Le COVID-19, actualité phare du moment, a vite fait d’éclipser le péril sécuritaire du monde moderne qu’est la lutte contre le terrorisme.
Sous nos tropiques, bien que la réalité de la pandémie doive être prise avec le plus grand sérieux, les autorités des pays sahéliens et singulièrement celles du Mali ne devront aucunement reléguer au second plan le péril de l’extrémisme religieux armé.
Le Sahel, par la force des choses et fort malheureusement, est souvent surnommé « Sahelistan ».
Pour cause, la guerre contre les narcoterroristes s’embourbe.
Ainsi donc, la France semble avoir son Afghanistan tout comme les Etats-Unis.
Un surnom qui aura fait mal à la fibre patriotique de beaucoup, mais qui n’est pas loin de la logique. Une guerre asymétrique a ses lois, quel que soit l’endroit où elle se déroule.
La présence militaire française et celle multidimensionnelle des Nations-Unies bien qu’ayant duré, sont partis pour encore durer un bon moment.
S’agit-il d’une forme de realpolitik de la France ou de recherche de légitimité à l’échelle internationale de l’ONU ?
Une chose est sûre, cette guerre loin d’être menée que sur le théâtre physique, devrait façonner l’appareil institutionnel du Mali. Prendre à bras le corps le problème dans sa totalité en élaborant un plan à terme, tel devra être la démarche de tous les pays sahéliens.
Car le combat est aussi et surtout idéologique, les sahéliens devraient faire recours aux racines de l’Islam sur le continent.
L’Islam du juste milieu, premier rempart contre le fléau.
Berceau de l’Humanité et de la Civilisation, l’Afrique ne cesse de porter l’habit noir du deuil des guerres prétendument saintes depuis des lustres.
C’est à croire que le qualificatif de continent noir à lui coller fait référence aux multiples drames dont il est le théâtre plutôt qu’à la couleur de peau de la majorité de ses habitants.
Selon Philippe Leymarie, spécialiste et co-auteur des « 100 Clés de l’Afrique » et contributeur au journal, le « Monde diplomatique », sur huit des conflits les plus meurtriers de la planète, sept se trouveraient sur le Continent.
Les épidémies s’y succèdent de manière quasi cyclique et la manne financière que représente la richesse de son sous-sol semble à défaut d’une bénédiction, être une malédiction qui attire les groupuscules armés assoiffés de sang et d’argents plus que de spiritualité.
Et comme si la fresque des malheurs était incomplète, voilà encore que depuis plus d’une décennie sévit en Afrique le péril du terrorisme religieux.
Une nébuleuse maléfique qui puise sa force de la misère et de l’obscurantisme religieux, de la majeure partie des peuples africains plus analphabètes que lettrés, d’où le feuillage de chaos et de désolation.
Les recherches poussées prouvent à suffisance que l’utilisation du mot « Jihad » ou de tout autre mot émanant de celui-ci ne correspond en rien aux crimes que perpètre la vermine des terroristes religieux.
Dans son acception la plus originale, il signifie tout simplement en Islam, combattre ses envies personnelles et ses perversions les plus obscures.
Le Jihad en Islam est un combat de purification de l’âme et du cœur à l’échelle de tout croyant.
Son but ultime est d’œuvrer à se rapprocher du créateur Tout Puissant dans la non-violence sans agressivité aucune envers ceux d’une autre confession.
Un tel éclairage de la part de nos Ulémas aurait été beaucoup plus utile pour la cause de l’Islam et de son prophète. Comment donc expliquer que des groupuscules armés extrémistes ont pu s’installer au nord du Mali et ailleurs en Afrique ? D’où leur viennent-ils ces armes et ces adeptes ?
La réponse semble être de toute évidence. Partout où ces hordes de « hors-la-Charia » ont proliféré, la conjonction de trois facteurs a été constatée.
Il s’agit de la misère, la faiblesse du pouvoir central et l’obscurantisme fondé sur une inculture religieuse généralisée.
L’Administration territoriale a horreur du vide : Partout où l’Etat central est absent, il a cédé de l’espace à d’autres types d’autorité
La facile et rapide dissémination des fous d’Allah sur le continent africain est due en premier lieu à la faible présence de l’Autorité centrale qui a moins d’emprise et de contrôle sur l’ensemble de son territoire.
Au Mali, les démembrements de l’Etat étaient quasi inexistants sur les 2/3 du territoire national.
Et l’Armée, garante de l’intégrité territoriale, affaiblit par le manque d’attention des pouvoirs publics depuis la Révolution de Mars 1991, n’a pu accomplir sa mission régalienne face aux groupuscules armés Ansar Dine, Aqmi, MUJAO et leur allié de circonstance le MNLA.
Malheureusement, la vérité est connue de tous.
La grande muette était à l’image de la société, corrompue, indisciplinée avec une chaîne de commandement désorganisée, des formations militaires aux rabais ont finalement céder le pas aux nominations de complaisance.
Avec la normalisation en cours, l’occasion est donnée à l’Etat malien de faire ce qui devait être fait depuis l’avènement de la Démocratie au Mali : faire de l’Armée malienne, une des meilleures de la sous-région et, pourquoi pas, de l’Afrique en raison de la valeur militaire et de la connaissance du terrain par les groupes terroristes arabo-touareg.
Une forte volonté politique y est indispensable.
Les Etats-majors devront maintenir l’alerte.
Et la pandémie ne devrait pas empêcher la cadence de la force conjointe du G5 Sahel.
Il y va de l’intégrité territoriale de nos pays.
Ahmed M. Thiam