Résumé de la note…
Considéré comme la deuxième source d’exportation après l’or, le coton représente pour le Mali une culture très importante, avec une contribution au PIB qui avoisine 20%. Les différents acteurs (gouvernement, organisations paysannes et secteurs privés) y accordent beaucoup d’intérêt car près de trois millions de la population malienne vivent directement ou indirectement de ce trésor.
Les efforts conjugués de ces acteurs au cours de la dernière saison 2016/2017 ont rehaussé le Mali au titre de champion d’Afrique devant le Burkina Faso. Environ 1 million 330 balles de fibre blanche, soit 90 000 balles de plus que l’an dernier, ont été produite cette année selon les estimations du département américain à l’agriculture, l’USDA.
Certes, un exploit pareil doit être salué et encouragé car emmenant d’un travail de synergie et de bonne volonté, mais il donne également une opportunité favorable pour soulever les problèmes auxquels cette production fait face à savoir le manque de durabilité et de transformation.
Il semble, par conséquent, cruciale que les réflexions se portent sur l’ensemble de la chaine de valeur coton pour aller au-delà de la simple production. Pour cela, les jeunes et la technologie seraient d’un apport considérable car une « révolution du coton » est incontournable pour le premier producteur de l’Afrique, toujours en quête de développement durable.
L’Etat devrait faire mieux…
Il y a deux ans, lors d’une visite au village de Bogobala à une dizaine de kilomètre de Bougouni, région de Sikasso, j’ai pu visiter quelques champs de coton et échanger avec les acteurs y présents. Le constat général est le manque d’accompagnement des producteurs.
Ces derniers sont majoritairement laissés à eux-mêmes sans aucune formation préalable de la part des spécialistes. Le savoir se transmet donc par les ainés, de génération en génération, au sein de la famille. Ce qui n’est pas fondamentalement négatif mais malheureusement manque de mise à jour car la science évolue à grand pas et les techniques culturales se modernisent de jour en jour. La faiblesse des rendements s’explique donc selon eux par le manque de moyens financiers, matériels et humains. L’augmentation des superficies emblavées ne semblent pas pourtant être la principale solution à ce problème. Il faut rappeler que dans cette zone le rendement tourne entre 400 et 500 kilos à l’hectare quand la saison est considéré comme bonne. C’est donc encore très loin derrière les quantités récoltées par hectares aux Etats-Unis ou en Australie.
Le manque d’eau est également un fort handicap à la production de coton au Mali. La culture se fait généralement sous pluie et les tendances actuelles de la pluviométrie dans le contexte de changement climatique accentuent la vulnérabilité des acteurs. En effet, les effets du changement climatique se ressentent en milieu rural à travers une diminution du volume d’eau reçu par saison pluvieuse mais aussi par les perturbations du calendrier cultural (début tardif et arrêt hâtif) des pluies.
Concernant les semences et autres intrants agricoles, l’Etat et ses partenaires ont consenti des efforts notables, ce qu’il ne faut pas négliger, néanmoins ces apports ne sont pas suffisants et bien repartis car beaucoup de producteurs manquent justement de matériels nécessaires pour s’adonner convenablement à la culture de coton. Ces producteurs, qui ont un faible revenu et qui peinent à survenir entièrement aux besoins de leur famille, n’ont pas la possibilité de s’offrir des tracteurs ou d’autres matériels de productions afin d’en tirer le maximum de profit. Il revient, par conséquent, à l’Etat de les accompagner de la meilleure des manières pour créer un environnement favorable à la production.
La prise en compte des quelques pistes de solutions qui vont suivre, pourrait à mon avis, contribuer à la durabilité et à l’amélioration de la culture de du coton au Mali tant sur le plan quantitatif que qualitatif.
Il s’agit d’abord de renforcer les capacités des producteurs à travers des sessions de formations, les approches « champs-écoles », les suivis périodiques par des experts, etc. Ensuite, faciliter l’accès à l’eau par le biais des aménagements hydro-agricoles, les forages, les bassins de retentions, etc. Et, améliorer la gestion de l’eau grâce à des techniques plus économes en termes d’irrigation. Il faut noter que si les Etats-Unis sont parmi les premiers producteurs de coton au monde, c’est aussi grâce à ces systèmes d’irrigation. En fin promouvoir la modernisation de la culture de du coton, à travers le machinisme et les nouvelles technologies qui offrent une opportunité extraordinaire à notre agriculture d’une manière générale de se développer, dans le cas qui nous concerne, ici, celui de la culture du coton.
Transformation quasi-inexistante du coton au Mali…
De nombreux articles et auteurs ont évoqué les statistiques de la production et de la commercialisation du coton au Mali. Cela ne fera donc pas l’objet de notre réflexion d’autant plus que même si les chiffres varient selon les sources, le constat est qu’une tendance à la hausse est notée dans la production du coton au cours de la dernière saison.
Nous allons plutôt nous poser un certain nombre de questions par rapport à la « transformation et/ou valorisation » de ce produit au détriment de l’exportation sous forme de matière première. Le Mali se trouve vulnérable aux fluctuations des coûts de l’« or blanc » d’autant plus qu’il est menacé par les subventions européennes mais surtout américaines accordés aux producteurs occidentaux, rendant de ce fait le coton africain non compétitif.
Comment la transformation du coton est organisée au Mali ? Et, quelles sont les pistes pour parvenir à une véritable « révolution » de ce maillon important de la chaine de valeur du coton ? Telles sont les questions que nous tenterons de répondre dans cette partie
La transformation du coton au Mali est, puisse-je le dire, exclusivement gérée par la compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT). Cette entreprise a été créée par l’Etat malien en 1974 pour coordonner la production et la commercialisation de la filière coton sur l’étendue du territoire national. Malgré, cette vision politique affichée depuis plusieurs années, pour valoriser localement le coton malien et la signature de plusieurs accords de partenariat avec des sociétés étrangères notamment chinoise, le Mali ne transforme qu’environ 2 à 3% de sa production totale. Ce qui montre sans équivoque la sous-exploitation de cette belle opportunité que nous offre le coton. Paradoxalement, les tissus à base de coton « Bazin, Wax » fabriqués au Pays-Bas sont très prisés au Mali et dans la sous-région. Cela ne devrait-il pas servir de motivation pour nos entrepreneurs grâce à la forte demande sur le marché ? Quelques interlocuteurs que nous avons questionnés sur ce point ont souligné la complexité de cette piste si l’Etat n’accompagne pas les entreprises privées.
Au Mali, la transformation du coton est devenue un enjeu national, aussi bien que les jeunes y accordent beaucoup d’espoir pour la création d’emploi et la lutte contre la pauvreté. Cette volonté de la jeunesse malienne s’est matérialisée à travers des activités comme l’organisation par l’Association des jeunes pour la valorisation du coton (AJVC) en partenariat avec la CMDT d’un colloque, sous le thème « Rôle du genre dans la transformation locale du coton » en avril 2017.
« C’est là l’une des initiatives salutaires des jeunes, qui va contribuer au développement du coton », a expliqué le ministre de l’Artisanat et du Tourisme. Selon lui, le coton représente 25 % du Produit intérieur brut (PIB) malien et constitue la première ressource d’exportation de notre pays, avec plus de 600.000 tonnes de coton par an, voire 800.000 à l’horizon 2018 ».
Une solution à cette sous-exploitation et manque de valorisation du coton au Mali serait évidemment la « jeunesse et la technologie ». Cette formule qui ne nécessite pas, à mon avis, une longue démonstration pour le faire comprendre, sera le sujet de ma prochaine note de réflexion sur l’agriculture malienne
Lamine Samaké