11 Mai 1956- 11 Mai 2020, cela fait 64 ans et 7 jours que disparaissait Mamadou Konaté,
fondateur de l’US-RDA et qui fut le logeur de Feu Fily Dabo Sissoko fondateur du PSP
assassiné en 1964 dans le désert malien. Un homme complètement oublié par la nation
malienne à travers les plus hautes autorités du pays.
Né vers 1897 à Kati, Mamadou Konaté fréquente l’école normale de Gorée, au Sénégal, où il
remporte de brillants succès. Nommé instituteur, il enseigne dans différents établissements
du Soudan (Bafoulabé, Mahina, Kolokani). La renommée qu’il acquit dans ses fonctions et
l’aptitude pédagogique dont il fit preuve lui valut d’être appelé à la direction de la grande
école régionale de Bamako, charge qu’il occupa pendant treize années consécutives. Mais
son caractère généreux et avide de justice sociale dans une Afrique française en première
phase d’éveil national après le retour des tirailleurs sénégalais de la première guerre
mondiale, le pousse vers d’autres horizons. Ainsi il crée le syndicat des instituteurs de
Bamako, dont il est longtemps le secrétaire général. Du coup le cercle de sa renommée
s’élargit, et ses compatriotes le poussent bientôt à accepter d’autres responsabilités au
conseil général de Bamako et au grand conseil de l’Afrique occidentale française (AOF). La
seconde guerre mondiale ébranle une nouvelle fois les fondations du pouvoir colonial
français. Le Soudan fournit vivres, soldats, argent en quantité et la montée du mouvement
nationaliste se poursuit. Brillante élite occidentalisée, Mamadou Konaté est le prototype des
nouveaux leaders de ce mouvement, à l’instar d’un autre enseignant plus jeune, Modibo
Keita, qui sera Président de la République du Mali de 1960 jusqu’en 1968, date à laquelle il
sera renversé par Moussa Traoré. En 1945, Mamadou Konaté et Modibo Keita fondent le
Bloc soudanais. L’année suivante, ce mouvement devient, sous le nom de d’Union
soudanaise, une section d’un grand mouvement fédéral, le Rassemblement démocratique
africain(RDA). Le congrès constitutif de ce mouvement, animé principalement par le leader
ivoirien Houphouët Boigny, se tient à Bamako le 18 octobre 1946 et rassemble 800 délégués
venus de l’AOF et de l’AEF. Le mois suivant (après deux campagnes électorales infructueuses
pour la constituante en 1945 et 1946), Mamadou Konaté se présente aux élections
législatives comme tête de la liste d’Union soudanaise(RDA), qui remporte 27 653 des
94 803 suffrages exprimés, soit un siège sur les trois à pourvoir par le collège unique du
Soudan, contre 60 759 pour la liste progressiste (proche des socialistes) qui remporte deux
sièges. Les grandes lignes de son programme sont, et resteront pour les élections suivantes,
celles du RDA : union de tous les Africains et de tous les Français sans distinction de
conceptions philosophiques ou religieuses, et lutte pour l’émancipation politique,
économique et sociale de l’Afrique dans le cadre de l’Union française fondée sur l’égalité
des droits et des devoirs. A l’Assembl2e nationale, où Mamadou Konaté siège à l’UDSR, il est
nommé membre de plusieurs commissions : celle de la marine marchande et des pèches et
celle des moyens de communication, mais aussi à deux autres qui lui tiennent
particulièrement à cœur : la commission des territoires d’outre-mer et celle de l’éducation
nationale. En effet, la plus grande partie de son activité et de ses interventions est
consacrée à l’organisation du travail et de l’enseignement dans les territoires d’outre-mer. Il
invite par exemple le gouvernement, en aout 1947, à mettre fin à la constitution obligatoire
de greniers de réserves en AOF ; le 23 février 1950, il dépose une proposition de loi tendant
à instituer un code du travail dans les territoires d’outre-mer, proposition de loi qu’il
défendra à la tribune à plusieurs reprises, y compris dans la seconde législature ; quelques
jours plus tard, il dépose une autre proposition de loi tendant à la création d’un cadre
unique du personnel des chemins de fer d’AOF. Il prend souvent la parole sur ses sujets de
prédilection, de coordination de l’enseignement en AOF, budget destiné à l’outre-mer mais
aussi sur la politique de la France dans ses colonies. Ainsi lors des discussions relatives aux
événements de Madagascar en mai 1947, ou lorsqu’il interpelle le gouvernement sur
l’attitude de l’administration des élections au Soudan et au Niger et des événements
sanglants de Boromo (26 juin 1948). Il s’inquiète également de l’organisation politique qui
convient à l’Union Française. Pour l’élection des conseillers de la république outre-mer, il
soutient par exemple l’unicité du collège et le scrutin proportionnel (18 aout 1948) ; il
soutient la création d’une assemblée représentative en Cochinchine (mars 1949) ainsi qu’en
Cote française des Somalis (24 juillet 1950). Mamadou Konaté ne vote pas la confiance au
gouvernement le 4 mai 1947, vote à la suite duquel Paul Ramadier se sépare de ses
ministres communistes ; il s’oppose aussi au projet de loi sur le statut de l’Algérie (27 août
1947). Il ne prend pas part au vote sur la loi instituant la possibilité d’apparentements, le 7
mai 1951, loi modifiant les règles électorales en faveur de la troisième force. Le 17 juin
1951, de même qu’en 1946, le parti progressiste soudanais l’emporte sur le RDA avec cette
fois trois sièges contre un (201 866 suffrage contre 115 490) mais dans un collège qui a plus
que triplé en volume : 337 989 suffrages exprimés pour 916 944 électeurs inscrits.
