MALI-BILAN La résilience du peuple à rudes épreuves

Pour de nombreux observateurs, la démission du président Ibrahim Boubacar
Kéita le 18 août dernier sous la pression du Comité national pour le salut du
peuple (CNSP) est le fait marquant de l’année 2020 au Mali. Mais, ce sont
surtout la violence terroriste et intercommunautaire, la pandémie du
coronavirus et les mesures préventives indispensables à sa prévention qui
sont soumis notre résilience collective à rudes épreuves.
La démission du président Ibrahim Boubacar Kéita est intervenue au terme de
plusieurs mois (juin-août) de manifestations organisées notamment par le
Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques pour exprimer le
mécontentement d’une frange non négligeable des Maliens à l’égard de son régime.
Rares sont les observateurs surpris par la tournure des événements car, comme l’a
déploré l’un d’eux, «personnalisées, les institutions ont subi la décrédibilisation de
ceux qui les incarnent». Et il a ajouté que le défunt pouvoir a fait les frais de sa
politique ayant consisté à «affaiblir l'opposition et à annihiler la société civile pour
être plus fort». Ce qui a eu comme conséquence de ne lui offrir comme interlocuteur
que la «rue déjà récupérée par un religieux (l’Imam Mahmoud Dicko, autorité morale
du M5-RFP) qui joue de son pouvoir charismatique». La «gestion scandaleuse» des
contentieux liés aux législatives, notamment le second tour du 19 avril 2020, en
faveur du RPM (Rassemblement pour le Mali, parti au pouvoir à l’époque) a été le
pavé dans la mare.
Après la démission d’Ibrahim Boubacar Kéita à la télévision nationale dans la nuit du
18 août, les Maliens ont appris la création du CNSP dirigé par des «Colonels» avec à
leur tête le commandant des Forces spéciales maliennes, Colonel Assimi Goïta.
«Nous avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant
l'histoire car notre pays sombre de jour en jour dans le chaos, l'anarchie et
l'insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée», a alors justifié le porte-
parole des militaires, le Colonel-major Ismaël Wagué. «Nous ne tenons pas au
pouvoir, mais nous tenons à la stabilité du pays, qui nous permettra d'organiser dans
des délais raisonnables des élections générales pour permettre au Mali de se doter
d'institutions fortes», a-t-il promis.
Il s’en est suivi un véritable bras de fer entre la junte au pouvoir et la Communauté
économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) voire la communauté
internationale quant à la gestion de la transition. Par la suite, les militaires ont
organisé des concertations régionales puis nationales (10 au 12 septembre) pour
dégager l’architecture de la Transition, notamment les organes (président et vice-
président, gouvernement et le Conseil national de la Transition), la Charte et sa
«Feuille de route». Pour la Cédéao, la Transition de 18 mois acceptée a débuté le 15
septembre après le mini-sommet tenu à Accra (Ghana) sur les documents élaborés
par les concertations nationales.
La volonté du peuple contrariée par la Cédéao
Après la validation de cette architecture par l’organisation sous-régionale (qui ne
lèvera les sanctions contre le pays qu’après la formation du gouvernement), le
président de la Transition, Bah N’Daw, ainsi que son vice-président Colonel Assimi
Goïta, ont prêté serment le 25 septembre.

Deux jours plus tard (27 septembre), Bah N'Daw a nommé Moctar Ouane comme
Premier ministre. Celui qui était le Délégué à la paix et à la sécurité à la Commission
de l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'ouest (UEMOA) à
Ouagadougou (Burkina Faso) depuis 2016 a formé son gouvernement le 5 octobre
dernier. Une équipe dont des postes clés (Défense, Sécurité, Administration
territoriale, Réconciliation nationale et Développement social) sont détenus par le
CNSP.
Après un bras de fer entre les autorités en place et une grande partie de la classe
politique par rapport à la clé de répartition des 121 sièges, la composition du Conseil
national de la Transition (CNT) a été dévoilée le 3 décembre par un décret
présidentiel. Et ses membres ont élu à la présidence le Colonel Malick Diaw (1er
vice-président du CNSP) lors de sa session inaugurale qui débuté le 5 décembre
dernier à Bamako.
Il faut noter que le M5-RFP ne se reconnaît pas dans ces organes ainsi mis en place
et crie à une «militarisation» de la transition politique. Et ses leaders n’écartent pas la
possibilité de descendre dans la rue pour se faire entendre. Ce sera sans doute sans
les nombreux militants de la Coordination des mouvements, associations et
sympathisants (CMAS) de l'imam Mahmoud Dicko dont les leaders et l’autorité
morale ont visiblement viré du côté des «Colonels».
Selon le sondage spécial dénommé «MALI-METRE SPECIAL» et présenté mardi
dernier (8 décembre 2020) par la Fondation Friedrich Ebert (la Friedrich Ebert
Stiftung-FES), plus de la moitié (53,4 %) des Maliens sondés est favorable à un
militaire pour conduire la Transition contre 22,4 % qui opteraient pour une transition
civile et 21,7% indifférents au profil de la personne qui dirigera la transition. Et plus
de trois Maliens sur cinq (61,1 %) sont convaincus que cette transition mènera vers
un système démocratique et de bonne gouvernance.
A noter que le parachèvement du processus de réorganisation territoriale ;
l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle constitution ; l’assainissement de
l’écosystème politique ; la réforme des systèmes électoral et scolaire sont, entre
autres, les priorités assignées au gouvernement de la Transition par la «Feuille de
route» élaborée par les concertations nationales et validées par la CEDEAO.
Mais rien de tout cela ne sera possible sans le retour de la sécurité qui est une
attente forte des Maliens face à l’insécurité grandissante dans le pays. Tout comme
la lutte contre la COVID-19 dont la seconde vague fait actuellement des ravages
dans le pays.
Moussa Bolly