les entreprises, vont organiser à leur manière, une autre manifestation de ce genre dans les mois à venir, avant les prochaines élections.

Vous n’allez pas le confier à la Promotion de l’investissement ?
Ça dépend, si on dialogue et qu’il nous considère, chacun va jouer son rôle. Les entreprises individuellement aussi vont jouer leur rôle, parce que dans une société, il faut mettre le dialogue au centre de tout. Nous sommes un pays de dialogue, chacun joue son rôle et ce sera une réussite. Il ne faut pas jouer le rôle de l’autre à sa place. S’il fait des résultats, on le félicite, s’il fait de mauvais résultats, il assume, il va mériter ce qui est prévu, c’est tout. C’est ainsi seulement qu’on peut réussir ces genres de manifestation organisée pour booster l’économie. Par contre, les autorités ne doivent pas se laisser faire. Quant un ministre faute, quant un fonctionnaire faute, il faut le dénoncer, situer les responsabilités et sanctionner. Après la manifestation, celui qui a fauté, doit être sanctionné. Sans sanction, on n’avancera pas dans ce pays. Il faudrait qu’à la suite de ce forum, on tire le bilan. Si les responsabilités sont situées, et qu’on les trouve formidables, il faut que le mérite aussi soit reconnu. Cette méritocratie doit être mise en place, et instituée dès maintenant.
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