Les relations entre le Sénégal et la Chine sont assez récentes puisqu’elles n’ont été rétablies qu’en 2005. Avant cela, pendant dix ans, le Sénégal a préféré reconnaître Taïwan. Quand le président sénégalais Abdoulaye Wade se tourne vers la République populaire de Chine, il s’en explique dans une lettre à Taïpeï, par une citation du général de Gaulle : « Les Etats n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts. »
Huit ans plus tard, la Chine est le deuxième partenaire commercial du Sénégal après l’Union européenne. Aujourd’hui, hors produits pétroliers, elle détient 11% des parts de marché du Sénégal, autant que la France.
« L’enjeu de cette visite pour le gouvernement sénégalais, c’est avant tout de diversifier ses partenaires, explique Xavier Aurégan, chercheur à l’Institut français de géopolitique. Il va également essayer de combler le déficit commercial entre les deux pays : plus de 90% des échanges se font au détriment du Sénégal. »
L’année dernière, la Chine a accordé plus de 110 milliards de francs CFA d’aide au développement au Sénégal, soit environ 170 millions d’euros. Elle est devenue aujourd’hui le quatrième bailleur de fonds du pays. « Abdoulaye Wade a réussi à faire financer le musée des civilisations, des barrages, des missions médicales notamment à l’hôpital Silence de Ziguinchor en Casamance, poursuit Xavier Aurégan. Tous ces financements sont à aller chercher en amont, en Chine. »
Des relations déséquilibrées
Le commerce entre le Sénégal et la Chine s’élève à plus de 400 milliards de francs CFA, c’est-à-dire plus de 600 millions d’euros. Il est essentiellement constitué de produits chinois importés.
Le Sénégal a peu à offrir en échange : pas d’industrie, ni même de ressources naturelles dont la Chine est pourtant très demandeuse. La relation entre les deux pays paraît donc bien différente de celle que la Chine entretient avec des pays riches en pétrole notamment, comme le Soudan, l’Angola ou le Nigeria. « On peut penser que le Sénégal gagne plus dans la coopération que d’autres pays, explique Moubarack Lo, président de l’Institut africain de l’émergence à Dakar et ancien directeur de cabinet de Macky Sall. Le Sénégal reçoit beaucoup et donne assez peu. Mais ce n’est que l’aspect court terme. A long terme, il y aura de plus en plus d’entreprises chinoises qui vont gagner des marchés au Sénégal. Aujourd’hui, les grandes corporations chinoises sont en train de se positionner pour faire des autoroutes, des centrales électriques… Le calcul de la Chine c’est de se dire, investissons dans le court terme pour avoir des bénéfices à long terme. »
Commerçants chinois
Entre 1000 et 1500 Chinois vivent au Sénégal. Les deux tiers sont des commerçants, installés près de l’allée du Centenaire à Dakar. Ils vendent des biens de consommation comme des chaussures ou des vêtements. Mais les commerçants sénégalais supportent mal cette concurrence qu’ils estiment déloyale. Il faut dire qu’ils vendent eux aussi des produits d’importation chinoise. Ibrahima Lo, secrétaire général de l’Unacois, l’Union nationale des commerçants et industriels sénégalais, s’indigne : « Quand nous achetons en Chine nous sommes obligés de passer par des intermédiaires. Les Chinois n’en ont pas besoin et ont donc accès à des produits beaucoup moins chers. En plus, ils ont ici des ateliers de montage. Quand nous achetons des produits prêts à l’emploi, eux ils importent des pièces détachées. Ils gagnent sur la quantité et sur la douane. »
En réalité, l’arrivée des commerçants chinois a surtout imposé une restructuration rapide du commerce sénégalais. Deux ans après le rétablissement des relations entre les deux pays, plus 5 500 Sénégalais ont obtenu des visas d’affaires pour aller commercer en Chine.