LE FIGARO. – Vous avez été le premier dirigeant africain à tirer la sonnette d’alarme sur la situation au Mali. Êtes-vous satisfait de la tournure des événements?
MAHAMADOU ISSOUFOU. – Je ne regrette qu’une chose: que l’intervention n’ait pas eu lieu plus tôt. On a donné le temps aux forces terroristes de se renforcer. Heureusement, il y a eu l’opération «Serval». Sans cela, les forces africaines auraient eu beaucoup de mal à chasser les djihadistes. Tout cela est une conséquence de la Libye, où l’on a su mener la guerre mais où l’on n’a pas gagné la paix.
Les djihadistes continuent à harceler les troupes françaises et à organiser des attentats. On a parfois l’impression que les difficultés ne font que commencer. Qu’en pensez-vous?
Je ne dirais pas cela. Beaucoup de résultats ont été obtenus. Il était prévisible que les djihadistes continueraient à mener des actions résiduelles. Mais on finira par les éliminer.
Redoutez-vous le moment où les troupes françaises vont commencer à se retirer?
La France ne va pas rester éternellement au Mali. Mais on est encore loin d’avoir rétabli la sécurité dans l’ensemble du pays. Dans un premier temps, il y aura un allégement du contingent français. Mais les soldats français devront pouvoir rester encore longtemps parce que la force des Nations unies qui prendra le relais de la Misma (la force africaine) ne suffira pas. Il faudra qu’une «force parallèle» suffisamment puissante soit constituée pour combattre les terroristes. Et pour cela, les troupes françaises seront nécessaires.
Comment se présente la force de l’ONU?
Les contingents existants seront transférés à l’ONU et auront davantage de ressources. Mais les forces de l’ONU ont un inconvénient: elles ont un problème stratégique de commandement. Ce sont traditionnellement des forces défensives. Il faudra que la Minusma ait un mandat offensif sous chapitre VII, comme c’est d’ailleurs le cas en République démocratique du Congo, depuis que l’on a renforcé le mandat des forces de l’ONU pour qu’elles puissent combattre les rebelles. J’ai bon espoir que l’on ira dans cette direction parce que c’est la seule manière d’assurer la sécurité au Mali.
Le Niger est-il prêt à renforcer son contingent?
Nous avons 671 hommes qui participent à la Misma et qui sont prêts à poursuivre leur mission dans le cadre de l’ONU. Le Niger peut toujours augmenter sa contribution si on le lui demande, sachant que nous avons 5000 hommes qui sont déployés pour renforcer la défense de notre territoire.
Pensez-vous que des élections pourront avoir lieu au Mali selon le calendrier prévu, c’est-à-dire d’ici à juillet prochain?
Le Mali doit aller à des élections le plus rapidement possible pour qu’un pouvoir légitime soit constitué. Cela exige une réconciliation entre tous les Maliens. Cette réconciliation doit se faire entre tous les groupes qui acceptent l’unité du pays, ainsi que son caractère démocratique et laïc. Les groupes qui ont pris les armes doivent être désarmés et doivent négocier. Cela dit, il ne faut pas se laisser imposer un fatalisme des dates. J’ignore le niveau de préparation mais il faut organiser un scrutin libre et transparent et donc prendre suffisamment de temps pour que les élections soient légitimes.
Vous venez de fêter le deuxième anniversaire de votre arrivée au pouvoir. Quel est votre bilan?
Je suis globalement satisfait. Le programme adopté par les électeurs il y a deux ans est en cours d’exécution. Des progrès importants ont été faits en matière de sécurité et de développement des institutions démocratiques. Le taux de croissance moyen a été de 6,4 % par an. Nous sommes en train de gagner notre pari des «trois N»: «Les Nigériens nourrissent les Nigériens.» Au Niger, la sécheresse n’est plus synonyme de famine.
Pierre Rousselin
Le Figaro 2013-04-08 17:52:54