Dans le sillage du putsch du 22 mars qui a renversé le président Amadou Toumani Touré, des groupes islamistes armés ont pris le contrôle du nord du pays, suscitant l’inquiétude croissante de la communauté internationale. « L’occupation du nord du pays a fortement perturbé la production agricole et le commerce. La détérioration de la situation en matière de sécurité a provoqué une chute des voyages d’affaires au Mali », selon le FMI, qui ajoute: « Les secteurs du commerce, des hôtels et des restaurants ont été durement touchés ».
Alors que le FMI prévoit un recul du produit intérieur brut (PIB) malien de 1,5% cette année, le président américain Barack Obama a décidé de retirer au Mali son statut de partenaire commercial privilégié des Etats-Unis, en raison du recul de la démocratie dans ce pays. La crise économique, à Bamako, n’épargne personne et le taux de chômage y est de 17,3%, selon l’Institut national des statistiques (Instat). Le secteur tertiaire, en forte récession en 2012 (-8,8%, selon l’Instat), est le plus touché. Les licenciements économiques ont fait un bond au dernier trimestre 2012, particulièrement dans l’hôtellerie: hommes d’affaires et touristes ne viennent plus à Bamako, les expatriés quittent la ville.
« Les employeurs sont arrivés au bout des systèmes préconisés pour maintenir les emplois en cas de crise: congés anticipés, chômage technique ou partiel », explique Salif Bagayoko, directeur régional à l’inspection du travail. A l’Association d’appui à la promotion des aides familiales (Apaf), des femmes à la recherche d’un emploi de domestique affluent du matin au soir, revoient leurs prétentions salariales à la baisse en dépit d’une hausse du coût de la vie qui touche, d’abord, les foyers les plus modestes. « On travaille à perte » Les prix du carburant, du gaz, et les produits de première nécessité sont parfois passés du simple au double. Certaines travaillaient pour des coopérants étrangers qui sont partis, pour un salaire déjà peu élevé, de l’ordre de 80.000 francs CFA (122 euros). Aujourd’hui, « même 35.000 FCFA (53 euros) conviendraient » à Aïssa Camara, veuve de 42 ans, qui a perdu son travail en février.
L’industrie est également touchée: 20% des usines de la capitale ont fermé et 60% ont recours au chômage technique, selon M. Bagayoko. « Depuis mars, on travaille à perte », explique Alioune Badara Diawara, administrateur général adjoint de Batex-ci, une usine textile. « Les commandes sont là, grâce aux pays de la sous-région. Mais le coton, notre matière première, ne nous est plus livré depuis plus de deux mois: l’entreprise qui le produit est à bout de souffle », dit-il. Le coton est un des principaux secteurs d’activité au Mali, pays essentiellement agricole où sont également exploitées quelques mines d’or.
Avant la crise, le tourisme était an outre un pourvoyeur de devises essentiel. « Les vrais martyrs, c’est nous », juge Gaoussou Kantako, artisan bijoutier depuis 1993 au marché de N’Golonina à Bamako. Visage fermé, il explique: « On peut passer trois, quatre jours sans voir un client ». « Les consignes données aux rares étrangers d’éviter de sortir ont eu raison de l’artisanat local. Certains artisans sont découragés, ils restent à la maison, ou alors ils sont partis travailler dans les mines d’or », affirme l’artisan. Selon lui, ce sont environ 120 de ses collègues, soit plus de la moitié, qui ont quitté le marché ces derniers mois.
Dans le secteur des transports, la compagnie nationale Air Mali n’a pas pu résister et a suspendu lundi ses activités pour neuf mois. « On prévoyait l’équilibre pour 2013, mais le coup d’Etat a tout changé », indique Souleymane Sylla, responsable administratif et financier de l’entreprise dont les 66 salariés ont perdu leur emploi à la veille de Noël.
AFP 25/12/2012