Le président de l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI), Dr. Moumouni Guindo, a présenté, le 14 octobre 2021 au cours d’un déjeuner de presse, les rapports annuels 2019, 2020 de l’Office et celui de l’étude relative à la déontologie des agents publics du Mali. Du Rapport de 2019, il ressort qu’ en 2015 à l’Institut national de Prévoyance sociale (INPS), le directeur général adjoint a perçu 353,72 millions de FCFA ; et l’agent comptable a perçu 1 milliard 70 millions de FCFA.
Du rapport de 2020, il ressort qu’au titre de la contribution à la répression, l’OCLEI a transmis à la justice six (6) dossiers d’enrichissement illicite présumé, pour des biens évalués à 2 milliards 715 millions de FCFA, soit 37 maisons d’habitation et 178 parcelles, dont 83 concessions rurales totalisant 176 ha. «Le montant total des entrées sur les comptes bancaires des six (6) personnes s’élève à 2 milliards 588 millions de FCFA de 2014 à 2020. Dans la même période, leurs revenus légitimes s’élèvent à 317 millions de FCFA », précise le rapport.
C’est ainsi que Dr. Moumouni Guindo a rappelé que l’OCLEI a adopté une méthode d’identification des déclarations de biens à investiguer. «C’est une démarche méthodique, objective et systématique. Elle a permis d’identifier 48 personnes dont le patrimoine a subi des variations significatives. Des enquêtes ont été ouvertes sur ces cas », ajoute-t-il.
Aussi, au titre de l’année 2020, sur un total de 253 déclarations déposées à la Cour suprême, l’OCLEI, selon le rapport, a traité 229 déclarations effectuées par 220 personnalités. «L’analyse de ces 229 déclarations a fait ressortir 204 cas de variation positive par rapport à l’année 2019. En valeur nominale, l’augmentation va de 5 278 FCFA à 2 402 563 630 FCFA. En taux, elle varie de 5% à 126%. La valeur cumulée des biens figurant dans les 229 déclarations s’élève à 31 773 152 247 FCFA. En moyenne, la valeur des biens déclarés est de 144 423 419 FCFA par personnalité. La valeur la plus élevée par personne est de 2 402 563 630 FCFA. La valeur déclarée la plus faible par personne est de 5 277 FCFA, montant du solde du compte bancaire de l’intéressé, qui n’a déclaré aucun autre bien. Pour les 220 personnalités concernées, la valeur cumulée des immeubles bâtis au Mali et à l’étranger s’élève à 18 milliards 444 millions de FCFA. Les immeubles représentent en 2020, 58,1% des biens contre 54,39% en 2019 pour 107 personnalités. Le montant cumulé des soldes des comptes bancaires est de 4 246 230 977 F CFA en 2020, soit 13,4% du total cumulé du patrimoine contre 3 045 095 937 F CFA (soit 19,89%) en 2019», précise le document.
Des indemnités de départ à la retraite à l’INPS contraire à la loi
S’agissant du rapport de 2019, il note que l’OCLEI a mené dans le cadre de la prévention, onze (11) activités d’information et de sensibilisation à travers le Mali auxquelles 674 personnes ont participé. «Concernant les déclarations de biens, l’OCLEI a exploité 400 déclarations. Il a mis en place et animé un dispositif de gestion des déclarations de biens. L’OCLEI a constaté que le Premier ministre et plusieurs ministres sont entrés en fonction sans avoir procédé à leur déclaration de biens. Certains ministres sont restés en fonction plus d’une année, d’autres plus de trois ans sans effectuer leurs déclarations de biens », peut-on lire dans le rapport.
Concernant la répression de l’enrichissement illicite, l’OCLEI a mis en place un Numéro vert 80 00 22 22 dont le lancement a eu lieu le 10 décembre 2019. «En outre, il a ouvert 32 dossiers d’enquête dont trois (3) ont été transmis à la justice. La valeur des biens meubles et immeubles présumés illicites dans ces trois (3) dossiers s’élève à 4 milliards 279 millions de FCFA alors que le total des revenus légitimes des trois (3) agents publics concernés est de 127,69 millions de FCFA dans la même période. La valeur des biens représente plus de 33 fois le total des revenus légitimes », souligne le rapport.
Dans son propos préliminaire, Dr. Moumouni Guindo, a souligné que sur auto-saisine et après examen, l’OCLEI a constaté que la liquidation, en 2015, des indemnités de départ à la retraite du directeur général adjoint et de l’agent comptable de l’Institut national de Prévoyance sociale (INPS) est contraire à la loi. «En dehors de toute légalité, le directeur général adjoint a perçu 353,72 millions de FCFA ; et l’agent comptable a perçu 1 milliard 70 millions de FCFA », précise-t-il.
L’OCLEI souligne également que de 2005 à 2019, les irrégularités financières découvertes, s’élèvent à 1 266 milliards de francs CFA. «Ces irrégularités financières consistent en divers détournements de deniers publics, non-recouvrements de recettes, dépenses fictives, surfacturations et gaspillages. Le résultat des investigations de l’OCLEI confirme la gravité du fléau. En 2019, les trois rapports d’enquête qu’il a transmis à la justice ont révélé des biens présumes illicites totalisant 4 milliards 279 millions de FCFA. Certes, les trois agents concernés bénéficient de la présomption d’innocence jusqu’à la fin de la procédure », ajoute le Rapport.
Le document souligne enfin : «Concernant l’évaluation des activités liées à la prévention et à la répression de l’enrichissement illicite, l’OCLEI, après analyse des rapports des structures de contrôle, évalue à 51,4% le taux des recommandations entièrement mises en œuvre par les structures contrôlées. Près de 97% des recommandations sont de nature administrative. En outre, les textes sur l’enrichissement illicite présentent des insuffisances qui affaiblissent la lutte contre le fléau. »
Faible connaissance des codes de déontologie au sein de l’administration
Concernant l’étude relative à la déontologie des agents publics du Mali, elle a été initiée par l’OCLEI, selon le rapport, dans le souci d’avoir une compréhension rationnelle de l’exercice de la déontologie dans la sphère de l’administration publique ; une administration qui n’a d’utilité que si elle donne satisfaction aux usagers de tous les jours. «Assurément, la moralisation de la vie publique et la lutte contre l’enrichissement illicite sont des lignes d’action prioritaires que l’étude a abordées », peut-on lire dans le rapport.
Selon le même document, l’étude a fait le point sur l’existence, l’application et le respect des codes dans l’administration publique. «L’étude a identifié 20 textes législatifs ou règlementaires consacrés totalement ou partiellement à la déontologie des agents publics. Il y a deux textes de portée générale : le statut général des fonctionnaires (2002) et le code d’éthique et de déontologie de l’agent de l’administration publique (2019). Les 18 autres sont des codes de déontologie ou des textes spécifiques à des corps. L’étude a constaté que le niveau de connaissance des codes de déontologie est faible et disparate parmi les agents publics. En général, ils ont une idée très imprécise sur la déontologie de leur corps. Certains admettent leur ignorance totale de la déontologie », souligne le rapport.
Ousmane BALLO / Afrikinfos-Mali