En Chine comme dans plusieurs autres pays à travers le monde, le Mali était très respecté et cité en exemple pour le leadership du président Touré, grand ami de la Chine, la qualité de la démocratie malienne, citée en exemple, la liberté de ton de notre presse et surtout l’élan avec lequel notre pays avait réussi à poser les bases de son développement socio-économique.
Je ne vous cache pas que nous n’étions pas peu fiers de ce label malien qui, jusqu’au 22 mars dernier, forçait respect et admiration bien plus en Chine qu’ailleurs. Cela tient, je le crois, aux cinquante ans d’amitié et de coopération entre les peuples chinois et maliens et surtout à l’essor du partenariat économique entre nos deux pays depuis 2002.
Pour mémoire, le président ATT a effectué plusieurs visites en Chine durant ses deux mandats tandis que, côté chinois, Hu Jintao effectuait aussi un séjour mémorable au Mali. De nombreuses entreprises chinoises sont établies au Mali depuis au moins vingt ans et le volume des échanges commerciaux entre la Chine et le Mali a augmenté de façon exponentielle.
Voilà donc un pays promis à un bel essor socio-économique et qui s’apprête à vivre la deuxième alternance politique de l’histoire de sa jeune démocratie qui, à la stupeur générale, sombre dans le chaos. Vivant les événements au loin, je n’ai pas le recul nécessaire pour me prononcer sur les motivations des putschistes dont je ne connais pas, à ce jour, le nombre exact.
Je croyais, en toute innocence, qu’avec l’avènement de l’ère démocratique, le pouvoir ne s’acquérait que par les urnes et non par les armes. Je me trompe peut-être, une fois encore étant loin de la mère-patrie, les institutions de la République fonctionnaient à la satisfaction générale des Maliens et nous-mêmes, Maliens de Chine, si je ne m’abuse, sommes représentés dans le bureau du Haut conseil des Maliens de l’extérieur.
Alors, où est le problème ? Pourquoi un coup d’Etat qui nous couvre de honte et de ridicule… et qui nous ramène à l’ère de la pierre taillée au regard des pillages, des brutalités, des exactions et de l’arbitraire dont se sont rendus coupables nos militaires qui, au moment de leur présentation au drapeau, ont juré de verser leur sang pour veiller sur notre sommeil et de défendre l’intégrité du territoire national.
Le Malien si fier que j’étais dans mon district rase maintenant les murs pour ne pas être reconnu et pour ne pas avoir à répondre à des questions embarrassantes que ne manquent pas de me poser mes frères africains et d’ailleurs ainsi que nos hôtes chinois.
J’ai d’autant plus de mal à me risquer à certains exercices de stratégie militaire que mes connaissances en la matière ne m’autorisent pas à expliquer, qu’en l’espace de 48 à 72 h, toutes les trois régions du Nord (Kidal, Gao et Tombouctou) sont tombées, tels des châteaux de cartes, aux mains des envahisseurs probablement moins nombreux que les éléments de notre Armée nationale. Je voudrais comprendre ! Par scrupule, je ne peux relayer dans cette contribution certaines questions auxquelles je suis obligé de répondre.
Il y a des jours, je voudrais supplier Dieu pour que ce qui est arrivé à mon pays ne fût pas réel. Que dire de l’épisode sanglant de la « guerre des bérets » qui est l’une des illustrations les plus éloquentes de l’inanité et de la futilité du coup d’Etat du 22 mars.
Alors que la Cédéao et la Communauté internationale dans son ensemble sont dans les meilleures dispositions pour nous appuyer dans la reconquête du Nord, notre Armée s’engage dans une guerre fratricide le 30 avril dernier qui, semble-t-il, aurait fait plusieurs dizaines de morts dans ses rangs et dans la population civile.
J’en suis tout retourné et ne trouve encore aucune explication rationnelle qui justifierait cette « guerre des bérets ». C’est à croire que notre Armée aurait reçu l’ordre de s’auto-affaiblir pour ne jamais avoir à aller faire le coup de feu au nord, terrain sur lequel elle est attendue par tous les Maliens. J’aimerais bien qu’on me fournisse des clés pour me permettre de décrypter cet épisode sanglant qui, je le crois sincèrement, doit prêter à conséquences. On ne doit pas tirer impunément sur son frère d’armes comme on tirerait sur des lapins. C’est trop gros ; ça me révulse, ça me révolte.
Que dire donc du dernier développement de cette déplorable, regrettable et ubuesque crise sociopolitique qui a poussé des hordes de hors-la-loi à aller agresser physiquement le président intérimaire, le Pr. Dioncounda Traoré, le 22 mars dernier, à Koulouba, jusque dans ses bureaux !
Je ne comprends pas bien les enjeux liés à la conquête du pouvoir d’Etat, mais de mon point de vue de Malien, patriote et démocrate, le point de non-retour a été atteint par les ennemis de notre pays. Ce n’est pas seulement un vieillard de 70 ans qui a été malmené par des illuminés, c’est toute la République qui a été souillée.
Le crime de lèse-majesté commis est innommable ; rien ni personne ne peut l’expier. Aussi loin que me le permettent mes connaissances de la chose politique, cela ne s’est déjà passé sous aucun ciel au monde. C’est inédit ! C’est innovant ! Si le sujet n’était particulièrement grave, les auteurs de cette forfaiture mériteraient de déposer un brevet devant les instances internationales dédiées à cette fin.
Après le tabassage du président de la République dans ses appartements dans un périmètre que je n’ai jamais voulu visiter de peur de me retrouver nez à nez avec des soldats lourdement armés, plus rien ne me surprendra de la part des Maliens. Nous avons fait reculer les limites de l’inacceptable.
Après le fond que nous avions touché au lendemain du coup d’Etat, nous voici à présent dans l’abîme, avec aucune perspective réaliste d’en émerger de sitôt. Sans risque d’être contredit, je puis affirmer de façon péremptoire que les Maliens sont désormais champions du monde hors catégorie de l’irrévérence et de la bêtise.
Et la faute de ce triste record incombe à une bande d’apatrides qui croient dur comme fer que leur heure a sonné ; celle de tout obtenir et d’arriver à leur dessein funeste sans se soumettre au suffrage des Maliens.
Je le souhaite vivement, pour moi-même, pour mes compatriotes et pour les peuples africains, puissent-ils échouer lamentablement. Qu’eux et leurs commanditaires aient à répondre, sans délai, devant la justice malienne et internationale. Et surtout, que leur triste performance ne soit homologuée dans aucun livre Guinness !
Un Malien vivant en Chine
L’ Indicateur Du Reneouveau 31/05/2012