La tendance s’est dessinée assez rapidement dans la soirée, avec la victoire d’Obama dans le Michigan, l’Etat où Mitt Romney est né et où son père fut gouverneur, de 1963 à 1969. Romney n’a pas davantage séduit le Massachusetts, où il fut gouverneur de 2003 à 2007, ni l’Etat voisin du New Hampshire, où il possède une résidence et espérait aussi créer la surprise. Son colistier, Paul Ryan, n’a pas été plus efficace dans son Etat du Wisconsin, resté également dans le camp Obama. A la différence de 2008, le Président a ne pourra pas compter sur une majorité au Congrès : la Chambre des représentants, reconquise en 2010 par les républicains, reste aux mains des conservateurs. Selon les résultats encore partiels connus dans la nuit, les démocrates devraient toutefois conserver leur majorité au Sénat.
A force d’outrances, les républicains y ont perdu des sièges qu’ils auraient pu assez facilement gagner ou conserver : leurs deux spécialistes de la reproduction, qui ergotaient sur la notion de «viol légitime» et le rôle de Dieu dans la fécondation des femmes, Richard Mourdock dans l’Indiana et Todd Akin dans Missouri ont été battus. Jusqu’à la dernière minute, Mitt Romney avait voulu y croire, faisant encore savoir en début de soirée qu’il n’avait préparé qu’un seul discours, celui de la victoire. A l’heure de notre bouclage (6 heures du matin heure française), on attendait donc encore son improvisation… Barack Obama a été plus rapide à réagir, sur Twitter : «Tout ça est arrivé grâce à vous. Merci.»
A son habitude, il avait passé cette journée électorale dans son fief de Chicago, entre relaxation et effort de dernière minute. Le Président, qui avait déjà voté par anticipation la semaine dernière pour montrer le bon exemple, a rendu visite à un de ses bureaux de campagne, où il a passé quelques coups de fil à des militants, afin de les remercier de leur engagement. Obama a ensuite joué au basket, avant de dîner en famille avec Michelle et leurs deux filles, venues exprès de Washington. Divisée. Cette réélection est d’autant plus frappante que Barack Obama a dû affronter une crise économique, sans précédent depuis 1929.
Il est aussi le premier président depuis Franklin Delano Roosevelt à être réélu avec un taux de chômage aussi élevé, 7,9% en octobre. Le précédent le plus proche était Ronald Reagan, réélu en 1984 avec 7,4% de chômage. Comme toujours, l’économie était la préoccupation numéro 1 des électeurs américains, loin devant la santé et le déficit budgétaire, selon les sondages sortis des urnes (lire ci-contre). Avec la reprise et la baisse du chômage ces derniers mois, une brise d’espoir est pourtant revenue : 39% des votants déclaraient hier que l’économie s’améliore, quand 31% la jugeaient pire.
L’enquête d’opinion de CNN montrait aussi une Amérique restant très divisée : schématiquement, ce sont les jeunes, les femmes, les urbains, les minorités (Noirs et Latinos) et les plus pauvres qui ont voté Obama, tandis que les vieux, les hommes, les ruraux et les Blancs ont en majorité choisi Romney. Le clivage est particulièrement net entre l’Amérique des villes et celle des champs (61% des urbains ont voté Obama, 59% des ruraux ont voté Romney), celle des Blancs (39% ont voté Obama) et celle des Noirs (93% pour Obama).
Libération.com07/11/2012