Les différentes déclarations de l’opposition Politique Malienne suite aux scandales de l’achat du Boeing présidentiel, de l’engrais frelaté, des tracteurs surfacturés …,est affligeant.
Au bout de 25 ans de démocratie, ils arrivent encore à croire que les déclarations dans la presse vont faire reculer un régime. Juste à pleurer de voir tant d’aveuglement, à moins que ça ne soit du cynisme, pour obliger par la déception, à faire voter pour l’alternance.
Si IBK a gagné l’élection de 2013, c’est pour des raisons bien connues de qui veut bien regarder. Il est le symptôme d’un malaise profond du Mali, d’une certaine classe de la société Malienne qui se sent exclue et méprisée, pour qui l’action publique, depuis l’avènement de la démocratie en 1991, n’a été qu’une série de déceptions.
On leur a tout promis, et ils n’ont vu qu’une dégradation de leur situation. En prime, ils se font traiter de cons par des gens qui vivent dans une tour d’ivoire, bien à l’abri dans une forteresse dont les autres sont exclus.
IBK a gagné en 2013 parce que le Mali est un pays barricadé, qui précarise une partie de sa population, pour sécuriser une petite minorité. Il suffit de voir la difficulté qu’il peut y avoir pour certains à avoir un travail, un logement, même simplement accès à l’eau, l’électricité, Internet ou aux services publics.
Quand vous habitez au fin fond de Kayes, que vous êtes au chômage, que la seule Entreprise Minière de la ville vient de fermer, quel effet peut avoir les déclarations de l’opposition, qui vous explique que l’avion du Président à été surfacturé ?
Déjà pour commencer, vous ne lisez pas les journaux, ni internet. Vous ne lisez pas plus les déclarations des politiciens, quels qu’ils soient.
La question de la corruption au Mali n’est pas une histoire de choix politique qu’il faudrait démonter de manière systématique et rationnelle.
C’est d’abord l’histoire d’une fracture sociale et d’un immobilisme des élites, qui s’est doublé, ces derniers temps, de la révélation de leur incompétence totale. Il a suffit d’une crise au Nord du Mali pour que le décor s’écroule et qu’on s’aperçoive que ces élus pontifiants ne maîtrisent plus rien.
Depuis 2013, et la manière dont se comporte le gouvernement, je partage désormais la colère que les Maliens cherchent à exprimer.
Je comprends que pour certains, l’alternance est la seule solution en 2018.
Cette alternance, il faut la bâtir et la colère peut être un moteur.
Il y a beaucoup de boulot en perspective. Certains vont se précipiter sur la première solution qui vient à l’esprit : monter un parti politique et présenter des candidats aux élections. C’est la dernière étape du processus, si rien n’a marché avant.
Il faut commencer par bâtir un programme. C’est un boulot énorme de se poser, de dire ce que l’on veut, de le formaliser. Cela peut être des mesures très précises, mais aussi des lignes directrices ou de grandes aspirations.
Il faut aussi le diffuser et le faire partager. Il est donc nécessaire de « rencontrer un public » et cela n’est possible que si le programme répond aux aspirations et attentes d’une génération.
Ce n’est pas possible de le faire dans les journaux. Non seulement ils sont squattés par la vieille génération, mais surtout, ils ne sont que des moyens de diffusion.
Quand on n’a rien à dire, comme une bonne partie de notre classe politique l’illustre, passer en boucle dans la presse ne sert pas à grand chose. Les outils, notamment numériques, existent, mais cela demande aussi une structuration, qui pour le moment, fait défaut. Si des structures existent, aucune ne s’est vraiment donné comme objectif de porter un projet politique.
Les idées et les aspirations foisonnent pourtant dans la nouvelle génération.
Derrière ces pratiques, il y a une « idéologie », des valeurs qu’il faut expliciter.
Les jeunes Maliens veulent construire, s’épanouir, et leur modèle n’est pas le fonctionnaire mais le chef d’entreprise. La matière est là, il faut juste un peu de cristallisation pour traduire cela en termes d’action politique.
La masse critique est là pour que des centaines de milliers de personnes adhèrent à de nouvelles valeurs, à de nouvelles manières de faire de la politique. La génération des 55-80 ans, qui s’accroche encore au pouvoir (politique, économique et médiatique) est discréditée et se dirige vers la sortie pour des raisons d’âge.
Pour éviter qu’ils ne soient remplacés par des clones plus jeunes, il faut secouer le cocotier et arriver avec une formule de remplacement.
Plutôt que de se lamenter et dénoncer, il faut construire une autre offre politique qui marque une véritable rupture et puisse susciter une d’adhésion de masse.
Le prochain scandale du régime sera-t-il l’étincelle qui provoquera l’action ?
Séga DIARRAH
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