Le 2 novembre dernier, le Mali, à l’instar des autres pays du monde, a célébré la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes. Cette commémoration n’a pas eu un écho favorable dans la rédaction de Maliactu.net qui, depuis dix mois, est sevrée de la plume de son directeur de publication. Il est placé sous contrôle judiciaire avec des interdictions d’exercer convenablement son métier.
Persécuté pour le bon exercice de son travail. C’est l’injustice que subit le jeune directeur de publication du site d’informations générales malien, Salif Diarrah. Depuis dix mois déjà, il vit sous pression. Incapable d’exercer convenablement le métier qu’il aime et qu’il sait bien faire : le journalisme.
Tout a commencé le 21 février 2018. Lorsqu’il travaillait paisiblement au siège de son journal, Salif a été arrêté par une unité de la police en compagnie de deux de ses journalistes, Aliou Hasseye et Issa Coulibaly. Ceux-ci ont été libérés 72 heures après. Les policiers, armés mais habillés en civil, confisquent en plus leurs matériels de travail sans aucun mandat.
Ils sont accusés de ‘’chantage’’ contre le maire d’un petit village, Koimara, dans le cercle de Niafunké. La plainte date de novembre 2017 et le maire en question basé à Bamako, a affirmé que l’interpellation des trois journalistes ne l’engageait pas.
Salif a passé cinq jours en détention avant de recouvrer la liberté le lundi 26 février 2018, à la suite d’une longue série de protestations organisées par la Maison de la presse et d’autres organisations nationales et internationales de soutien aux journalistes. Cette libération n’était que le début d’un long processus, le plus difficile, selon certains journalistes proches de M. Diarrah.
« Depuis cette histoire, la rédaction de maliactu.net est paralysée. Nos ordinateurs, nos cameras ainsi que nos téléphones portables restent toujours confisqués. Ce qui diminue considérablement notre capacité de travail », regrette Aliou Hasseye, rédacteur en chef du journal. Selon lui, lors de la dernière présidentielle, le journal n’a même pas été capable de jouer pleinement son rôle dans la couverture de la campagne et du scrutin.
Pis, le passeport de Salif est entre les mains de la justice. Il n’a pas le droit de quitter Bamako, ni exercer son travail de journaliste convenablement. En plus, il est obligé de se présenter devant le juge d’instruction chaque vendredi depuis 10 mois. Ses avocats ont déposé une requête d’annulation auprès de la Cour d’appel de Bamako suite à des manquements dans la procédure. Il attend impatiemment la décision de cette cour qui tarde à être rendue.
Salif, un journaliste qui partage
A 28 ans, Salif Diarrah s’est fait un nom dans le milieu du journalisme depuis quelques années, grâce à ses reportages et le dynamisme de son site, mais aussi avec l’Ecole supérieure de journalisme de Lille (pour laquelle il travaille souvent au cours des formations en alternance à Bamako). Très engagé pour la liberté d’expression, il anime des formations à l’intention des jeunes sur les médias sociaux : Facebook, twitter, le blogging, etc. Ce qui lui a ouvert les portes de l’Association des blogueurs du Mali (ABM) et de l’Association des professionnels de la presse en ligne au Mali (Appel-Mali). Cet engagement lui a également donné sa force de conviction et un tempérament à la fois fonceur et déterminé. C’est grâce à cela qu’il arrive à se faire inviter et à pouvoir enseigner le Web-journalisme à l’Ecole supérieure de journalisme et de communication du Mali.
Diplômé d’un master 2 international en management des médias obtenu à l’Ecole supérieure de journalisme de Lille et d’un master 2 en droit, économie, gestion et management obtenu à l’université de Lille, Salif Diarrah, du haut de ses 1m80, gère« efficacement » la jeune équipe de Maliactu.net au sien de laquelle il insiste sur le travail bien fait en droite ligne avec la déontologie du métier, le tout dans une ambiance bon enfant. « Il est toujours disponible », reconnait une de ses journalistes. Ici, il n’est pas perçu comme le chef, mais un « simple journaliste » qui, pétri d’un sens élevé d’écoute, discute de tout avec ses employés. Dans la grande salle de rédaction, il partage la même table que les autres malgré un bureau bien équipé à sa disposition, mais qu’il utilise uniquement pour recevoir des invités ou des partenaires.
Marié depuis une année seulement, Salif n’a rien perdu de son sourire malgré le stress qu’il vit tous les jours à cause de ce contrôle judiciaire. Il essaye de garder le moral, espérant que son affaire sera vite classée afin qu’il puisse continuer à exercer sa passion : le métier de journalisme.
- I. K.
30minutes.net