Mamadou Konaté seul élu de la liste RDA, retrouve la commission des territoires d’outre-
mer et devient membres de la commission de la justice et de la législation, ainsi que de celle
du travail et de la sécurité sociale dont il devient secrétaire. Mais ces centres d’intérêt
restent les mêmes : promotion de la culture du coton dans l’Union française (proposition de
loi du 23 juin 1953), promotion des élites (reculer de deux ans pour les étudiants d’outre-
mer, la limite d’âge pour les concours des grandes écoles), la consolidation des contrôles
administratifs en AOF et AEF(5 août 1955) et avancement des droits politiques des
autochtones(création des ‘’communes de pleins exercice’’ outre-mer en 1954. Comme il
l’avait fait au cours de la première législature, il essaie d’imposer le respect par les militaires
et les fonctionnaires de leurs obligations lorsqu’ils servent outre-mer, et ne laisse passer
aucun manquement au droit en dehors de la métropole en particulier en matière électorale
et juridique. Mamadou Konaté, logeur de Feu Fily Dabo Sissoko à Bamako, ne prend pas part
au vote sur la loi Barangé- Marie sur l’enseignement privé le 21 septembre 1951. Il soutient
le projet de communauté européenne du charbon et de l’acier (13 décembre 1951), accorde
son investiture à Antoine Pinay (6 mars 1952), à Joseph Laniel (26 juin 1953) et à Pierre
Mendes France (17 juin 1954). Il se prononce pour la question préalable opposée à la
discussion de la ratification de la CED (Communauté européenne de défense) le 30 aout
1954, vote équivalent ai rejet du traité. Il accorde sa confiance à Edgar Faure le 23 Février
1955, mais s’abstient volontairement lors de la chute de son cabinet le 29 novembre 1955.
Le 2 janvier 1956, sur un collège unique qui a continué à croire (plus d’un million d’inscrits),
la liste d’Union soudanaise de Mamadou Konaté forte de 215 419 des 433 029 suffrages
exprimés, remporte cette fois deux sièges sur les quatre à pourvoir, et Modibo Keita est élu
aux côtés de Mamadou Konaté. Retrouvant le Palais-Bourbon, ce dernier connait un
moment de gloire, puisqu’il est nommé vice-président de l’Assemblée nationale.
Malheureusement il n’aura pas le loisir d’exercer son troisième mandat très longtemps :
nommé membre de plusieurs commissions, il a le temps de déposer le 20 mars 1956 une
proposition de la loi portant suppression des sociétés indigènes de prévoyance dans les
territoires relevant du ministère de la France d’outre-mer. Mais son état de santé décline
soudainement et il est soigné sans grand espoir à l’hôpital Saint-Antoine, puis rapatrié à
Bamako où il décède le 11 Mai 1956. Le président de l’Assemblée nationale aura ces mots
lors de l’annonce de cette triste nouvelle en séance, quatre jours plus tard. « Mamadou
Konaté appartenait à ces élites que la France a su former partout où flotte son drapeau et
sur les quelles elle est en droit de compter pour réaliser une véritable Union française. Sa
présence au fauteuil présidentiel comme l’avait souligné si justement notre collègue M le
chanoine Kir, était plus qu’un symbole ». Aujourd’hui il est temps pour les plus hautes
autorités du pays de penser à cet illustre disparu en lui organisant des funérailles nationales
comme tant d’autres qui ont beaucoup œuvré à l’avènement de l’indépendance du Mali
Sadou Bocoum
journal la Mutation