Depuis leur arrestation il y a de cela plusieurs mois, les Généraux Amadou Haya Sanogo, Yamoussa Camara, Sidi Alassane Touré et les autres officiers placés sous mandat de dépôt dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat des bérets rouges, ne se plaignent pas du tout, mise à part leur incarcération. En effet, ils perçoivent toujours l’intégralité de leur salaire auquel s’ajoutent de multiples avantages liés aux fonctions qu’ils occupaient : téléphone, logement de fonction meublé, eau et électricité gratuites, sans compter un parc automobile de plusieurs véhicules de l’Etat, à bord desquels leur famille se promène de jour comme de nuit sans être inquiétée.
Pourtant au Mali, il y a une jurisprudence en la matière (voir encadré). Effectivement, au bout de trois mois de séjour en prison suite à un mandat de dépôt, le salaire et les avantages inhérents à la fonction occupée doivent être suspendus. Beaucoup de cadres de l’administration qui ont eu à vivre cette situation, ont été privés de leur salaire et ont reçu ensuite un rappel de régularisation lorsqu’ils ont bénéficié d’un acquittement et ont été relaxés des fins de toute poursuite. Qu’attendent donc nos autorités pour prendre leurs responsabilités afin que l’état de droit tant clamé soit une réalité palpable ? Telle est la question qui taraude les esprits dans les milieux judiciaires et dans des cercles diplomatiques occidentaux qui suivent avec intérêt le traitement du dossier.
En acceptant de maintenir cette illégalité, l’Etat pénalise d’autres fonctionnaires et se voit obligé de payer doublement, comme pour le cas des logements de fonction et autres avantages, notamment la prise en charge des factures de téléphone, d’eau et d’électricité. Le cas le plus patent est celui de l’actuel directeur général de la Sécurité d’Etat. Il squatte le logement d’astreinte qui lui était affecté lorsqu’il était chef d’état-major de la Garde nationale, pendant que son prédécesseur, Général Sidi Alassane Touré actuellement embastillé à Koutiala, continue de faire occuper par sa famille le logement destiné au directeur général de la Sécurité d’état où se trouve installé un dispositif de sécurité et de communication digne de la fonction. Nous pouvons citer plusieurs cas en s’intéressant à la situation de Yamoussa Camara et consorts.
Il nous revient que le dossier qui a été envoyé à la Chambre d’accusation après les requêtes et recours introduits par les avocats de Sanogo n’est pas encore revenu sur la table du juge Karembé. C’est comme s’il était perdu dans les méandres de la Justice. Il s’agit donc d’un dessaisissement de fait parce qu’on empêche le magistrat instructeur de poursuivre son travail. Une façon sournoise de l’avoir à l’usure.
Tout est donc mis en œuvre pour torpiller le travail du juge Karembé dont le courage et la témérité ont contribué à rehausser un tant soit peu l’image de la justice qui ne cessait de pâlir au fil des ans. Au nom d’une bonne distribution de la justice, il a pris des risques importants en se mettant sur le dos les membres de l’ex-junte, leurs familles et affidés, bravant les menaces et les intimidations, supportant stoïquement l’agression sur son fils qui revenait de l’école, aliénant une partie de sa liberté de mouvement pour se déplacer toujours avec une escorte, tout en guettant les moindres signes suspects dans son entourage. Ce serait donner un coup de pied à la justice toute entière que de tenter de saboter son travail de cette manière à la fois cavalière et mesquine.
Le plan est à la fois simple et machiavélique : il faut pousser Karembé vers la porte de sortie et confier par la suite ce dossier à un magistrat qui fera l’affaire car nous avions eu à dénoncer ces deux magistrats qui avaient reçu 250 millions FCFA de Sanogo pour saboter le travail de Karembé et sauver sa tête. C’est dire que ce dossier suscite des convoitises. Pendant ce temps, les familles des mis en cause continuent de narguer les populations en exhibant fièrement les véhicules, l’or et les autres biens volés pendant et après le coup d’état du 22 mars 2012. Aucun acte n’a été posé allant dans le sens de sanctions administratives ou militaires car en dehors de l’action pénale engagée par la justice, des sanctions pouvaient être prises aux plans militaire et administratif. Effectivement, pour moins que ce qu’ils ont fait depuis coup d’état à nos jours, d’autres officiers ont été dégradés, voire suspendus ou carrément versés dans le bataillon hors rang qui signifie une mise à l’écart des effectifs actifs de l’armée. Mais puisque Kati continue de faire peur à Bamako, jusqu’à Koulouba, il n’y a rien eu de tout cela.
Un appel est donc lancé aux organisations de défense des droits de l’homme pour que des actions soient menées afin que les familles des victimes ne soient lésées. Surtout que la réconciliation ne pourra jamais se réaliser dans l’impunité. Que Dieu sauve le Mali!
A.D.
ENCADRE
Deux cas pour étayer la jurisprudence évoquée
1er cas: le capitaine de gendarmerie Béréhima Sanogo :
Il était poursuivi pour faux et usage de faux, abus de confiance et vente illicite de terrain, trafic de visa et véhicule. Suite à sa mise sous mandat de dépôt, il a été doublement radié : d’abord des effectifs de la gendarmerie et ensuite de la justice militaire parce qu’il y siégeait en tant que juge militaire. Tous les recours formulés contre ces mesures ont été vains. Finalement, il a été jugé et condamné à 5 ans de prison ferme par la Cour d’assises en transport à Ségou.
2è cas: Louis Camara commandant de l’armée :
Poursuivi pour détournement de fonds alloués à la troupe, de matériels et des problèmes de stratégie, il a été dégradé par le Général Moussa Traoré dans la salle de conférence de l’Ecole nationale de police et ensuite mis aux arrêts de forteresse. Ce jour-là, pour la petite histoire, GMT est resté de 8 heures à 21 heures sans boire un seul verre d’eau.
http://journallesphynxmali.com 2014-06-21 17:16:48